mardi 15 décembre 2009

Résumé pour le séminaire de l'IHMC - Ecole Normale Supérieure - Scéance du 12 janvier 2010

Confréries religieuses, argent et crédit en Lorraine
XVe - XVIIIe siècles

Frédéric Schwindt
Séminaire de l’IMHC – Mardi, 12 Janvier 2010 – 10 H – 13 H

Du Moyen Age à la première guerre mondiale, le territoire qui a donné le jour au département de la Meuse en 1790, a vu l’apparition d’un peu plus de 2500 confréries religieuses, le mot « religieuses » n’étant pas selon nous le plus important de la formule.
En effet, spécialiste d’histoire religieuse, nous avons été amenés à nous occuper d’histoire économique et ceci pour deux raisons. D’abord, l’essentiel des archives de ces pieuses compagnies est constitué de documents financiers, des livres de comptes et des milliers de constitutions de rentes notamment. Ensuite, comme la partie immergée d’un iceberg, cette documentation révèle tout un pan de l’histoire des communautés d’habitants.
Aux XVIIe et XVIIIe siècles, il était de tradition pour les visiteurs ecclésiastiques de tempêter contre le mélange du temporel et du spirituel qui prévalait au sein des confréries. La manipulation d’argent et la large initiative laissée aux laïcs étaient interprétées comme un abus même lorsque ces usages étaient traditionnels. Or, les historiens ont longtemps été victimes de cette manière de voir car leur objectif était d’analyser comment la Réforme Catholique avait pu influencer les comportements des fidèles. L’association religieuse était vue d’en-haut et conçue comme un organe de l’Eglise, en gros un outil entre les mains de Rome. L’approche traditionnelle a donc privilégié la cartographie et l’étude des statuts, deux domaines qui révèlent surtout le projet initial par le quotidien. La réalité se trouve en revanche dans les documents économiques dont l’abord est malheureusement bien plus ingrat.
En effet, la confrérie est d’abord une interface entre la société et l’Eglise, entre le peuple chrétien et les clercs. Elle concrétise la capacité d’organisation des habitants, ce que Maurice Agulhon appelle « l’associationnisme », et elle remplie bien d’autres fonctions que « l’augmentation du culte divin ». Les actes de fondations signés par des prêtres, souvent des missionnaires, sont ainsi fréquemment des régularisations a posteriori d’organisations qui existent depuis longtemps de manière spontanée. La confrérie dédouble la communauté d’habitants et les biens qu’elle accumule deviennent en quelque sorte la propriété de tous même lorsqu’ils proviennent de legs de particuliers.
Les associations religieuses ont constitué une réponse populaire, et pas seulement sur un mode spirituel et symbolique, au moment des difficultés (fin du Moyen Age, guerre de Trente ans, malheurs de la fin du règne de Louis XIV) mais aussi lors de la reconstruction. Il est d’ailleurs significatif que les confréries de charité se développent après les crises, leur rôle n’est donc pas celui qui est invoqué dans les statuts, une grande part du fonctionnement relevant non des textes mais de l’informel.
A plusieurs époques mais surtout au XVIIIe siècle, on voit se développer une activité de crédit qui devient même parfois la seule fonction de l’association. C’est d’abord un crédit à la consommation qui remplace l’aide en nature accordée aux pauvres puis de plus en plus un crédit à l’investissement lié le plus souvent à l’achat de terres agricoles. Les notaires jouent un grand rôle dans la circulation de l’information mais l’appartenance à la compagnie permet aussi de se tenir au courant des sommes disponibles. Une géographie du crédit associatif peut même être dessinée.
L’étude des registres de compte révèle la mise en œuvre progressive d’une politique de gestion visant à dégager un maximum de bénéfices en minimisant les dépenses (même religieuses) afin de pouvoir prêter des sommes supérieures. Par un phénomène cumulatif, certaines associations amassent ainsi un capital considérable qui attise les convoitises de l’Eglise, parce que l’administration des confréries est encore entre les mains des laïcs, ou des Intendants qui voudraient réaffecter ce patrimoine à d’autres usages. D’ailleurs, tout au long du siècle des Lumières, les confréries avaient pris de plus en plus en charge des dépenses collectives comme le financement des petites écoles.
Les sources révolutionnaires, à l’époque de la vente des biens du clergé, permettent enfin de se faire une assez bonne idée des volumes financiers en question. A cette époque, les communautés d’habitants se sont énergiquement mobilisées pour défendre des associations et des patrimoines qui dans leur esprit leur appartenaient.

vendredi 4 décembre 2009

A paraître, un commentaire du dernier livre de Rodney Stark.

Publication mi-décembre dans la Revue de l'Histoire des Religions :
Frédéric SCHWINDT, «Rodney STARK, Le Triomphe de la Raison : pourquoi la réussite du modèle occidental est le fruit du christianisme. Traduit de l’anglais (américain) par Gérard HOCMARD», Revue de l'histoire des religions, 4/2009, [En ligne], mis en ligne le 15 septembre 2009. URL : http://rhr.revues.org/document7315.html. Consulté le 4 décembre 2009.

mercredi 25 novembre 2009

Nicolas Sarkozy et le syndrome Daladier

Nicolas Sarkozy et le syndrome Daladier
Par Frédéric Schwindt

La Réforme des armées lancée par le Président de la République Nicolas Sarkozy n’est finalement qu’un volet parmi d’autres de la RGPP (Réforme générale des politiques publiques). Les 54000 suppressions de postes font écho aux 16000, rien que cette année, dans l’Education Nationale, les 4000 dans la Police ou les 3800 dans la Gendarmerie (5 % des effectifs dans ces deux derniers cas). Chaque fois, la volonté de « modernisation » est mise en avant mais les mêmes éléments de langage sont utilisés quelques soient l’administration en cause.

Dans le cas des armées, on invoque la nécessité de transférer des budgets du personnel sur l’équipement. Le modèle proposé et celui d’une armée High Tech appuyée sur le renseignement qu’on imagine devoir être l’armée du futur… puisqu’il s’agit de l’armée américaine actuelle ! Or, tout tend à montrer que ce concept est dépassé. La réforme actuelle de notre défense aurait donc encore une fois une guerre de retard.

L’expérience actuelle en Irak et en Afghanistan, l’échec israélien face au Hezbollah, notre propre intervention en Côte d’Ivoire confirment les prédictions de Martin Van Creveld, du colonel (Marines) William S. Lindt ou de John Robb sur le retour des « petites guerres » et la notion de G4G – Guerres de 4e génération (ou 4GW en anglais : Fourth Generation Warfare). L’asymétrie, le contournement de la puissance, l’insurgé innovant avaient été conceptualisés avant la première guerre du Golfe par ses auteurs, soit bien avant l’expérience pratique imposées aux forces coalisées par le Mollah Omar ou Musab al-Suri dans son manuel de guerre insurrectionnelle l’Appel à la résistance islamique.

Aussi l’évolution actuelle de l’armée française apparaît se faire à contretemps. Elle tend même à détruire un potentiel humain adapté pourtant aux nouveaux types de conflits auquel le pays se trouve aujourd’hui confronté. Plutôt qu’une armée technologique et logistique dans laquelle il faut compter 1 combattant sur le terrain pour 9 en appui (ce qui explique que les troupes américaines sortent si peu en Afghanistan), des petits groupes noyés dans les bataillons réguliers de l’armée afghane (ce que le général David Petraëus, le spécialiste US de la contre-insurrection préconisait en Irak) voire fondus dans la population et liées entre eux par une hiérarchie souple seraient bien plus efficaces. L’armée française, de par son expérience, sait faire cela pas l’armée américaine qui a longtemps parié sur le feu et sur la technologie plutôt que sur la connaissance de la culture locale. La question est néanmoins de savoir si une armée occidentale peut « régresser » afin d’adopter comme l’ennemi une structure Web, une organisation en réseau. La rusticité de certaines de nos troupes permet de le croire mais la réforme actuelle ira à l’encontre de cette qualité.

Daladier, président du conseil et ministre de la guerre radical-socialiste à la fin des années 1930 et au début de la drôle de guerre a mauvaise presse pour avoir signé l’accord de Munich en 1938. On oublie un peu qu’il n’était pas dupe (arrivé au Bourget, il craint d’être écharpé par la foule qui l’attend et devant l’enthousiasme populaire lâche ce mot célèbre : « Les cons ! ») et qu’il a poursuivit le réarmement du pays entamé par le Front Populaire. Contrairement aux idées reçues, la France attend par exemple en 1940 l’attaque allemande avec autant de chars que la Wehrmacht et des blindés parfois de meilleure qualité. Mais Daladier resta victime de la réflexion stratégique dominante, celle des Pétain, des Gamelin et des Weygand qui dominaient le conseil supérieur de la guerre depuis 1918.

Le Président de la rupture, comme dans beaucoup de domaines, à commencer par l’Education Nationale où le combat contre l’esprit de 68 vire aujourd’hui à un soutien, voir le projet de Réforme du Lycée, a fait sienne la pensée unique. Aveuglé par le modèle militaire américain, le Président et le ministre Morin engagent la réforme de notre armée vers un modèle qui n’est plus en phase avec les besoins. Il a été frappé par le syndrome Daladier.

dimanche 22 novembre 2009

Des Amish dans le sud-meusien ?


Journées d’Etudes Meusiennes – Gondrecourt / 2009
DES AMISH DANS LE SUD –MEUSIEN ?
par Frédéric Schwindt[1]

Il peut paraître étonnant de vouloir traiter des Amish dans les Journées d’Etudes Meusiennes, tant ceux-ci sont typiques de l’univers américain. A l’image du film Witness, ils sont synonymes pour nous du refus de la modernité : les Buggy attelés et les jeunes filles en robes longues et coiffes blanches semblables à celles de nos propres congrégations mariales. La Lorraine n’est pourtant pas la Pennsylvanie, ni Gondrecourt le comté de Lancaster.

Assemblée mennonite au cimetière de Geisberg (Alsace) – Vers 1890-1900
(Photo communiquée par M. Hege – AHAM[2])

Or, des scènes en tout point semblables ont été photographiées dans l’est de la France au XIXe siècle[3] : des costumes identiques, la même rigueur, des usages voisins (par exemple le lavement des pieds à Pâques) et surtout les noms de famille. C’est que les Amish sont originaires de Lorraine, région où vivent encore aujourd’hui leurs cousins.

1 - La question est donc d’expliquer pourquoi ceux des Etats-Unis sont restés Amish et en conservant le mode de vie forgé à la fin du XVIIe siècle dans l’isolement des Hautes Vosges alors que les branches françaises sont devenues invisibles. En France, les mennonites, qui ont pourtant joué un rôle important dans la modernisation des campagnes, se sont comme on dit « intégrés ».

2 - Le sud-meusien est avec la Haute-Marne une fin et un commencement : vers 1850, le front pionnier Amish amorcé à la frontière de l’Alsace et de la Lorraine deux cents ans plus tôt vient y buter[4]. Une histoire séculaire se termine, liée à une forte mémoire de la persécution[5], une autre commence : pour certains l’émigration vers l’Amérique ou l’Algérie, pour les autres l’assimilation, la diffusion dans l’ensemble du pays voire l’exode rural vers Paris.

L’ORIGINE DES AMISH.

Le sujet pose d’abord un problème de vocabulaire. En Lorraine, on peut parler de « frères suisses » du XVIe au XVIIe siècle, de « communautés Amish » entre la fin du XVIIe et celle du XIXe siècle puis depuis simplement « d’assemblées mennonites » ou « d’anabaptistes »[6].

Des mennonites.

En effet, ces « familles », il faut insister sur ce terme car c’est la base de tout[7], appartiennent au rameau anabaptiste de la Réforme (peut-être 20 millions de fidèles aujourd’hui dans le monde). Après les Luthériens, les Calvinistes et les Anglicans, ils constituent au XVIe siècle la 4e branche originelle du protestantisme mais une forme radicale[8] qui refuse tout lien entre l’Eglise et l’Etat, ainsi que le serment ou le port des armes. Le baptême des enfants est repoussé à plus tard, d’où le surnom d’anabaptiste, parce que l’Eglise doit-être confessante donc formée de fidèles qui ont choisi leur engagement en connaissance de cause. Le nom provient du réformateur hollandais Menno Simons mais deux communautés différentes se sont en réalité formées à la Renaissance, l’une aux Pays-Bas et en Allemagne du Nord et l’autre en Suisse, avec de réelles différences masquées par l’usage commode du terme « mennonite ».

Une ethnie : les frères suisses ou Taufer.

Les mennonites de Lorraine et les Amish de Pennsylvanie viennent de Suisse, d’une région entre Zurich et Berne qui a donné le dialecte encore parlé dans le Lancaster County. D’abord proche de Zwingli, ils se séparent du grand réformateur sur le problème des rapports entre l’Eglise et l’Etat. Dès lors, ils vont être largement persécutés, les fondateurs finissant tous sur le bûcher ou noyés. Les premiers frères suisses ou Taufer étaient des intellectuels ou des artisans mais, réfugiés dans les montagnes de l’Emmental, ils ont surtout diffusé leur foi parmi les paysans. Pour longtemps, les mots « anabaptistes » et « agriculteurs » vont donc être presque synonymes.
Grace au développement de la généalogie, on retrace assez facilement l’histoire des ces familles depuis leur foyer initial : un nombre relativement limité d’individus issus de villages proches, essentiellement dans l’Emmental[9]. Une enquête génétique initiée aux Etats-Unis a d’ailleurs récemment confirmé cette origine commune rendue confuse par les changements d’orthographe des noms[10]. Le grand sociologue américain John A. Hosteller, qui a étudié la communauté Amish après guerre, a identifié 126 noms différents dont 83 seraient d’origine suisse (ils y sont attestés depuis le Moyen Âge), les autres provenant d’anglo-saxons convertis directement aux Etats-Unis[11].
Les descendants des frères suisses ont donc constitué, au moins jusqu’à la seconde guerre mondiale, une véritable « ethnie » : une communauté biologique liée par une origine commune, une forte endogamie, une culture originale et une puissante mémoire collective.

L’immigration vers la Lorraine et l’apparition des Amish.

Durant les persécutions des XVIe et XVIIe siècles, les Taufer fuient dans deux directions : vers la Bohême et la Slovaquie (origine du mouvement Huttérites) et vers le sud de l’Allemagne et l’Alsace. Strasbourg est d’ailleurs à cette époque une véritable plaque tournante pour de nombreux groupes religieux radicaux. Dès la fin du XVIe siècle, certains ont sans doute passé les cols pour gagner les vallées vosgiennes. Le mouvement s’intensifie après la guerre de Trente ans notamment autour de Sainte-Marie-aux-Mines. Dans les Hautes Vosges, les mennonites mettent ainsi en valeur les chaumes ingrates de Bourg-Bruche, de Schirmeck ou du Hang.
C’est là que, Jakob Amman, un Ancien natif de Suisse, est à l’origine d’un schisme en 1693. Le mot Amish signifie d’ailleurs « Amman Ish » ou parti d’Amman. Isolé dans un monde nouveau pour eux, coupés de leurs bases suisses, les frères qui suivent Amman ont peur d’attiédir leur foi et ils prônent donc un mode de vie sévère, autant que possible en rupture avec celui des « gentils ». Or, la plupart des communautés vosgiennes et alsaciennes décident de le suivre et en voulant les chasser de ses terres, en 1711, Louis XIV va amplifier leur déplacement vers l’intérieur, en direction de la Lorraine et de principautés accueillantes comme Salm ou Montbéliard. Plus tard, Choiseul donnera l’instruction de les ignorer, donc de ne pas appliquer la législation royale, ce qui revient à une imposer une tolérance de fait. En effet, les anabaptistes sont très appréciés pour leurs qualités d’éleveurs et d’agriculteurs même par des évêques dont ils sont parfois les fermiers.

UN FRONT PIONNIER VERS L’OUEST ET L’ARRIVEE EN MEUSE.

La Lorraine centrale, le Pays Haut et le nord de la Meuse ont été en grande partie délaissés par les communautés mennonites qui préfèrent le massif vosgien, la Moselle Est, la vieille Meurthe, le Toulois et la Haute Vallée de la Meuse[12]. Le front pionnier qui s’est développé en trois étapes a pris la forme d’un croissant centré au XVIIe siècle sur la tête de pont de Sainte-Marie-aux-Mines. Des individus isolés arrivent dès 1650-1670 dans le pays de Sarrebourg et de Sarreguemines. Une première branche nord gagne l’Est de la Moselle à la fin du XVIIe siècle mais elle ne se structure qu’au XVIIIe. Avec un siècle de décalage, le même phénomène se produit ensuite au sud mais par Saint-Dié, Lunéville, Darney, la Meuse et enfin la Haute-Marne, la progression se faisant en général en remontant les vallées.


Pour la Meuse, le premier mennonite connu est un certain Christian Amstuty, un berger né en Suisse, qui se marie à Neuville-lès-Vaucouleurs en 1819. Les premiers immigrants sont en effet toujours des bergers qui repèrent les fermes disponibles au cours de leurs pérégrinations. Ils sont généralement suivis par des meuniers qui prennent à bail les moulins du secteur. Dès 1850, la plupart des moulins de la vallée de la Meuse, du sud de Vaucouleurs jusqu’au nord de Saint-Mihiel, mais aussi semble-t-il des vallées de la Saulx, de l’Ornain et de l’Aire étaient ainsi tenus par des anabaptistes.


Le hameau du Traveron, à Sauvigny, illustre bien les lieux qui étaient alors recherchés par les mennonites : des endroits isolés, reculés où ils pouvaient se couper du monde et réunir sans gêne la communauté pour des fêtes familiales ou des cérémonies religieuses toujours pratiquées à domicile.

Arrière du Moulin de Rigny-Saint-Martin (photo F.S. 02/2007)

Moulin du Traveron (photo FS 02/2007)

Par la suite, les exploitations à louer des alentours sont particulièrement recherchées, surtout lorsqu’elles sont elles-mêmes isolées. Les moulins mais aussi les plus grosses fermes, en tout cas les exploitations des Anciens deviennent des nœuds dans le réseau mennonites, un réseau familial au long duquel circulent l’information et l’argent et grâce auquel se préparent les mariages et les déplacements.

LES ASSEMBLEES MEUSIENNES ET LEUR MODE DE VIE.

En effet, si les mennonites font parti du décor alsacien et lorrain, Erckmann-Chatrian leur consacre des chapitres entiers de ses romans, eux-mêmes cherchent surtout à ne pas se faire remarquer. D’une certaine manière, il s’agit d’une communauté sans ou hors de l’Histoire, car les Ecritures enseignent de ne pas s’attacher à ce monde. Avec les persécutions, cela les a longtemps conduits à rester fermiers et ne pas acheter de terre. Alors comment les identifier ?[13]

Compter les anabaptistes.

L’annuaire actuel permet une première approche puisque, comme on l’a vu, la recherche concerne un nombre limité de noms caractéristiques. Trois foyers principaux existeraient toujours sur la haute vallée de la Meuse, la vallée de la Saulx et le Clermontois, ce qui paraît cohérent avec la stratégie d’implantation décrite pour le XIXe siècle[14].
Or, jusqu’aux années 1870, l’Etat, le ministère de l’intérieur et les préfets surveillaient de près les minorités et tout particulièrement les anabaptistes. En 1850, le ministère des cultes avait par exemple lancé une grande enquête dans l’Est du pays afin de répondre aux « Anciens » qui avaient sollicité une aide de l’Etat[15]. Mais comme il n’y a plus d’enquêtes officielles sur une base religieuse à partir de la IIIe République, il faut alors se tourner vers d’autres sources notamment les archives municipales.
Les premiers migrants anabaptistes sont repérés dans les recensements des protestants réalisés sous la Restauration. C’est ainsi que Christian Amstuty a été trouvé en 1819-1820. En 1851, 162 mennonites vivraient dans l’arrondissement de Commercy, soit plus de 80 % de la communauté protestante du secteur, une part bien plus importante que dans les autres arrondissements meusiens[16].


Des familles isolées dans des écarts et des moulins.

En 1850, il y aurait 34 familles répartis dans 24 communes, ce qui attire l’attention sur une particularité de la Meuse. Alors qu’en Moselle ou dans les Vosges, les mennonites avaient pu constituer des communautés structurées, ici les mennonites sont relativement isolées. La communauté n’est pas encore stabilisée. Il s’agit de ruraux qui déménagent fréquemment lorsque s’achèvent les baux de leurs fermes. L’Etat-Civil permet de suivre facilement ces familles dont les nombreux enfants naissent dans des localités différentes et toujours dans des fermes isolées : Chantraine entre Dompcevrin et Saint-Mihiel, le Traveron à de Sauvigny ou Burniqueville près de Vaucouleurs… Ce mode de vie a profondément marqué les Meusiens. A Dompcevrin, on racontait encore dans les années 1970, des années après le départ du dernier anabaptiste, que les locataires de la ferme de Chantraine étaient des gens « bizarres », peu communicatifs.


La famille est de type élargi et patriarcal même si des épouses ont parfois été amenées à prendre la place du mari décédé, par exemple pour reprendre une ferme ou un moulin. Les frères, les enfants jusqu’à un âge avancé travaillent sur l’exploitation. Le célibat définitif est d’ailleurs fréquemment supérieur à la moyenne, ce qui confirme l’isolement relatif décrit plus haut. Un jeune cousin ou une cousine, parfois des orphelins, sont accueillis comme domestiques, manière commode de faire un apprentissage agricole tout en se tenant au courant des fermes disponibles dans la région. Dans les deux cas, cela facilite aussi les rencontres et donc les mariages[17]. Enfin, le groupe n’hésite pas à se mobiliser financièrement afin d’aider un jeune à s’installer ou pour aider une exploitation en difficulté.
Des fêtes communautaires, religieuses et/ou familiales, sont organisées sur le principe de la rotation et sous la présidence d’un Ancien. Celui-ci peut disposer d’une solide formation religieuse mais c’est toujours un autodidacte qui travaille comme tout le monde dans sa propre ferme. Il n’existe en effet aucun clergé professionnel chez les mennonites. L’Ancien prêche lors des cultes mais la prédication est aussi ouverte à qui s’en croit capable. Il baptise à domicile les grands adolescents et célèbre mariages et enterrements. Il joue surtout un grand rôle dans le fonctionnement de la communauté, tant sur le plan religieux que sur le plan social, comme garant de sa survie en tant que groupe particulier. Dans les faits, cette fonction devient quasiment héréditaire au profit de quelques lignages économiquement bien installés.
Comme cela a déjà été remarqué en Alsace dès le XVIIIe siècle et aujourd’hui chez les Amish des Etats-Unis, les communautés ont tendance à se scinder en deux groupes, on a du mal à dire « classes sociales » : des familles rurales à la tête de grosses exploitations agricoles qui monopolisent la fonction d’Ancien et des familles plus modestes tentées par d’autres professions et par le départ pour la ville ou pour l’étranger.

Une communauté face à un monde qui change : un accommodement ?

Cette tendance s’observe dès le XIXe siècle. L’étude des listes d’habitants ou des matrices fiscales révèle l’existence de communautés installées en ville à Vaucouleurs, à Gondrecourt et à Saint-Mihiel vers 1850. Une certaine opposition existerait entre le clan de Saint-Mihiel du « pasteur » Oesch et les familles rurales groupées autour de l’Ancien André Gréabill (Kreyenbuhl) de Chantraine. Les premiers engagent même une procédure en vue d’obtenir des subventions à l’Etat alors que les seconds continuent de pratiquer un culte itinérant dans les fermes et les moulins localisés entre Aire et Meuse[18]. Même le titre porté par les deux chefs est instructif, jamais à l’époque des mennonites strictement observant n’auraient ainsi accepté le titre de pasteur.
Si la majorité des anabaptistes meusiens sont encore paysans : laboureurs, ouvriers agricoles, bergers, des métiers artisanaux sont de plus en plus cités dans les sources. Ils sont d’abord liés aux premiers : meuniers, marchands de grain, boulangers puis de plus en plus éloignés[19]. A Vaucouleurs, des mennonites forgerons, tisserands, menuisiers et fabricants de chaises sont ainsi mentionnées dans deuxième moitié du siècle. Ces familles s’installent dans les cœurs de village ou en ville et c’est eux, peut-être désormais en marge de la communauté traditionnelle, qui demandent au préfet à être traités comme les catholiques ou les réformés.

Joseph Gény, boulanger à Sampigny, en 1908 (Photo : F. Wild)

Jean Séguy suppose que la disparition de l’assemblée de Saint-Mihiel est due à la fois à la mort d’André Gréabill en 1870 et au service militaire. Les familles se seraient ruinées pour payer des remplaçants ou pour fuir en Amérique[20]. Mais les archives locales ne le confirment pas. D’ailleurs, on sait maintenant que les descendants d’anabaptistes sont bien plus nombreux en France que ceux qui sont encore aujourd’hui rattachés aux assemblées. Les mennonites ne sont pas partis, ils se sont pour la plupart assimilés[21]. L’éclatement de la communauté de Saint-Mihiel est davantage un phénomène culturel. L’urbanisation d’une partie du groupe provoque l’apparition de deux modes de vie différents. Pour preuve, une famille mennonite de Saint-Mihiel compte à la fin du XIXe siècle plusieurs filles-mères et de nombreux enfants illégitimes, choses impensables chez les cousins restés ruraux. Les deux clans, déjà numériquement faibles, ne se comprennent plus. Le fonctionnement communautaire se grippe et ceci conduit à l’assimilation des uns et au départ des autres.

Début d’assimilation religieuse ? La demande des anabaptistes de Gondrecourt en 1859.

Traditionnellement, les Mennonites n’entretenaient pas de relation avec les autres religions, notamment avec l’Eglise catholique romaine. Mais une familiarité naturelle existe avec les protestants. Au Ban de la Roche, au XVIIIe siècle, des mariages mixtes avaient lieu avec des luthériens (en précisant parfois que les enfants de sexe féminin resteraient anabaptistes). La communauté protestante meusienne est en revanche surtout réformée même si le rapport numérique serait largement en faveur des anabaptistes dans l’arrondissement de Commercy[22].
En 1850, comme leurs frères de Saint-Mihiel, les mennonites de Gondrecourt avaient demandé que l’Etat veuille bien rémunérer leur « pasteur ». Ils n’avaient pas obtenu satisfaction. Soutenu par le maire, les protestants de Gondrecourt sollicitent l’autorisation de faire célébrer un culte deux fois par an dans la commune en 1859. Le consistoire de Bar-le-Duc approuve tout naturellement cette initiative en invoquant un décret impérial en date du 19 mars 1859 sur l’exercice du culte réformé. Dès le 21 avril, un pasteur de Bar se rend sur place et y rencontre une vingtaine de familles réformées et « un nombre au moins égal d’anabaptistes » qui s’étaient joints à la doléance. Le maire propose d’ailleurs de prêter une salle car il chiffre le besoin à 14 familles « protestants et anabaptistes », soit 26 individus. C’est en revanche une liste de 35 personnes qui est adressée au préfet, au milieu de laquelle se trouvent plusieurs patronymes typiquement mennonites : Condit (Condi, Fongon), Kaltenbach ou Schertz. Les listes d’habitants prouvent qu’il s’agissait de familles qui habitaient réellement Gondrecourt et qui, sans doute, avaient perdu l’habitude du culte dans les foyers tel qu’il se pratiquait à la campagne.
Depuis la demande de reconnaissance du culte anabaptiste par plusieurs familles du secteur, dix ans plus tôt, le problème des célébrations devait continuer de se poser d’où un rapprochement avec les réformés qui connaissaient à Gondrecourt le même problème mais bénéficiaient d’une position officielle et d’une Eglise institutionnalisée. Le 25 mai, les choses vont vite, le préfet de la Meuse autorise donc, et de bonne grâce semble-t-il, un pasteur de Bar-le-Duc à célébrer le culte quatre fois l’an à Gondrecourt. C’est plus que ce qui était demandé.

L’INTEGRATION A LA REPUBLIQUE FRANCAISE.

L’exode rural, la Révolution industrielle qui débute, les transformations du monde agricole, le développement des moyens de transport et d’échange, plus tard le service militaire universel modifient le mode de vie Amish autant que celui des autochtones[23]. La Meuse, même en Argonne ou au Traveron, ne permet pas de surcroit un isolement aussi efficace que dans les régions de montagne. Par la force des choses, les anabaptistes ont du renforcer leurs rapports avec la société ambiante, d’autant qu’ils ne constituaient pas ici de communautés autonomes. L’évolution a d’ailleurs tendance à s’accélérer avec la guerre de 1870 et la fondation de la IIIe République.

Le départ pour l’Amérique.

Dans la deuxième moitié du XIXe siècle, la communauté mennonite meusienne, pourtant encore en phase de structuration, s’affaiblit suite au départ de certains pour l’étranger. S’ils migrent peut-être pour échapper au service militaire, les exemples documentés concernent en général des groupes familiaux entiers, des clans qui étaient encore mobiles à l’intérieur du front pionnier.
Johannes Schrock (Schraag) natif de Gondrexange (1801-1875) et son épouse Catherine Salzman ont eu sept enfants. Le premier est né en Moselle mais la deuxième Catherine (1829-1906) a vu le jour à Dompcevrin. Johannes junior et Jacobina entrent dans la famille en 1835 et 1836 dans un endroit indéterminé mais l’intervalle de six ans ne semble pas anodin. Il s’est passé quelque chose au cours de ce laps de temps. Or, les trois suivants Peter, John et Magdalena naissent ensuite dans l’Illinois (notamment dans le célèbre Tazewell County) et dans l’Ohio. Les sources généalogiques prouvent même que tout le reste du clan, les frères et sœurs du couple qui vivaient encore autour de Gondrexange, ont migré en même temps avec leurs conjoints respectifs. Les premiers enfants ont vu le jour en Moselle et les autres dans l’Illinois. C’est donc l’ensemble du groupe familial qui a décidé de partir pour les Etats-Unis, sans doute après la mort du grand-père Joseph Schrag en 1830.
De la même manière, l’enquête de 1850 livre une famille Roggy à Fresnes-au-Mont et à Loisey mais celle-ci disparaît ensuite corps et bien des archives. Avec d’autres cousins lorrains, ils sont en fait partis s’installer en Algérie, dans le secteur d’Oran et de Constantine, pour s’occuper notamment de Moulins[24]. Une autre branche avait aussi gagné l’Amérique du Sud.

L’abandon des signes distinctifs.

Le costume mennonite traditionnel appartient au folklore
(Gravure - Alsace – XIXe siècle)

Le costume masculin traditionnel, chemise sans col, veste sans bouton, chapeau large, barbe est peu à peu abandonné. Vers 1912, la photographie de la famille Esch de la ferme de Clévant (près de Custines), des cousins de ceux de Vaucouleurs, sépare la génération née au milieu du XIXe siècle, qui ne garde d’ailleurs déjà plus que quelques aspects du costume traditionnel, et celle de la fin du siècle qui ne possède plus aucune particularité vestimentaire.

La famille Esch à Clévant vers 1912 (Photo : F. Wild)
De gauche à droite : Benjamin (né en 1877), Catherine Schertz (1883)
Suzanne (1910), Pierre (1847), Catherine Eymann (1846) et une domestique

La langue, l’école.

La langue de tous les jours est le français, sans doute depuis l’arrivée dans le département, alors que l’allemand a pu résister plus longtemps à l’Est même dans des secteurs non germanophones comme le prouve les inscriptions sur les tombes. Elles sont ici systématiquement en français. La faiblesse numérique des assemblées meusiennes y est sans doute pour beaucoup. La pratique de l’allemand recule même pour le culte et, quand cette langue est connue, il ne s’agit plus du Bernois mais de l’allemand littéraire.
Les noms ont souvent été francisés et même les prénoms, avec une génération d’écart, deviennent ceux des voisins catholiques. Les cinq ou six prénoms évangéliques utilisés traditionnellement pour les hommes (Christian, Pierre, André, Joseph, Jean) et pour les femmes (Marie, Madeleine) sont de plus en plus remplacés par les prénoms locaux (François, Nicolas, Barbe, Catherine) ou ceux à la mode à la fin du siècle (Léon, Alphonse, Augustine).
Le savoir est très valorisé. Dans les Vosges, certaines communautés, numériquement assez nombreuses avaient pu entretenir un maître itinérant, ce qui est impossible en Meuse. Aussi, l’école laïque, gratuite et obligatoire est saisie comme une chance et elle va ouvrir la voie vers une promotion sociale hors du département et hors de l’agriculture, dans des disciplines techniques ou technologiques et dans l’enseignement[25].

Un double enracinement : la terre et la politique locale.

Un double tabou tombe aussi qui engage davantage les mennonites dans la vie locale : l’achat de terres et l’engagement politique. Après 1870, ceux qui sont restés à la campagne deviennent propriétaires et ils constituent de grosses fermes sur le modèle de celle des Kennel de Chassey-Beaupré. Parfois, ils développent une activité artisanale, comme l’usine de chaise de la même famille. Mais l’Evangile n’est pas oublié puisque le domaine demeure fréquemment un lieu d’accueil pour des marginaux en quête d’un toit et d’un travail. Durant la guerre franco-prussienne, les chefs de familles montrent un grand patriotisme en faisant des dons importants à leurs communes, notamment pour payer les frais ou les amendes imposés par l’ennemi. Ils entrent ensuite dans les commissions relatives aux impôts locaux puis au conseil municipal avant d’accéder, vers 1890, à la fonction de maire dans plusieurs localités dont Chassey-Beaupré. De véritables dynasties de maires apparaissent mêmes parfois. C’est une rupture profonde avec le principe de non-mondanité des anciens frères suisses.

Un paradoxe : Le service militaire ?

Autre preuve d’intégration : le service militaire. Jusqu’à la fin du XIXe siècle, il suffit à un anabaptiste d’invoquer son origine suisse pour y échapper. Appelé, il peut aussi servir dans l’intendance ou le train des équipages et donc ne pas porter les armes. Beaucoup de mennonites mosellans sont néanmoins partis pour l’Amérique afin de pas avoir à faire leur service militaire. Ici, au contraire, on voit se multiplier les cas de jeunes qui devancent l’appel voire même qui s’engagent et font une carrière de sous-officier. En 1848 déjà, le témoin d’une mariée mennonite de Dainville, son frère, était mentionné comme militaire de carrière, information qui apparaît aussi sur le bordereau du conseil de révision des deux cadets.

Photo de mariage de la famille Esch à Nancy (17, rue de Serre) en 1918 (le marié prend la photo).
De gauche à droite : Thérèse (1884), Pol en tenue avec la médaille militaire (1879), Hélène (1892) et Pierre (1906) avec un calot d’adjudant ou de lieutenant, André (1851), « Grand-Mère » Gény (1833) et Emélie Gény (1857).

Sur le petit millier de conscrits mennonites français mobilisés entre 1914 et 1918, plusieurs dizaines de soldats meusiens meurent pour la France comme André Kennel, natif d’Ourches tué en Alsace en 1915. Pour l’anecdote, ils avaient été rejoints dans la troupe par des volontaires anabaptistes alsaciens ou lorrains, suisses ou même allemands qui prouvent que l’attitude avait globalement changée vis-à-vis du service des armes[26]. L’assimilation comme citoyen français est donc consommée, sans doute dès le tournant du siècle voire même avant. Les deux guerres mondiales puis surtout la guerre d’Algérie vont néanmoins provoquer un choc et un retour vers l’identité mennonite et le pacifisme. En 1920, un congrès associant mennonites français et américains s’était d’ailleurs déjà tenu à Clermont-en-Argonne sur le thème de la jeunesse et de la reconstruction[27].

Secrétariat d’Etat aux anciens combattants
Mémoire des hommes : fiche d’André Kennel (1885-1915)

Les contacts sont repris tant avec les cousins Alsaciens qu’avec ceux des Etats-Unis, contacts qui contribuent à redonner de l’énergie aux assemblées et qui provoquent un « revival » religieux bien connu. La revue « Christ Seul » qui illustre cette renaissance dispose de contacts locaux à travers les familles Kennel (Chassey), Muller (Toul) et Pelsy (Ferme de l’Epina). Certains lieux comme le domaine des Pelsy, près de Bouligny dans le nord de la Meuse, redeviennent des lieux de rassemblement et d’impulsion.

EN GUISE DE CONLUSION : TRACES ET HISTOIRE.

Aujourd’hui, deux « Eglises » mennonites subsistent en Meuse, l’une à Longeville-en-Barrois, dans la banlieue de Bar-le-Duc, l’autre à Ligny-en-Barrois. Elles sont assez dynamiques, comparées à leur poids démographiques, et la seconde sert de support à des rassemblements de jeunes venus de l’extérieur du département[28]. D’importantes relations ont été nouées avec l’Eglise réformée de Bar-le-Duc par exemple pour la célébration de cultes communs. Mais le développement récent de mouvements évangéliques de type américain a posé la question de l’identité mennonite aujourd’hui. La communauté meusienne s’est si bien fondue dans son environnement qu’elle manque de signe qui rappelleraient son inscription dans l’espace. Elle ne les a d’ailleurs jamais recherchés. Elle possède pourtant bien des lieux de mémoire !

Les toponymes mennonites.

C’est tout d’abord des toponymes, peu visibles parce que francisés. C’est le cas d’une clairière à Sauvigny, le pré Gérard, ancienne propriété de la famille Gerardt qui a tenait le moulin du Traveron et la ferme attenante.

A.D. Meuse E dépôt 363 (Sauvigny) – Carte du Traveron et du pré Gérard (s.d.)

Les tombes mennonites.

Les tombes mennonites méritent le passage même si elles sont en général d’une telle simplicité qu’elles ont plus la plupart disparues, et c’était d’ailleurs le but : ne pas s’attacher au monde d’ici bas[29]. Autrefois, la tombe était derrière la ferme une simple levée de terre rapidement oubliée. Puis, au début du XIXe siècle, là où les communautés étaient un peu plus peuplées, en Moselle par exemple, des cimetières privés ont été construits. Mais en Meuse, c’est le cimetière public qui a accueilli les mennonites, d’autant plus facilement que la laïcisation imposée par la IIIe République permet aux anabaptistes d’être inhumés hors du carré réservé jusque là aux réprouvés. Il devient donc également pour eux un lieu d’intégration[30].

Tombes de la famille Gény à Sampigny (XIXe – début XXe siècle) et tombe récente à Rosnes-Raival


Un exemple unique menacé : le carré mennonite du cimetière de Vaucouleurs[31].

Les cimetières de Chassey-Beaupré et de Vaucouleurs détiennent chacun un carré mennonite mais le second est un site unique menacé par la municipalité qui veut relever les concessions échues.

Coin nord-est du cimetière de Vaucouleurs (15 août 2008)

Inventaire au 15 août 2008 (Mme Francine Wild et Frédéric Schwindt)

Les tombes les plus anciennes, celles accolées aux murs nord et est, concernent les premières familles arrivées à Vaucouleurs. C’est un lieu de mémoire irremplaçable pour les mennonites meusiens et pour les historiens qui peuvent à travers elle retracer l’histoire de la communauté. Le cimetière prouve que le passé de nos campagnes est plus complexe qu’on ne le croyait. Des minorités y ont joué un rôle bien plus grand que ce que leur poids démographique ne laisse supposer. Ces lieux de mémoire, ce cimetière de Vaucouleurs appartiennent donc à un patrimoine commun à tous les Meusiens.
[1] Nous voulons associer à cette communication Mme Francine Wild, native de Vaucouleurs, professeure à l’Université de Caen.
[2] Association d’Histoire Anabaptiste-Mennonite qui édite notamment la revue « Souvenance Anabaptiste ».
[3] Beaucoup de documents et de photographies ont été compilés par l’AHAM notamment pour l’Est de la Lorraine et l’Alsace, il reste néanmoins beaucoup à faire notamment en Meuse.
[4] Frédéric Schwindt, La diffusion de la communauté anabaptiste mennonite en France d’après l’étude des patronymes - XVIIe-XXe siècles, La Revue Historique, N°651, 2009/3, p.561-593.
[5] Entretien avec Daniel Eymann (2009), ancien maire d’Euville, qui confirme que le souvenir des persécutions vécues en Suisse restait encore très vivace après guerre dans les familles « menno ». On racontait encore dans les années 50, l’habitude prise de garder toujours un chariot près à atteler afin de partir.
[6] La dernière assemblée Amish de Lorraine disparaît seulement en 1937 en Moselle et certains traits caractéristiques perdurent même en Meuse dans les années 1950, comme le lavement des pieds à Pâques. Jean Séguy, Les Assemblées anabaptistes-mennonites de France, Mouton, Paris – La Haye, 1977.
[7] Des auteurs ont comparé avec justesse les communautés mennonites aux communautés juives, tant le culte et la survie du groupe furent liés à la famille.
[8] L’adjectif « radical » est à comprendre dans un sens religieux et non pas politique mais les mennonites trainent encore aujourd’hui la réputation consécutive au bain de sang de Münster avec lequel ils n’ont pourtant rien eu à voir.
[9] Comme dans Les Mémoires d’Abraham, le roman de Marek Halter, des documents familiaux ont été pieusement conservés dans ces familles, par exemple des Bibles du XVIe siècle à la fin desquelles les différentes générations ont été inscrites.
[10] Dona Birkey, L'histoire de la famille de Pierre Yordy (1815-1897), article du 24 Février 2009 sur le site The Schrock-Birkey connection : Jordi, Jordy, Yordy, Yoder, Joder…
[11] John A. Hosteller, Amish Society, The John Hopkins Press, 1963 : 85 000 membres dans les années 1950, 250 000 aujourd’hui. Les auteurs réduisent aujourd’hui le corpus de noms suisses à une soixantaine. Frédéric Schwindt, La diffusion de la communauté anabaptiste mennonite en France, Op. Cit. : Dans notre étude sur les patronymes, nous avons retenu un échantillon de 40 noms, ceux qui ne prêtent pas à confusion (Muller ou Kaufmann sont hélas trop courants en régions germaniques) et qui sont attestés dans les cimetières mennonites de Lorraine et d’Alsace.
[12] Frédéric Schwindt, La diffusion de la communauté anabaptiste mennonite en France, Op. Cit., p.583.
[13] Gabriel Richard, Les anabaptistes ou Mennonites en Lorraine, Annales de l’Est, 1967 N°2, pp.131-178.
[14] Frédéric Schwindt, La diffusion de la communauté anabaptiste mennonite en France, Op. Cit., p.585.
[15] Cette exigence, qui ferait sursauter un mennonite strictement observant, prouve au passage que l’assimilation était déjà en marche.
[16] Attention, cette enquête comporte des lacunes par exemple la commune de Vaucouleurs n’avait pas répondu.
[17] De manière plus ou moins subtile, des rencontres « spontanées » sont organisées pour les jeunes en âge de convoler (témoignage de Florence Gauthier).
[18] Voir la carte « Les Menno-Meuniers ».
[19] En Illinois, des auteurs ont noté le passage de la meunerie ou du commerce des grains à la distillation du Whisky mais pour des familles, il est vrai, venues de Hesse et déjà largement accommodées avec le monde : Jeff Gundy, A Community of Memory, University of Illinois Press, 1995.
[20] Jean Séguy, Les Assemblées anabaptistes-mennonites de France, Op. Cit.
[21] Frédéric Schwindt, La diffusion de la communauté anabaptiste mennonite en France, Op. Cit.
[22] Contrairement à la sous-préfecture de Commercy, les archives des arrondissements de Verdun et Bar ayant disparues, il n’est pas possible de consulter les bordereaux de l’enquête de 1850 mais seulement les synthèses départementales. Impossible donc de déduire le nombre de mennonites de leur pourcentage au sein des protestants.
[23] L’analyse des comptes de fermes mennonites permettrait aussi de mesurer l’impact du développement du « crédit agricole » qui permet aux familles de se passer des moyens de financement internes à la communauté.
[24] Ces familles ont été rapatriées en 1962, il existe donc des pieds-noirs mennonites. Voir le site de la famille : « La tribu RRK ».
[25] Une étude sur le rôle des mennonites dans le développement de l’enseignement agricole s’imposerait. La banque et la finance sont en revanche assez mal vues.
[26] Frédéric Schwindt, La diffusion de la communauté anabaptiste mennonite en France, Op. Cit.
[27]Argonne qui avait connu avec Saint-Mihiel le principal engagement du corps expéditionnaire de Pershing en 1918.

[28] Grand merci à Danièle Guerber pour les renseignements sur l’Eglise de Ligny.
[29] Un inventaire des tombes mennonites meusiennes est en cours.
[30] Depuis deux ans, Madame Wild et moi cherchons à obtenir la protection du carré mennonite du cimetière de Vaucouleurs : Francine Wild & Frédéric Schwindt, L’unique témoin d’une communauté silencieuse : Le carré protestant « mennonite » du cimetière de Vaucouleurs menacé de disparition, Souvenance Anabaptiste, Revue de l’AHAM, 2009, N°28, p.55-69. En Meuse, les mennonites échappent ainsi à la guerre des cimetières qui a affronté catholiques et protestants en Moselle avant et après 1870.
[31] Idem.

lundi 2 novembre 2009

Mon article sur la diffusion de la communauté mennonite en France est paru dans la REVUE HISTORIQUE



Frédéric Schwindt, La diffusion de la communauté mennonite en France d'après l'étude des patronymes (XVIIe-XXe siècle), La Revue Historique, Juillet 2009, N°651, p.561-594.


Voir aussi dans ce numéro le compte-rendu du livre d'Hervé Piant : Une justice ordinaire (à lire absolument) p.712.

dimanche 25 octobre 2009

La mort de Pierre Chaunu (17 août 1923 – 22 octobre 2009)


Pierre Chaunu, un des plus grands historiens français, est décédé des suites d’une mauvaise chute le 22 octobre dernier, à l’âge de 86 ans. La Meuse avait joué un grand rôle à plusieurs moments de son existence.

Meusien, il était né le 17 août 1923 à Belleville-sur-Meuse, selon ses propres mots « à la lisière du champ de bataille » et avait été très marqué dans son enfance par un père ancien combattant et donc par la mémoire de la guerre. Après l’agrégation d’Histoire, en 1947, Pierre Chaunu était venu enseigner au lycée Poincaré de Bar-le-Duc avant de rejoindre l’Ecoles des Hautes Etudes Hispaniques et de séjourner à Madrid et à Séville entre 1948 et 1951. Sa thèse de doctorat porte d’ailleurs sur Séville et l’Atlantique (1954). Très influencé par le groupe d’Historiens qui entourent la Revue des Annales, il rencontre un autre meusien, Fernand Braudel (1902-1986) qui oriente ses recherches vers l’histoire économique et sociale. Il appartient donc à se courant historique qui visait, dans les années 50 et 60, à faire de l’Histoire une science sociale (Histoire, science sociale en 1974) d’où l’intérêt pour les méthodes quantitatives qui devaient donner à l’histoire des fondements scientifiques.

Professeur au lycée de Vanves (1951-1956), chargé de cours à la faculté de Paris (1956), attaché de recherche au CNRS (1956-1959), Pierre Chaunu devient maître de conférence puis professeur à l’université de Caen, ville où il demeurait encore au moment de son décès. Il y fonde un centre de recherches en Histoire quantitative en 1966 (Histoire Quantitative. Histoire sérielle en 1978). Elu professeur à l’université de Paris IV – Sorbonne en 1970, il était également entré à l’Académie des Sciences Morales et Politiques en 1982.

Ses travaux sont représentatifs des historiens de sa génération qui, à l’image de Georges Duby ou d’Emmanuel Le Roy Ladurie (dont le père était meusien), sont partis de l’Histoire économique pour remonter, comme l’écrit Michel Vovelle, « de la cave au grenier », c’est-à-dire vers l’Histoire des mentalités. Dans le cas de Pierre Chaunu, par ailleurs prédicateur laïque de l’Eglise réformée de France, cette évolution s’est également traduite par un grand intérêt pour l’Histoire religieuse. Dès 1975 (Le temps des Réformes), il minimisait ainsi les différences entre Réformes (protestante) et Contre-Réforme (Catholique) pour les intégrer à un même courant historique dans la longue durée (autre leçon reçue de Braudel). Pierre Chaunu était surtout un des grands spécialistes français de la démographie historique (La mort à Paris – XVIe-XVIIe siècle en 1978) mais selon une approche qui ne se contente pas de mesurer les faits (les naissances, les mariages, les décès) mais qui tente de les interpréter à l’aune des autres disciplines (économie, sociologie, sciences religieuses). Grand spécialiste de l’Amérique Latine et de son catastrophique déclin démographique au moment de la conquête espagnole (passage de 80 à 10 millions d’habitants en moins de 50 ans), Pierre Chaunu s’était tourné ces dernières années vers le problème démographique de l’Europe.

Il est le père du dessinateur Emmanuel Chaunu.

jeudi 22 octobre 2009

RAID et GIGN : deux poids, deux mesures

Quelques chiffres (sources : ministère de l'intérieur)

Le Raid (Police Nationale) : 168 fonctionnaires et un budget total de 2,17 Millions d'euros soit par agent = 12944 euros.
Le GIGN (Gendarmerie) : 389 militaires et un budget total de 1,9 millions d'euros soit par gendarme = 4884 euros.
Donc un rapport de 2,6 fois en faveur de la Police nationale.
L'inscription de la Gendarmerie pour budget au sein du ministère de l'intérieur a au moins pour avantage de pouvoir réaliser ce genre de comparaison....

vendredi 16 octobre 2009

Transfert de crédits du ministère de la défense vers l'Elysée !

Comme le veut la Constitution, nos parlementaires votent des crédits mais le ministère du budget décide, sans contrôle de la représentation nationale, de les réaffecter à .... l'Elysée : 9 Millions d'euros pris en 2008 sur l'entrainement des forces (nos soldats en Afghanistan doivent apprécier) et la Gendarmerie (la misère de certains escadrons ou des locaux de la Garde Républicaine à l'Elysée apportent aussi un élément de comparaison).

Incendie de Marseille : Les légionnaires hors de cause ! A quand les excuses ???

Les expertises viennent d'être rendues, les légionnaires de Carpiagne mis en cause cet été, lors de l'incendie qui a ravagé la banlieue de Marseille, n'y étaient pour rien. Aucune trace de balle traçante n'a d'ailleurs été retrouvé et le départ du feu n'aurait rien à voir avec le camp militaire. Pourtant un sous-officier de Légion a été présenté à l'époque comme le seul responsable de l'évènement et suspendu de ses fonctions. On se souvient des mots très durs du président de la République et du premier ministre. L'occasion était sans doute trop belle mais on attendrait du chef de l'Etat un peu de retenu et surtout qu'il attende la fin des enquêtes et des procès qui doivent seuls décider de la culpabilité des uns et des autres. Tout rapprochement avec d'autres affaires serait fortuit. Il est vrai que le président n'aime pas les militaires (et en particulier les Gendarmes, voire la polémique sur les conditions de logement des Gardes Républicains à l'Elysée et les cas de gale qui y ont été diagnostiqués)... On attendrait cependant maintenant des excuses et le rétablissement dans son honneur et dans ses fonctions du sous-officier mis en cause.

mardi 25 août 2009

Brevet militaire parachutiste hollandais


Commençé l'an dernier au Paracentrum de l'île de Texel (Pays-Bas), le brevet militaire parachutiste hollandais obtenu cette semaine après mon 5e saut.

lundi 17 août 2009

Bibliographie Frédéric Schwindt

  • Frédéric Schwindt
    Bibliographie, interventions et réalisations depuis 1992

    Co-Direction d’ouvrages

    Alain Larcan & Frédéric Schwindt (dir.), Les Bastions de l’Est de Boulanger à De Gaulle, Préface de Philippe Séguin, Actes du colloque du centre mondial de la paix de Verdun (mars 2003), Editions Gérard Louis, 2009.

    François Audigier & Frédéric Schwindt (dir.), Gaullistes et Gaullismes dans les régions de l’Est sous la IVe République, Colloque de Nancy (21, 22 et 23 mai 2007), Presses Universitaires de Rennes, Juillet 2009.

    Ouvrages personnels en préparation

    La communauté et la foi : confréries et société à l’ouest de l’espace lorrain (Vers 1450 – Vers 1850) : édition de ma thèse de doctorat.
    Entre le ciel et la terre : les Anabaptistes - Mennonites en Lorraine (XVIIe-XIXe siècles).
    Essai. Si l’Eglise catholique ne veut pas mourir !

    Collaboration

    Frédéric Schwindt & Lucette Cristofari, Devoir de Mémoire et Nécessité d’une Défense aujourd’hui – L’expérience d’un collège meusien, Rapport à la Fédération Nationale André Maginot, 2007.
    Bernard Lachaise (dir.), Dictionnaire des gaullistes sous la IVe République, Editions Honoré Champion, à paraître (notices concernant les départements et le personnel politique de la Meuse, de la Meurthe & Moselle et des Vosges).
    Jean-Max Gettmann & Frédéric Schwindt, Sur la réconciliation avec Rome d’un évêque intégriste négationniste – Lettre ouverte à l’évêque de Nancy.
    Philippe Martin (dir.), Atlas religieux de la Lorraine à l’époque moderne, en préparation.
    Docteur Missler & Jean-Pierre Harbulot (dir.), La Résistance en Meuse, Exposition au Conseil Général de La Meuse, Mars 2009.

    Travaux divers en cours

    Le corps des pauvres, les autopsies judiciaires dans les instances locales à l’époque moderne.
    Un curé de choc : Claude Nassé et sa paroisse de Beauzée-en-Argonne au XVIIIe siècle.
    Une aventurière de la foi : Mère Mechtilde du Saint-Sacrement.
    Pauvreté des fabriques, confréries et petites écoles en Lorraine.
    La concurrence comme facteur de succès de la Réforme catholique.
    Les synodes du diocèse de Verdun du Moyen Âge à 2009.
    Religion et facultés de résilience des communautés rurales.

    Articles et communications

    Histoire Moderne

    1992

    Les confréries religieuses dans les doyennés de Saint-Mihiel & Hattonchâtel - 1320-1830, Mémoire de maîtrise d’histoire moderne sous la direction du professeur Louis Châtellier, Université de Nancy II, 1992.
    1993

    Les confréries religieuses dans le ressort du diocèse constitutionnel de Verdun - XIIIe-XXe siècles, Mémoire de DEA d’histoire moderne sous la direction du professeur Louis Châtellier, Université de Nancy II, 1993.

    1994

    Les confréries de saints et de saintes dans le diocèse de Verdun - XIVe-XXe siècles, Comme on connaît ses saints, on les honore - Images de saints en Lorraine, Catalogue de l’exposition organisée par l’Association générale des Conservateurs des collections publiques de France - Section fédérée de Lorraine, Sarrebourg, 1994, pp.207-221.
    Confréries, Frontières et Régions culturelles, Connaissance de la Meuse, Mars 1994 / N°32, pp.2-8.

    1996

    Les confréries religieuses dans les pays meusiens, Séminaire d’anthropologie religieuse de Mme Froeschlé-Chopard, E.H.E.S.S.-C.N.R.S., Marseille, 1996.

    1997

    La pénétration de la dévotion au Sacré-Coeur en Meuse à travers les confréries religieuses au XVIIIe siècle, Connaissance de la Meuse, Avril 1997 / N°44, pp.22-24.

    1998

    Compte rendu de soutenance de la thèse de Mlle Catherine Martin : « Les compagnies de la Propagation de la Foi des origines à la Révocation de l’Edit de Nantes – 1632-1685 », Annales de l’Est, N°1/1998, pp.211-218.
    Contribution à l’exposition : La piété des Lorrains – La vie religieuse traditionnelle du XVIe au XIXe siècle sous la direction de Philippe Martin, Université de Nancy – Conseil régional de Lorraine, 1998.

    2000

    L’idée d’initiative dans les fondations et le fonctionnement des confréries des Pays meusiens, Colloque de Pont-à-Mousson de 1998, Annales de l’Est, N°1/2000, pp.57-73.
    Un pont entre histoire religieuse et histoire économique et sociale : Les confréries et le monde rural aux confins de la Lorraine et de la Champagne, Actes du colloque d’histoire régionale : Vivre au village en Champagne à travers les siècles, Reims - 10-11 juin 1999, textes réunis par Patrick Demouy et Charles Vulliez, Publication du Centre d’Etudes champenoises, Presses universitaires de Reims, 2000, pp. 217-236.
    Trouver de l’argent : le crédit rural et les confréries sous l’Ancien Régime en Barrois, Société des lettres de Bar-le-Duc, 2000.

    2001

    Les confréries et la dévotion à Saint Nicolas en Meuse - XIVe-XXe siècles, Connaissance de la Meuse, N°63 / décembre 2001, pp.26-27.
    Les femmes et la religion en Meuse, Société des lettres de Bar-le-Duc, 2001.

    2002

    Le métier de bourreau en Lorraine, Société des lettres de Bar-le-Duc, 2002.
    Les gens du pays de Vaucouleurs et leurs confréries in XXIXe Journées d’études meusiennes (6-7 octobre 2001), Société des Lettres, Sciences et Arts de Bar-le-Duc / Université de Nancy II, 2003, pp.53-64.


    2004

    Bar-le-Duc à la Renaissance – Aspects religieux d’une ville entre protestantisme et catholicisme, Cycle de conférences de Connaissance de la Meuse, Bar-le-Duc, 2004.
    Le monde de l’extérieur et le monde de l’intérieur : Les confréries de Neuville-en-Verdunois et la familiarité de madame de Saint-Balmont au plus fort de la guerre de Trente ans, Connaissance de la Meuse, avril 2004, pp.2-7 et Juin 2004, pp.17-19.
    Familles, clans, religion et pouvoir dans les Pays meusiens (XVIe-XIXe siècles), Société des lettres de Bar-le-Duc, Novembre 2004.
    Confréries et société à l’ouest de l’espace lorrain - XIIIe-XXe siècle, Le Pays lorrain, 101e année – Volume 85, Septembre 2004, pp.187-190.
    La communauté et la foi : confréries et société à l’ouest de l’espace lorrain, Thèse de doctorat d’Histoire moderne soutenue à l’Université de Nancy 2 sous la direction du professeur Louis Châtellier, 2004, mention très honorable avec les félicitations du jury, 4 tomes.

    2005

    Une grande confrérie dans une petite ville du Barrois : Saint-Nicolas de Gondrecourt (1416-1790), Colloque de l’association pour l’Histoire des petites villes sous la présidence de monsieur le recteur Poussou : La vie religieuse dans les petites villes, Mamers, 18-19 mars 2005 (à paraître).

    2006

    Le canon d’Autel de la paroisse de Rosnes (fin du XVIIe - début du XVIIIe siècle), Bulletin municipal de Raival, Mars 2006.
    Confréries et assistance dans les Pays meusiens au XVIIe siècle, Soins des corps et soins des âmes. Médecine et assistance en France et en Nouvelle-France - Colloque de Langres sous la direction des professeurs Georges Viard et Jean-Pierre Gutton (19-20 mai 2006).
    Un corps a disparu : Histoire d’une exhumation clandestine en Lorraine à l’époque de Louis XIV, Journées d’études meusiennes, Université de Nancy II (CRHMC) et société des lettres de Bar, Revigny, Octobre 2006.
    Pourquoi Claude Nassé a-t-il été chassé à coup de pierres par ses fidèles de Beauzée en 1752 ? Une paroisse de la Réforme catholique et son curé au XVIIIe siècle, Enquêtes au fil de la Meuse, Archives départementales de la Meuse – Conseil Général de la Meuse, 2006.
    Un curé de choc : Claude Nassé (1707-1773) et sa paroisse de Beauzée-sur-Aire, La Dépêche meusienne, 21 octobre 2006.
    L’association religieuse au village à l’époque moderne, Séminaire Masters 2 du professeur Antoine Follain, Université Marc Bloch de Strasbourg, 17 novembre 2006.

    2007

    « L’arrivée d’une communauté protestante méconnue : les Anabaptistes - Mennonites en Meuse (1819-2006) », Société des Lettres, Sciences et Arts de Bar-le-Duc, Mars 2007.
    Un espace virtuel ? Géographie des Pays meusiens et du département de la Meuse à travers la dédicace des associations religieuses (XIIIe-XXe siècles), XIIIe colloque d’onomastique Espace représenté, espace dénommé : Géographie – Cartographie – Toponymie, IUFM de Reims, 13-15 octobre 2005, Presses Universitaires de Valenciennes, 2007, pp.321-350.

    2008

    Filles - mères et naissances de père inconnu en Meuse – XVIIe-XIXe siècles, Société des Lettres, Sciences et Arts de Bar-le-Duc, Janvier 2008.
    « Confréries et économie rurale dans l’ouest de la Lorraine (XIVe-XVIIIe siècles) » in Florent Quellier & Georges Provost (dir.), Du Ciel à la Terre – Clergé et agriculture (XVe-XIXe siècles), Colloque de Rennes, 14-15-16 septembre 2006, Université de Rennes 2 – Haute-Bretagne, Presses Universitaires de Rennes, 2008, pp.157-176.
    « Fonctions et généalogie de la dévotion » in Michel Tamine (dir.), Dévotions populaires, Colloque du C.E.P.L.E.C.A., Reims - Avril 2002, Editions Dominique Guéniot, 2008, pp.133-162.
    « Charité urbaine et charité rurale : deux organisations et deux fonctions différentes » in Philippe Martin & Noëlle Cazin (dir.), Commercy – Du château à la ville, XXXIIe Journées d’études meusiennes d’octobre 2005, Société des Lettres, Sciences et Arts de Bar-le-Duc / Université de Nancy II, Editions Serpenoise, 2008, pp.113-122.

    2009

    « Des anges sous le regard de Dieu. Le contrôle de la vertu des filles en Lorraine. Du XVIIe au XXe siècle », Histoire et Sociétés Rurales, N°31, 1er semestre 2009, p.67-96.

    « La diffusion de la communauté anabaptiste mennonite en France d’après l’étude des patronymes - XVIIe-XXe siècles, La Revue Historique, N°651, 2009/3, p.65-97 (561-593).

    « Le corps des pauvres - De l’utilisation des sources judiciaires locales pour l’Histoire des autopsies et autres récits de résurrectionnistes en Lorraine à l’époque moderne », 3eme colloque international de pathographie, Bourges – 3 au 5 avril 2009, sous la direction du docteur Philippe Charlier.

    Compte rendu pour la revue d’Histoire des Religions : Florent Quellier & Georges Provost (dir.), Du Ciel à la Terre – Clergé et agriculture (XVe-XIXe siècles), Colloque de Rennes, 14-15-16 septembre 2006, Université de Rennes 2 – Haute-Bretagne, Presses Universitaires de Rennes, 2008, à paraître

    « Les anabaptistes mennonites de Lorraine et le service militaire – XVIIe-XXe siècles », à paraître.

    « Louis XIV, la Religion et le soft power », à paraître.

    2009-2010

    « Les associations religieuses et le crédit – XIVe-XVIIIe siècles », Intervention au séminaire de Mmes Claire Zalc & Claire Lemercier, Ecole Normale Supérieure / CNRS – Institut d’Histoire moderne et contemporaine, 2009.

    Histoire Contemporaine ou Sciences Politiques

    1992

    L’Article 16 de la Constitution de 1958, Le Géant, Revue du centre culturel Charles de Gaulle de Lorraine, N°1 / 1992.

    1998

    Les confréries du Sacré-Coeur en Meuse et les tentatives de reconquête catholique au XIXe et au début du XXe siècle, Séminaire d’anthropologie religieuse de Mme Froeschlé-Chopard, E.H.E.S.S.-C.N.R.S., Marseille, 1998.

    2003

    Philippe Barrès, Le Géant – Revue du centre culturel Charles de Gaulle de Lorraine, N°1 – Juin 2003, pp.3-4.
    De la difficulté du passage de la Résistance à la politique : Les hommes du RPF en Meuse, Colloque du centre mondial de la paix de Verdun in Les Bastions de l’Est de Boulanger à De Gaulle (à paraître chez Gérard Louis).
    Louis Jacquinot (1898-1993) : homme de l’Est, Colloque du centre mondial de la paix de Verdun in Les Bastions de l’Est de Boulanger à De Gaulle (à paraître chez Gérard Louis).

    2004

    Trois maires de 1947 – Jean Lionel-Pèlerin (Nancy), Charles Guthmuller (Epinal) et Hippolyte Thévenon (Verdun), Le Géant – Revue du centre culturel Charles de Gaulle de Lorraine, N°2 - Décembre 2004, pp.8-10.

    2007

    Retour sur la colonisation et autres débats : L’Histoire peut-elle parler de tout ?, Le Géant N°1-2007, – Revue du centre culturel Charles de Gaulle de Lorraine, p.2.
    « De la difficulté de construire un appareil politique - Le RPF en Meuse et en Meurthe & Moselle », Gaullistes et Gaullismes dans les régions de l’Est sous la IVe République, Colloque de Nancy (21, 22 et 23 mai 2007) organisé par François Audigier et Frédéric Schwindt (publication prévue aux Presses Universitaires de Rennes).

    2008

    « Géographie, histoire et sociologie des voies « De Gaulle » en Lorraine », Les voies De Gaulle en France, ouvrage sous la direction de Jean-Pierre Rioux & Philippe Oulmont, Actes de la journée d’étude du 12 juin 2007 à la Maison de la Chimie – Paris, Fondation Charles de Gaulle, à paraître 2008.
    Les poilus de Rosnes (Meuse), illustration de la Grande Guerre, Inauguration du monument aux morts de Rosnes, 17 juin 2008.
    Les poilus d’Erize-la-Grande (Meuse), illustration de la Grande Guerre, Inauguration du monument aux morts d’Erize-la-Grande, 8 novembre 2008.

    2009

    Un stratège français méconnu inspirateur de la doctrine anti-insurrectionnelle de l’armée américaine : Lieutenant-Colonel David Galula (1919-1968), à paraître dans La Charte.

    Le Centre Culturel Charles de Gaulle de Lorraine à Nancy, à paraître dans La Charte.

    Le rôle des référents défense de l’IHEDN et le concept de résilience dans la perspective du Livre Blanc, à paraître.

    Sociologie Religieuse

    2004

    De Claudel à Max Gallo : le retour de Dieu ?, Le Géant – Revue du centre culturel Charles de Gaulle de Lorraine, N°2 - Décembre 2004, pp.5-6.

    2005

    Dieu a-t-il encore un avenir en Europe au XXIe siècle ?, Goethe Institut de Nancy, 25 février 2005.

    2007

    Rodney Stark et la sociologie religieuse américaine, une stimulation pour la recherche européenne, Revue de l’Histoire des Religions, 224, I/2007, pp.61 à 81.
    « Religion et Mondialisation », La Mondialisation, une chance pour la France et pour l’Europe ?, Rapport du comité 6 présenté à M. Christian Poncelet, président du Sénat, et au général de corps aérien Labaye, directeur de l’Institut, 170e session régionale de l’Institut des Hautes Etudes de Défense Nationale, Pont-à-Mousson, 26 octobre 2007.

    2008

    « Le carré protestant « mennonite » du cimetière de Vaucouleurs », Analyse historique et dossier en vue de la conservation du site par la mairie de Vaucouleurs – Article pour l’Est Républicain et Connaissance de la Meuse, novembre 2008.

    2009

    Francine Wild & Frédéric Schwindt, L’unique témoin d’une communauté silencieuse : Le carré protestant « mennonite » du cimetière de Vaucouleurs menacé de disparition, Souvenance Anabaptiste, Revue de l’AHAM, 2009.
    Contre le relativisme religieux : compte rendu de Rodney Stark, Le Triomphe de la Raison – Pourquoi la réussite du modèle occidental est le fruit du Christianisme, Traduction de l’anglais (américain) par Gérard Hocmard, Paris, Presses de la Renaissance, Mars 2007 », Revue de l’Histoire des Religions, à paraître.
    Religion et Mondialisation : Identifier les évolutions stratégiques pour les nations européennes, Revue Défense – Enjeux de défense et de sécurité civils et militaires, à paraître.
    Des « Amish » dans le sud-meusien ?, Journées d’Etudes Meusiennes, Gondrecourt, Octobre 2009.

    Pédagogie

    1995

    Enseigner à partir du dessin animé : l’exemple de la Révolution française en classe de 4e, Mémoire professionnel, IUFM de Lorraine, 1995.

    2005

    L’Education à la défense, à la citoyenneté et à l’orientation au collège – Bilan des expériences menées dans les collèges meusiens, Trinôme académique de Sarrebourg, Novembre 2005.

    2006

    Education à la défense – L’action au sein des établissements, Trinôme académique de Nancy-Ochey, Novembre 2006.

    2007

    Sujet du concours de la résistance – Meuse – Avril 2007 : Le travail dans les camps – L’exemple des meusiens déportés.

    2008

    Sujet du concours de la résistance – Meuse – Avril 2008 : L’aide apportées aux victimes, une forme de résistance – L’exemple des résistants du secteur de Saint-Mihiel.

Un travail en cours : Pauvreté des fabriques, confréries et petites écoles en Lorraine (XVIIe-XIXe siècle)

Pauvreté des fabriques, confréries et petites écoles
en Lorraine de la fin du XVIIe siècle au début du XIXe siècle
par Frédéric Schwindt

Mots clefs : Fabrique – Confrérie – Financement - Argent - Ecole – Réseaux – Religieuses enseignantes – Lorraine – Reconstruction – Communautés d’habitants.

Résumé : Déjà pauvres avant la guerre de Trente ans, les fabriques des paroisses et les communautés d’habitants de Lorraine sont ruinées par les désastres du XVIIe siècle. Cependant, l’existence de centaines d’associations religieuses a permis de compenser cette situation de faiblesse en trouvant d’autres sources de financement au moment de la Reconstruction. De nombreuses écoles rurales doivent ainsi leurs origines à des confréries, ce qui explique, en partie, le fort taux d’alphabétisation et l’avance de la Lorraine dans ce domaine. L’une de ces pieuses compagnies s’est même transformée en un Ordre enseignant, celui des soeurs de Rembercourt, en plein expansion lorsque débute la Révolution.

Abstract : Already poor before the Thirty year old war, the factories of the parishies and communities inhabitants of Lorraine are ruined by the disasters of the XVIIe century. However, the existence of hundreds of religious confraternities. However, the existence of hundreds of religious associations made it possible to compensate for this situation of weakness by finding other sources of financing at the time of the Rebuilding. Many rural schools thus owe their origins to brotherhoods, which explains, partly, the strong rate of elimination ol illiteracy and the advance of Lorraine in this field. On of these pious companies was even transformed into a teaching order, that of the sisters of Rembercourt, into full expansion when the Revolution begins.










Avant la Révolution, les Lorrains sont parmi les français les plus alphabétisés[1]. Chaque village ou presque possède son école, son maître et souvent même sa classe de filles[2]. Au XVIIIe siècle, à l’exemple des Vatelottes du diocèse de Toul, un certains nombre de congrégations enseignantes se sont d’ailleurs constituées dans ce but. Pourtant, au début du siècle des Lumières, les communautés d’habitants demeurent encore très pauvres alors même que la Lorraine ne s’est pas encore complètement relevée de l’importante saignée de la guerre de Trente ans[3]. Les fabriques, traditionnellement modestes comme Guy Cabourdin l’a jadis rappelé, ne sont pas à même de financer cet important équipement collectif[4]. Aussi, un palliatif a été trouvé : faire assumer les charges de l’école par les innombrables confréries qui se sont créées depuis la fin du Moyen Age[5].


I - Compenser la faiblesse structurelle de la fabrique lorraine[6].

La faiblesse structurelle de la fabrique en Lorraine et Barrois n’est plus à démontrer. Avant même les désastres de la guerre de Trente ans, Guy Cabourdin cite l’exemple de la fabrique de Vézelise dont les revenus ne couvraient pas le dixième des dépenses. Pour équilibrer le budget, entre 1584 et 1627, il fallut lever une taxe d’église de 7 à 21 gros par conduit. A la fin du XVIIe siècle, la situation est encore plus dramatique, notamment dans la Saintois étudié par Michel Pernot, puisque seules 21 paroisses ou annexes sur les 68 visitées en 1687 disposaient d’un revenu, plus que modeste en général. D’ailleurs, le mauvais état des églises de la région provient moins des destructions que du mauvais entretien consécutif à la pauvreté des paroisses[7]. Parfois, la fabrique n’existe même pas ou les comptes ne sont pas rendus régulièrement, ce à quoi répond sans doute le document envoyé par l’évêque de Toul à tous les curés du diocèse en 1689[8]. Peut-être en forçant le trait, le juriste François-Thimothèe Thibault présente une situation inchangée une génération avant la Révolution :

« Il y a très peu de fabriques en Lorraine qui soient assez riches pour suffire aux réparations, entretiens et fournitures des églises paroissiales ; en sorte que les pauvres habitans de la campagne sont chargés de la plus grande partie des dépenses quotidiennes sous les yeux des décimateurs. »[9]

Il nous revient la tâche de vérifier si le propos n’est pas exagéré pour le XVIIIe siècle et si l’analyse des seules fabriques n’est pas trop réductrice. En effet, les paroisses ont pu trouver d’autres formes de financement que leurs fonds propres.

1 - L’aveu de faiblesse : la grande misère des fabriques de Lorraine.

La fragilité de la fabrique lorraine fut encore renforcée par les dégâts de la guerre de Trente ans. Certains villages évacués par leurs habitants ne sont réoccupés que bien des années plus tard. Chef-lieu de doyenné du diocèse de Verdun, Pierrefitte le fut seulement dans les années 1670. Ce retour et le rétablissement du culte eucharistique dans la paroisse sont d’ailleurs sans doute solennisés par la fondation d’une confrérie du Saint-Sacrement. Mais la région a perdu entre la moitié et les deux tiers de sa population ce qui réduit d’autant les dîmes et donc la capacité des décimateurs à payer leur part dans l’entretien ou la reconstruction des églises[10]. La fabrique est donc seule. Son patrimoine foncier en friche, ses titres de propriété perdus et parfois usurpés, ses débiteurs disparus, la fabrique se trouve devant d’énormes dépenses potentielles et peu de ressources. Les bienfaiteurs éventuels hésitent à lui donner de l’argent ou des terres qui vont se retrouver sans doute absorbées par les charges courantes. Dans ce cas, la paroisse ne va-t-elle pas abandonner les services pour lesquels elle s’est engagée auprès de leurs pères à perpétuité ? C’est d’ailleurs en réponse à cette légitime interrogation que les évêques de Toul et Verdun interdisent aux curés de procéder à des réductions d’offices. Au contraire, une confrérie nouvellement érigée n’a pas de charges, ni de dettes et la totalité du revenu de son patrimoine peut aller au culte divin et aux anniversaires fondés.

L’aide apportée par les sociétés pieuses aux paroisses n’est pas toujours apparente. En revanche, l’aveu de faiblesse des fabriques est un lieu commun, quoique parfois un peu poussé, car les visites pastorales soulignent de manière récurrente ce problème. Lors de son passage à Ecurey, le 30 août 1682, monseigneur de Béthune s’inquiète de la situation et du fait qu’on ne dit jamais la messe sur les autels latéraux, faute de fondations acquittées pour cela[11]. Le mobilier de l’église est insuffisant et celui qui sert au culte du Saint-Sacrement qualifié d’indécent. Enfin, la paroisse ne possède pas de sage-femme, faute de gages. A deux reprises, Saint-Aubin fait état de sa pauvreté et de la nécessité pour elle d’être aidée par une association. A la suite du siège de Commercy par Charles Quint, en 1544, puis des troubles connus par la région dans les années 1550, la fabrique voit ses ressources fortement diminuer. Aussi affirme-t-elle que la création de la fraternité de la Conception, en 1557, est un moyen pour doter la paroisse « en immeubles nécessaires pour son service ». En 1733, la situation du XVIe siècle se renouvelle et le curé prend l’initiative de fonder la société des morts afin de renflouer la fabrique. Il suscite le testament de Cunise Mourot et de 11 autres bienfaiteurs dont les fonds sont aussitôt encaissés par la paroisse et dont les intérêts viennent s’ajouter « peu à peu à la pension congrue du curé ». Cette confrérie n’aura jamais de comptabilité propre.

La modestie du budget des fabriques limite les travaux aux bâtiments paroissiaux. La coutume abandonne, en effet, la responsabilité de la nef aux habitants, ce qui explique que la reconstruction des églises n’est pas achevée, un demi-siècle pourtant après la fin de la guerre de Trente ans. Certaines paroisses comme Seigneulles ou Beauzée, situées de part et d’autre de la frontière qui sépare le Verdunois et le Barrois, ont d’ailleurs subi de nouvelles destructions au moment de la guerre de succession d’Espagne. Les évêques multiplient donc les interdits, comme c’est le cas à Seigneulles en 1711 ou à Lahaymeix en 1739[12]. Encore en 1763, exagérant sans doute un peu, le curé de Dommartin-lès-Toul affirme que sa paroisse ne possède pas de fabrique et qu’elle ne pourrait survivre sans les revenus des confréries qu’il a attribués au service des morts et à la décoration de l’église[13]. Voilà pourquoi il faut suivre, lorsque les archives le permettent, l’évolution parallèle des comptes des deux institutions.

2 - L’évolution comparée de la fabrique et de la confrérie de Troyon (1632-1790).

En 1631, les habitants de Troyon obtiennent la création d’une confrérie de « messieurs Saint Sébastien, Saint Roch, Saint Isidore et de la Vierge » transformée en société du Saint-Sacrement en 1702 par un curé énergique[14]. Les affres de la guerre de Trente ans font chuter ses finances, comme celles de la fabrique, à peu de choses : respectivement 2 et 4 livres de Lorraine en 1636 alors que « les prés ont été mangés par les chevaux d’un régiment de cavalerie ».

L’église du village est rebâtie à partir de 1674, ce qui permet de dater le début de la reconstruction à Troyon. Au cours de la deuxième moitié du XVIIe siècle, les revenus des deux organisations progressent dans la même direction mais plus rapidement, quoique de manière désordonnée, pour la fraternité. Les ressources de la paroisse dépendent de la tonte des prés et de diverses rentes gagées sur des particuliers. Le retour progressif d’une meilleure conjoncture permet de passer des enchères à un prix supérieur et aux débiteurs survivants d’acquitter leurs dettes. Mais la reconstitution de ses finances est lente alors que les dons et les ventes de cierges assurent à la confrérie des rentrées plus rapides (et beaucoup plus variables d’une année à l’autre). Les deux crises de 1696 et 1709 sont d’ailleurs bien visibles. Pendant l’époque de reconstruction, c’est-à-dire entre 1670 et 1720, les revenus de la société pieuse se développent beaucoup plus vite que ceux de la fabrique qui n’ont structurellement pas beaucoup évolué et dont le patrimoine foncier reste inchangé. En revanche, la confrérie a reçu des terres à blé grâce auxquelles elle dégage assez vite des excédents de fonctionnement. Elle sait d’ailleurs habilement les faire fructifier en les plaçant immédiatement en rentes. L’entrée, plus précoce que la fabrique, sur le marché financier creuse l’écart entre les deux organisations, ce qui explique l’intervention croissante de la fraternité Saint Sébastien dans l’animation du culte paroissial alors que la fabrique a du mal à assurer le quotidien.


En 1721, le curé célèbre ainsi 85 anniversaires pour la compagnie du Saint-Sacrement, tous les mois une messe pour les confrères au nom des trois saints de la société ainsi qu’une messe basse pour la Vierge, une messe haute du Saint-Sacrement tous les premiers jeudi, toutes les grandes solennités de la Vierge au cours de l’année, l’office de saint Sébastien en janvier, celui de saint Isidore en mai et celui de saint Roch en août, des messes du Saint-Esprit à plusieurs reprises ainsi que l’Octave des morts. A côté, le culte paroissial fait pâle figure et le curé se plaint de ne pouvoir se faire payer les quelques services fondés qui lui restent. On remarque que ceux de la confrérie n’ont pas toujours de rapport avec sa dédicace et qu’un certain nombre de cultes auraient habituellement dû être pris en charge par la paroisse. Si, dans les paroisses annexes qui souffrent de ne pas avoir de desservant, une société du Saint-Sacrement pouvait compenser un culte irrégulier, les insuffisances de la fabrique de Troyon produisent les mêmes effets. L’abbé Guerrier, nommé en 1698 et qui avait résigné dès 1699, peut-être attiré par un bénéfice plus lucratif, revient à Troyon vers 1702 et, aussitôt après, il engage la mutation de la vieille mais riche fraternité Saint Sébastien en société du Saint-Sacrement. Le grand hiver de 1709, dont il laisse des descriptions suggestives en marge de ses registres, une fois digéré, les finances de la fabrique progressent et cette amélioration continue après 1720 alors que les revenus de la confrérie sont stabilisés. Celle-ci ne reçoit plus de dons importants, l’élan de départ est passé et elle entre dans une phase de simple « gestion » de son patrimoine. En revanche, les revenus de la fabrique montent en flèche et de manière continue jusqu’à 1780. A cette époque, les deux courbes évoluent d’ailleurs de manière symétriquement opposée, comme s’il y avait là un passage de relais.


3 - Le taux de couverture de la fabrique par la confrérie.

Un bon moyen pour comparer les deux organisations consiste à calculer le taux de couverture des revenus de la fabrique par ceux de la confrérie[15]. A Troyon, il est possible de déterminer quatre étapes dans l’évolution de ce rapport.


Jusqu’au milieu du XVIIe siècle, la fabrique et la confrérie sont dans les mêmes eaux puisque, en moyenne, le taux n’est encore que de 115 % avant 1649. Certaines années, la fabrique l’emporte même. Mais les crises successives l’affaiblissent, elle ne semble pas pouvoir récupérer aussi vite que la société Saint Sébastien. Lors de la crise de l’avènement de Louis XIV, le taux de couverture monte d’ailleurs à 500 %. Le but de la société étant avant tout de protéger ses membres des épidémies et de maintenir l’unité de la communauté, elle reçoit en priorité les dons et les legs. La vente des cierges de saint Sébastien assure aussi des rentrées régulières alors que les recettes de la fabrique souffrent du mauvais état des prés. Pendant toute l’époque de la Reconstruction, la confrérie domine donc la fabrique de la paroisse. Celle-ci arrive, vers 1700, à combler son retard mais la société pieuse entre plus vite qu’elle sur le marché financier et elle profite en premier du développement des constitutions de rente. Aussi, le taux de couverture reste supérieur à 200 % jusqu’à la fin des années 1730. La reconstruction terminée, il commence alors à chuter régulièrement, non pas que les revenus de la confrérie Saint Eloi soient en train de s’effondrer mais parce que la fabrique fait preuve d’un nouveau dynamisme. Dès 1752, le taux de couverture est passé en dessous de 100 % et, après 1774, il est inférieur au cinquième. La confrérie ne compte désormais plus beaucoup. La paroisse est devenue le principal financier des activités religieuses et le seul prestataire de service.

4 - Une explication aux fondations en séries.

Ce phénomène explique les fondations régulières de nouvelles associations au sein des mêmes paroisses afin de la doter régulièrement en capital[16]. Entre 1639 et 1689, la fabrique de Foug a perdu la moitié de ses terres. A trois reprises, semble-t-il, la paroisse fut renflouée par l’incorporation du patrimoine des confréries à la fabrique[17]. Un inventaire de l’église de Foug de 1473 montre que les biens de la société de la Conception, érigée avant 1400, avaient été attribués depuis peu à la fabrique. Le pollium de 1689 présente deux situations équivalentes pour l’association du Rosaire, fondée par les dominicains de Toul en 1617, et le Saint-Sacrement de l’Autel, approuvée par monseigneur de Fieux en 1678. Le capital de la première association passe à la paroisse au cours du XVIIe siècle, peut-être dès les années 1640, quant à la seconde elle est directement fondée comme une filiale de la fabrique avec le curé comme directeur et un fabricien comme receveur. Ainsi s’explique, pour une bonne part, la rotation des confréries. Afin d’apporter de l’argent frais à la paroisse, il est procédé à l’érection d’une nouvelle association lorsque la précédente commence à épuiser son attrait et son pouvoir de captation des legs. La fin du XVIIe siècle, les années 1680 surtout semblent les plus fécondes, sans doute parce que la reconstruction commence.

Soit lorsque les confréries sont un palliatif ou quand elles sont intégrées aux fabriques, les associations religieuses participent, parfois initient, les travaux de construction à l’église du village, à accroître la dignité du culte et la pompe des cérémonines (parfois seulement à atteindre le minimum exigé par les visisteurs écclésiastiques), à payer des prédicateurs ou des confesseurs pour le bénéfice de tous les habitants mais elles versent aussi beaucoup d’argent pour des œuvres profanes voire directement, sous forme de prêts ou de dons, à la communauté d’habitants.

Une réussite de la Reconstruction : les finances plus saines des fabriques et la perte d’indépendance des confréries – L’exemple de la confrérie des morts de Rosnes (1734-1790).

Au XVIIIe siècle, les revenus des fabriques rattrapent puis dépassent ceux des confréries comme le prouvent, à l’échelle micro-historique, l’exemple du village de Rosnes. La paroisse de Rosnes présente la même physionomie que celle de Troyon, l’évolution étan juste un peu décalée dans le temps, et elle est caractérisée par un phénomène de captation. Une société des trépassés existait peut-être dès le XVIIe siècle dans ce petit village situé aujourd’hui sur la Voie Sacrée mais une nouvelle confrérie des morts est mise en place, entre 1732 et 1734, par l’épouse du seigneur Elisabeth de Rosnes. La nouvelle association vit le jour après une mission sans doute suscitée par la dame. Or, les archives de la fabrique commencent également en 1732 : hasard ou preuve d’une réorganisation complète de la paroisse après la mission dont la croix érigée à la sortie du village garde encore aujourd’hui la trace ? Le dossier est trop mince pour le dire mais les premières données attestent que la compagnie est mieux établie que la fabrique.

En 1732, les recettes de la fabrique sont inférieures à 100 livres de Lorraine alors que, deux ans plus tard, celles de la confrérie sont de l’ordre de 120 livres. Au début des années 1740, les revenus de l’association connaissent une importante progression. Ils montent à plus de 300 livres, les rentes ayant explosées à la suite de la croissance économique et des dons qui ont arrondi le capital de départ. La fabrique, en revanche, stagne au même niveau jusqu’aux années 1750. A partir du milieu du XVIIIe siècle, ses rentrées progressent de manière régulière alors que celles de la société pieuse stagnent tout au long du plateau qui couvre les années 1745 à 1777. L’élan de départ est passé, la fraternité est entrée dans sa phase de croisière. La fabrique rattrape d’ailleurs la confrérie en 1768. Cette évolution se retrouve dans le taux de couverture des revenus de la fabrique par la confrérie, lequel passe de 121 % en 1734, à 292 % en 1744, 95 % en 1768 et 82 % en 1777. Cette année là, les comptes de l’association des morts s’arrêtent alors que ceux de la fabrique doublent, et pour cause, la paroisse a digéré la confrérie.

Elle continue à exister et à faire célébrer ses services mais, désormais, elle n’a plus d’existence, ni de finances propres. Jusqu’au milieu du XVIIIe siècle, la confrérie est donc la principale organisation de la paroisse de Rosnes. Elle contribue puissamment à animer la vie religieuse locale mais aussi la vie économique car elle prête de l’argent dans les villages des environs[18]. Cependant, à partir du début des années 1750, la fabrique reconstitue ses finances et elle commence elle-même à recevoir des dons. Elle apparaît aussi quelques fois sur le marché des rentes. C’est désormais l’organisation qui compte et elle prend finalement le contrôle de la confrérie qui n’a plus à pallier ses insuffisances.

Entre 1680 et 1730, la reconstruction bat son plein dans les Pays meusiens, c’est-à-dire essentiellement en Verdunois et en Barrois. Certaines confréries, bien dotées en prés et en emblavures, deviennent de plus en plus riches, en raison de la croissance de la rente foncière et de la reconversion progressive de leurs excédents de fonctionnent sous forme de rentes. En effet, au début du XVIIIe siècle, les associations religieuses deviennent des acteurs importants sur le marché des prêts[19]. Fixées une fois pour toutes, contrairement à des recettes qui explosent, les dépenses purement religieuses tendent même à être minimisées afin de produire le plus gros résultat possible. Celui-ci, notamment lorsque les comptes sont rendus seulement tous les trois ans, permet de dégager ponctuellement d’importantes grosses sommes afin de solder des travaux. Le salaire du maître tend également à être pris en compte par le budget des associations pieuses. La faiblesse structurelle des paroisses en Lorraine, agravée encore par les destructions de la guerre de Trente ans, a heureusement pu être compensée par l’extraordinaire profusion de confréries religieuses.

II - Confréries et écoles.

En 1534, d’une manière encore très médiévale qui rappelle le fonctionnement des collèges parisiens, Guillaume de Tougnel fonde la chapelle et confrérie Saint-Hubert de Stenay avec obligation pour le chapelain de s’occuper de l’éducation de douze pauvres[20]. Or, pour cette époque, Sylvette Guilbert a dénombré 58 écoles rurales dans le diocèse de Châlons tout proche, avec un taux d’équipement des paroisses qui varie de 4,5 % à 28,5 % selon les doyennés. Les secteurs les plus à l’est, c’est-à-dire les plus proches des Pays meusiens, seraient aussi les mieux pourvus. Dès la fin du XVe siècle, le village de Laheycourt, intégré plus tard au diocèse de Verdun, possède ainsi sa classe. Madame de Rohan-Chabot en Lorraine ou Guy Astoul dans le diocèse de Montauban ont montré quant à eux la vigueur des écoles paroissiales de l’époque moderne[21]. Au sein de l’espace qui nous intéresse, la liaison entre les associations pieuses et les écoles semble ainsi surtout le fait du XVIIIe siècle.


1 - Deux réseaux observables au XVIIIe siècle.

A l’exception du cas de Guillaume de Tougnel à Stenay, tous les exemples connus d’une confrérie finançant l’école paroissiale sont du XVIIIe siècle. Cependant, les 18 autres localités se rassemblent en deux groupes[22]. Le premier, plutôt urbain, se concentre autour de la Meuse et de cités comme Saint-Mihiel, Void ou Vaucouleurs et des villages voisins. Le second, bien plus rural, s’organise autour du bourg de Rembercourt-aux-Pots, dans un secteur qui va de la basse Saulx à l’Aire et jusqu’au sud de l’Argonne.

A l’exception de Clermont et d’Etain, le diocèse de Verdun est complètement absent mais dans ce domaine madame de Rohan-Chabot avait déjà souligné la force du diocèse de Toul[23]. L’aspect concentré des deux regroupements, voire certaines similitudes dans les dates, font même penser à des réseaux nés à des endroits bien particuliers et pour des raisons locales.

2 - Toutes sortes d’associations.

Selon l’abbé Deblaye, la paroisse de Lagney, près de Toul, possédait au XVIIIe siècle une congrégation d’hommes commune avec celles établies dans les collèges. Ceci semble démontrer une filiation que prouverait également l’utilisation du mot « congrégation »[24]. On sait, par ailleurs, que la congrégation de piété des écoliers du collège des chanoines réguliers de Saint-Mihiel, érigée en 1728, était largement ouverte aux enfants de la ville, même à ceux qui n’étaient pas accueillis dans les classes[25]. A la même époque, le receveur de la confrérie Notre-Dame d’Ourches, une paroisse proche de la cité jehanique, règle des travaux de maçonnerie réalisé à l’école du village bientôt confiée à des soeurs de la Doctrine chrétienne. Une association de ce nom ou « des maîtresses d’école » est d’ailleurs assez rapidement attestée. Les habitants ont donc fait appel à cette congrégation enseignante qui est, avec les Vatelottes, une des plus répandues dans le diocèse de Toul. Cependant, une maison du village comporte une particularité qui pourrait faire remonter plus loin l’origine de la classe. En effet, la façade d’une maison du XVIIIe siècle comporte une statue de saint Pierre Fourier datée de 1743[26]. Ce bâtiment pourrait être l’école originelle qui avait été installée, au départ, dans un bâtiment appartenant à la confrérie Notre-Dame, peut-être la maison où depuis le XVe siècle les associés se réunissaient pour entendre la lecture des comptes du receveur, délibérer en commun et surtout banqueter. Le curé de Mattaincourt est à l’origine d’une importante oeuvre éducative, notamment au profit des filles. La présence de sa statue rappelle peut-être une intervention de ses chanoines réguliers avant que les autorités locales ne fassent venir les religieuses de la Doctrine chrétienne.

Toutes sortes de sociétés pieuses s’intéressent au fonctionnement des écoles même si la Vierge domine largement ; la relation confrérie de la Vierge (Conception ou Rosaire) et école des filles est en effet classique. Dans un tiers des cas, c’est une Charité qui a été conduite à se diversifier voire à abandonner les secours ponctuels aux pauvres au profit d’un service public durable. Mais ces compagnies salarient également des sages-femmes. En fait, sur le petit échantillon dont nous disposons, il apparaît que les écoles dépendent des associations les plus typiques des régions où on les trouve : Saint-Sacrement dans le diocèse de Verdun, Conception et même confréries des morts dans celui de Toul[27]. En fait, il s’agit toujours de la société qui dispose des plus gros revenus - la construction d’un bâtiment ou les gages d’un régent d’école ne sont pas à la portée de toutes les compagnies pieuses - et la plus forte identité. Il faut, en effet, que les habitants puissent s’approprier le projet.

La dédicace des confréries qui financent une école

Catégorie
En %
Vierge
43 %
Charité
33 %
Saint-Sacrement
10 %
Morts
4 %
Autres
10 %

Ainsi, vers 1657, la paroisse de Demanges-aux-Eaux, située entre Ligny et Gondrecourt, possédait une confrérie du Rosaire richement dotée. Avant 1749, ce patrimoine a été investi par les confrères dans une école des filles, en partie gratuite, surnommée « la Charité ». Le 19 octobre 1770, madame Madeleine Guéry, veuve du sieur François Bouchon des Hurault, seigneur de Dammarie, vient renforcer « la fondation des sœurs » par une importante donation. Finalement, en 1793-1794, le gagnage de la confrérie est vendu pour 9325 livres et la maison d’école pour 5200 livres. Le cas n’est pas unique. La même année, les biens de l’école de la Charité et de la société du Saint-Sacrement de Vaubecourt, comprenant 14 jours de terre, 80 verges de pré et 1 maison étaient adjugés pour plus de 8000 livres, somme voisine des 8350 livres déboursés par les particuliers de Rembercourt qui avaient acquis la maison d’école et des dépendance de la Charité du bourg. On peut donc vraiment parler d’une reconversion de certaines confréries au XVIIIe siècle[28]. La Charité de Saint-Mihiel abandonne ainsi progressivement le soin des pauvres au profit de l’enseignement des petites filles. Sa fusion avec une aurtre association, la Providence, en 1731, aboutit d’ailleurs à la fondation d’un établissement voué à l’enfermement et à l’éducation des orphelines.

III – Finalité des confréries.

En effet, il est demandé à ces confréries d’entretenir la maison d’école, de payer le maître ou même de garantir le contrat passé avec une congrégation enseignante pour la venue de religieuses spécialisées.

1 - Construire et entretenir : un cas d’école à Ourches et à Troussey.

On connaît assez bien la paroisse de Troussey, un gros village à l’ouest de Toul où les évêques tendaient à exiler des clercs un peu trop remuants, où des curés jansénistes[29], grâce à la biographie qui a été faite, au début du XIXe siècle, de l’abbé de Manessy[30], futur vicaire général et surtout supérieur des sœurs de la Doctrine chrétienne. Or, dès son arrivée dans sa première paroisse, ce jeune prêtre fonde deux associations pieuses, l’une pour les hommes, sous le nom du Saint-Sacrement, l’autre pour les filles dédiée à la Vierge. Or, cette compagnie existait déjà, il s’agit d’un simple relèvement. Même si son biographe affirme que Troussey était une paroisse perdue avant son arrivée, façon de critiquer l’action du précédent curé, un janséniste notoire, la société de la Conception était très active. Comme à Ourches, elle remonte vraisemblablement au Moyen Age[31] et elle a été refondée en 1651 avant de recevoir deux fois des indulgences en 1662 et 1672. Dans les années 1740, elle est encore très dynamique et elle accumule un pécule en rognant soigneusement sur ces dépenses, phénomène que l’on peut étudier en détail chez sa sœur jumelle, la confrérie de la Conception érigée depuis aussi longtemps qu’elle au village voisin d’Ourches.

Au milieu du XVIIIe siècle, la vente des grains et le revenu des prés rapportent de 150 à 300 livres à la confrérie Notre-Dame d’Ourches[32]. C’est de loin le premier poste de recette tandis que les comptes présentent un excédent de 551 à 2386 livres par an. En fait, les dépenses sont comprimées afin de dégager le plus important bénéfice possible. Le reliquat est remis systématiquement en compte l’année suivante. Ainsi, le registre de l’association commence en 1736 avec une recette de 2295 livres contre seulement 391 livres en dépense. Le finito de 1904 livres vient donc s’ajouter au 470 livres de revenu de l’année 1737 et ainsi de suite. La « pelote » de la société Notre-Dame progresse donc en moyenne de 120 livres par an ce qui ferait remonter le phénomène au début des années 1720, après l’assainissement financier consécutif à la déroute de Law. En 1740, l’excédent atteint son maximum de 2386 livres. Pendant une vingtaine d’années, celui-ci va ensuite fléchir de même que les recettes alors que les dépenses progressent. Pourtant le culte rendu à la Vierge et les activités des confrères ne connaissent aucun bouleversement. C’est la place de l’association pieuse dans la communauté qui a changé.

Déjà, la compagnie est entrée sur le marché financier. Une part des excédents est ainsi systématiquement placée sous forme de rentes et non simplement thésaurisée par un ajout aux recettes de l’année suivante. Par exemple, les responsables constituent une somme de 200 livres en 1744 et une autre de 385 livres en 1755. Dans les années 1770, la compagnie Notre-Dame d’Ourches détient ainsi une vingtaine de contrats pour une moyenne de 180 livres chacun et un capital total de 3630 livres [33]. Deux sont de 1718 et un de 1721 - époque à laquelle la confrérie a déjà commencé à constituer sa pelote - un de 1729, quatre de 1741 et deux de 1743-1744, alors que la société commence à financer directement les dépenses de la communauté d’habitants, mais tous les autres sont postérieurs à 1755 dont six pour les années 1757-1759. Deux phénomènes sont donc parallèles et accompagnent la montée des recettes. La société conserve une partie de ses excédents, une épargne interne qui lui permettra ultérieurement de procéder à de gros investissements, et le reste est placé en rentes (sauf au milieu du XVIIIe siècle lorsque sa politique d’intervention au profit de la communauté d’habitants absorbe l’essentiel des ressources).


Avant même d’être enregistrées, les recettes sont alors amputées de certaines sommes qui sont affectées à un usage civil. Quelques rares pièces indiquent que les échevins du village sont autorisés « à tirer de l’argent sur la confrérie ». A partir des années 1750, certaines charges extérieures sont aussi mises en dépenses. Ainsi l’association acquitte une somme de 500 livres en nom et place de la communauté qui ne pouvait faire face. Les comptes de l’association prouvent qu’elle prend également en charge des équipements collectifs notamment l’école du village.

Même chose à Troussey où une brève ligne du contrôle des actes du bureau de Void, en date du 25 mars 1755, mentionne un « marché (passé) entre Joaquim Geoffroy maçon à Troussey et Nicolas Noël, receveur de la confrairie Notre-Dame dudit lieu, par lequel le premier s’oblige de faire plusieurs ouvrages de maçonnerie à l’école dudit Troussey moyennant 12 livres »[34]. C’est un officier de l’association pieuse, celui qui gère ses biens, qui signe en personne le contrat, ce qui démontrerait qu’il s’agit pour lui d’un acte habituel. L’école doit donc déjà dépendre depuis un certain temps de son administration.

Or, la même année, les directeurs de la confrérie de l’Immaculée Conception de Notre-Dame d’Ourches - les deux villages presque jumeaux ne sont séparés que d’une lieue - allouent plus de 1000 livres à la construction d’une maison pour « la soeur maîtresse d’école » et le rétablissement de celle du maître. Les administrateurs de la confrérie mettent aussi 1200 livres dans la décoration de leur autel et placent 385 livres en rentes. Ils arrivent pourtant à dégager encore un excédent de compte de 931 livres. L’existence de cette marge financière les amène à demander à l’évêque de Toul la fondation de l’Octave des morts, en fait une mutuelle chargée de l’inhumation des défunts[35]. Le curé n’oublie pas de faire aussi appel à la sollicitude des confrères qui font « raccommoder » la totalité des bancs de l’église en 1757. Le milieu du XVIIIe siècle voit donc la confrérie s’investir de plus en plus dans la vie quotidienne d’Ourches et assurer plusieurs services publics profanes et religieux.

Dès 1739, la société Notre-Dame avait acheté un lot de 1000 tuiles pour recouvrir la maison du même nom. En 1734, les confrères du Rosaire de Stainville avaient quant à eux cédé leur maison par bail emphytéotique afin d’y accueillir la classe. A Ourches aussi, quelques années avant le début du registre conservé, cette bâtisse d’origine associative est devenue l’école du village mais la confrérie continue de l’entretenir[36]. En 1740, on fait des travaux à la charpente et recouvrir la partie du toit qui se trouve derrière. Celle-ci était d’ailleurs équipée d’une horloge payée par l’association. En 1744, il est mentionné la pose de deux serrures à l’école des filles et l’achat d’une table, d’une chaise et de tréteaux. Le bâtiment devait donc être partagé en deux : le devant, sur la rue, pour les garçons et l’arrière pour les filles. D’ailleurs, à cette date, la fraternité paye à la fois les honoraires du maître et de soeur Marguerite Rigeois, la religieuse chargée des demoiselles. La société assume les salaires des enseignants mais elle utilise aussi leurs services pour son fonctionnement quotidien. Le régent d’école est en effet souvent l’assistant du curé. Lorsque la compagnie verse au desservant de la paroisse ce qu’elle lui doit pour les célébrations de l’année, voire les enterrements, elle appointe aussi les sonneurs de cloches et le maître d’école qui prépare l’église, chante et amène les enfants. L’institutrice fait de même avec ses élèves et elle entretient le linge de l’association. En 1745, les confrères font venir un maçon de Laneuville afin de réaménager l’édifice et achètent un crucifix pour la classe des filles. En 1748, c’est au tour de la classe des garçons et au logement du maître de subir une réfection totale. Le 23 juillet 1753, le receveur Claude Martin passe un contrat avec Nicolas Gravel, le maître d’école, qui prend l’engagement de « vouter en moilon la cave deja creusee de la maison decole dudit lieu qui sera de la longueur denviron onze pieds de Roi sur la longueur de huit a neuf pieds de large avec une porte et dix escaliers ». Le bois nécessaire à ces travaux est fourni par l’association grâce à la démolition de son ancien autel reconstruit en pierre. En 1755, enfin, les associés demandent à l’évêque l’autorisation de faire bâtir une nouvelle maison pour la religieuse. Après avoir démontré que ses revenus suffisaient largement et qu’on ne toucherait pas aux services de la confrérie, le curé propose même de fonder en sus l’Octave des morts, la compagnie obtient l’autorisation d’engager 1000 livres. Pendant 10 ans, l’excédent de compte va régulièrement fondre ce qui montre que l’investissement a continué pendant cette période. Puis, dotée de deux écoles neuves, la communauté ne fera plus appel à la confrérie pour des travaux. En revanche, la totalité des salaires paraît avoir été versée jusqu’à la Révolution.

2 - Payer le maître.

L’abbé Martin atteste que la confrérie Sainte Barbe de Mandières, aujourd’hui en Meurthe & Moselle, versait tous les ans une somme d’argent pour le traitement du maître d’école qui était en même temps son clerc, ce qui est aussi le cas à Pagny-sur-Meuse[37]. Même chose à Void depuis 1730 et à Stainville en 1734 de la part de l’association des morts et d’une autre du Rosaire. Dans son mémoire destiné à l’évêque de Verdun, le célèbre curé de Beauzée Claude Nassé, un ami de Dom Calmet, indique qu’il a affecté de nombreuses offrandes, destinées autrefois aux confréries, à l’école gratuite des enfants pauvres et des orphelins[38]. Surtout, la fraternité Saint Nicolas est en ligne de mire. Le curé veut intégrer ses recettes à celles de la fabrique afin de financer une partie du salaire du maître. Le prêtre y trouve son compte car le recteur d’école (selon les textes synodaux, il est chargé de son recrutement et de sa surveillance) devient en quelque sorte son fidèle adjoint. A Troussey, l’abbé de Manessy était aussi activement secondé par le maître dans son oeuvre de réforme. La fondation d’une confrérie des filles dès son arrivée ne devait donc pas être étrangère au renouveau de l’école du village et dans plusieurs sermons, comme son collège de Beauzée, il attaque violement les parents qui n’envoient par leurs enfants en classe.

Dans une série de sermons, Claude Nassé s’en explique à ses paroissiens[39] :

« L’instruction et l’education des enfans sont la fin principale des ecoles chretiennes ; c’est la ou on doit les instruire de leur religion et leur apprendre a vivre chretiennement. On le remarque partout, que les enfans, qui n’ont pas frequente l’ecole sont mal elevez et croupissent toute leur vie dans l’ignorance et le desordre ; devenus peres de famille, ils sont presque toujours le fleau des paroisses par toutes sortes de mauvais debordemens (...). Ils doivent y apprendre a lire et a ecrire, mais encore et principalement a connoitre dieu, a l’aimer, a l’adorer, a le servir, a chanter ses loüanges et a recevoir dignement les sacremens. Peres et meres, c’est surtout dans cet esprit que vous devez envoier vos enfans a l’ecole, afin surtout qu’ils apprennent a prier Dieu. Plusieurs d’entres vous ne les y envoient que pour s’en debarasser, et bien peu (...) se proposent d’en faire de bons chrétiens.»

Claude Nassé conseille encore de ne pas envoyer les enfants, surtout les filles, « a pature » du fait de la corruption qui guette ceux employés « a la garde du betail ». Quelques temps plus tard, le curé de Beauzée enfonce le clou avec son style direct et percutant. Il présente l’école du village comme une étable « où le bruit confus et la gêne detruise la modestie » et il accuse les fidèles ne pas s’être « assez remuëz » afin de faire aboutir les projets d’agrandissement. Il faut en effet séparer les sexes :

« Pour conserver les garçons et les filles dans l’innocence, surtout les filles dans la timidité, la pudeur, la retenüe qui en fasse des anges dans vos maisons (...) et des anges devant le trône de Dieu .»

La confrérie doit être utile. La réponse apportée par les congrégations est donc à la fois sociale et religieuse et c’est la clef de leur succès. Or, la confrérie offre un autre avantage que le financement, elle permet, si le prêtre est suffisamment habile, d’impliquer les parents et surtout les notables qui appartiennent à l’association au processus de création et de ne pas en faire une institution imposée de l’extérieure.

3 - Faire venir des soeurs d’école.

A Ourches, peut-être à Troussey, à Clermont depuis 1739 et à Contrisson en 1757, la confrérie concernée loge et rétribue une religieuse enseignante. Depuis l’arrivée d’un nouveau curé en 1759, la paroisse d’Etain possédait une compagnie de charité et une congrégation des filles. En 1779, la Charité passe un accord avec les soeurs de la Doctrine chrétienne afin de maintenir, à perpétuité, trois religieuses chargées du soin des malades mais aussi de l’instruction des filles. L’acte énumère leurs obligations qui consistent à « lecture, écriture, calcul, catéchisme, prières d’usage et selon le désir tricot, couture et broderie ». Il s’agit exactement des mêmes obligations que celles dues par les soeurs de Saint-Charles au sein de la Charité-Providence de Saint-Mihiel, à la différence que les pensionnaires apprennent aussi un métier[40]. Le relais qui voit les religieuses remplacer les pieuses dames pour le soin des malades profite donc aussi à l’enseignement des filles. Cependant, les exemples précédents, isolés les uns des autres, ne sont rien à côté du réseau mis en place depuis Rembercourt par les deux abbés Comus.

IV – De la confrérie au réseau d’écoles : les sœurs de Rembercourt.

A partir de 1730, deux curés, l’oncle et le neveu, les abbés Comus de Rembercourt-au-Pot, une petite ville frontalière de la France et de la Lorraine, s’étaient servis d’une congrégation mariale rénovée pour structurer leur paroisse[41].


1 - Un système de pouvoir paroissial.

Une vieille association mariale, une confrérie de la Vierge médiévale, rénovée sous le nom du Rosaire au XVIIe siècle, est transformée en congrégation de filles, tandis que le curé met la main sur la Charité, autrefois dépendante directement du conseil de ville. D’ailleurs, assez vite, celle-ci fusionne avec la corporation des drapiers, la compagnie qui dans les faits tient le conseil de ville. Ces deux organisations combinées deviennent le pivot d’un système de pouvoir grâce auquel l’oncle puis le neveu prennent le contrôle de l’ensemble des organisations du bourg.

Parallèlement à celle des garçons, une école a été fondée pour les jeunes adhérentes. Elle est financée par la Charité du village et, en échange, les demoiselles aident à soigner les malades. Volonté des curés d’intervenir dans les localités voisines ou effet de démonstration, certaines associées font carrière et deviennent à leur tour institutrice. Des paroisses imitent le modèle développé à Rembercourt : confrérie + école, ou sollicitent directement l’envoi d’une maîtresse. La confrérie initiale devient donc une sorte d’école normale avant l’heure où les jeunes filles de Rembercourt et celles qui lui sont envoyées de l’extérieure apprennent le métier d’institutrice mais aussi la morale qui sied à ce genre de profession.


2 - La diffusion du modèle.

Les écoles tenues par une soeur de Rembercourt, donc par une ancienne associée de la confrérie mariale du village, sont situées dans un carré de 50 kilomètres de côté à cheval sur les diocèses de Châlons (1 école), Reims (1 école), Verdun (7 écoles) et Toul (13 écoles). La position particulière de Rembercourt, cité frontière depuis le Haut Moyen Age, explique ces localisations. Devant l’engouement, le dernier abbé Comus crée finalement une congrégation enseignante dite des « soeurs de Rembercourt ». Mais alors que certaines filles font des voeux qui les assimilent à des religieuses, d’autres demeurent laïques. Le réseau pourrait être plus vaste que ne le montrent les archives car certaines maîtresses n’ont pu être identifiées qu’à l’occasion de la Révolution[42]. La plupart demeurent d’ailleurs en poste du fait de leur statut laïc ou de leur utilité. Catherine Poupart, qui a seulement pris ses fonctions à Rembercourt en 1790, reste ainsi à la tête de sa classe jusqu’en 1835 formant des générations de fillettes, tant à l’école qu’au sein de la société des demoiselles reconstituée officiellement en 1809. En revanche, la congrégation enseignante est supprimée à la Révolution alors qu’elle était en pleine expansion.

3 - Les maîtresses d’école venues de Rembercourt.

Certains noms d’institutrice sont mentionnés plusieurs fois comme ceux des familles Poupart, Haidon, Salhorgne ou Poutrieux. Or, il s’agit des principales familles de notables de la ville, des lignées que l’on peut suivre parfois de la fin du Moyen Age jusqu’à nos jours. Tout au début du XVIIIe siècle, la famille Poupart a ainsi légué des biens à la confrérie du Saint-Sacrement et le maire actuel de la ville est un de leurs descendants. Sous l’Ancien Régime, ils sont fréquemment mentionnés comme échevin et, à travers la compagnie des drapiers proche de la municipalité, ils interviennent dans la vie de l’association de Charité qui est, on le sait, très liée à la congrégation des demoiselles. Les filles de ces artisans ou de ces marchands aisés, voire de petits officiers, fréquentent sans doute plus longtemps l’école et donc la congrégation de la Vierge. Mieux alphabétisées, plus cultivées, elles sont des candidates toutes prêtes pour enseigner à leur tour.

La place stratégique de cette association au coeur du système paroissial conduit les notables à encourager leurs filles à fréquenter l’association et à s’investir dans la confrérie de Charité. Il en va de la visibilité sociale de leur clan. Dans plusieurs localités meusiennes, Mécrin et Nançois-sur-Ornain par exemple, il a été possible de démontrer l’existence d’un système d’assistance mutuel[43]. Une femme de chaque famille appartenait à une association de charité et en échange tous les membres de son clan pouvaient bénéficier des services de l’organisation car elle avait acquis une dette positive sur la collectivité. Qu’une des congréganistes de Rembercourt, par comparaison, devienne religieuse ou qu’elle demeure laïque mais enseignante, fonction utile, c’est toute sa famille qui est mise en valeur, qui augmente son capital-social et acquiert une créance, une dette positive sur la communauté.

A une toute autre échelle et selon des modalités différentes, la congrégation enseignante de Rembercourt fait également penser aux chapitres de dames nobles rappelés par l’historiographie récente[44]. Ces chapitres servaient souvent à placer des filles surnuméraires qui y trouvaient une position sociale intéressante et relativement autonome et qui faisaient bénéficier leur lignage de la position acquise. Toutes proportions gardées, c’est la même fonction qui est attribuée à la congrégation de Rembercourt.

4 - Les soeurs de Rembercourt et la diffusion des congrégations mariales.

L’étude de l’implantation des soeurs d’école de Rembercourt montre qu’elle accompagne fréquemment l’existence d’une congrégation de filles. Il n’existe pas obligatoirement un lien de cause à effet, certaines compagnies sont d’ailleurs plus anciennes, mais dans plus de 60 % des cas au moins, une société de filles ou une Charité existe au XVIIIe siècle dans ces paroisses[45]. Sur un minimum de 22 classes tenues par ces soeurs d’école, 13 localités comportent au XVIIIe siècle une congrégation de jeunes filles, une Charité entretenue par les femmes du village ou une société plus classique, d’inspiration mariale mais tout aussi féminisée. A Laimont, la confrérie est dédiée à Sainte-Catherine et elle relancée en 1730, parallèlement avec la mise en place de l’école. Mais la plupart sont des sociétés de la Vierge du type de celles qui seront trouvées un peu partout par l’enquête de 1809 lancée par le préfet Leclerc à la demande de Fouché[46]. Quatre autres villages possèdent une société du Rosaire ou de Notre-Dame du Suffrage largement voire totalement composée de femmes. La fondation de la confrérie de Notre-Dame du Montserrat, en 1749 à Condé-en-Barrois, village distant de moins de 5 kilomètres de Rembercourt, paraît concomitante avec le recrutement de la maîtresse. En 1757, les habitants de Contrisson semblent suivre pas à pas l’exemple de Rembercourt puisqu’ils décident d’annexer une école de filles à la maison de charité et de la confier à « une soeur venant des écoles de Rembercourt ». Plusieurs de ces soeurs apparaissent d’ailleurs en tête des listes de congréganistes dressées en 1809, parfois avec le grade de directrice, de correctrice, de surveillante ou de préfète. D’autres religieuses ou anciennes religieuses, souvent devenues elles aussi maîtresses d’école sous la Révolution et l’Empire, sont d’ailleurs mentionnées un peu partout au début du XIXe siècle dans une position équivalente.



5 - Les congrégations enseignantes sont porteuses d’une forme de dévotion.

Au sein de leurs sodalités, à côté des classes de leurs collèges, les Jésuites diffusaient une spiritualité propre à leur Ordre. Les chanoines réguliers de Saint-Mihiel, à la suite du désir de leur réformateur Pierre Fourier, faisaient de même sur le thème de l’Enfant Jésus ou de l’Ange Gardien, comme les religieuses de la Congrégation Notre-Dame avec la Conception. A Saint-Mihiel et à Bar, la dévotion au Sacré-Coeur se répand des Annonciades vers leurs pensionnaires et leurs écolières. Dans d’autres régions de France, le thème de l’Immaculée Conception de la Vierge, si important au XIXe siècle, est diffusé par les soeurs enseignantes de la congrégation de la Providence. Les écoles tenues par les soeurs de Rembercourt, puisque l’on peut souvent leur associer une confrérie, devaient faire de même. Celle de Rembercourt associait le chant des vêpres et des différents offices paroissiaux, le culte de Marie et peut-être aussi du Sacré-Coeur à une morale très stricte[47], quatre critères qui sont à la base des associations lorsque celles-ci renaissent au début du XIXe siècle.

L’exemple de la congrégation de Rembercourt atteste surtout de la force du courant utilitariste au XVIIIe siècle[48]. Les communautés d’habitants sont d’ailleurs poussées par les autorités à orienter les finances de leurs organisations vers une structure utile. Ainsi, une déclaration de Stanislas en 1758, au sujet des droits d’amortissement, promet des avantages fiscaux aux Charités qui entretiennent une école. Dans ce domaine, les Pays meusiens s’accordent donc assez bien avec l’ensemble de l’est du Royaume. Dans l’Alsace, étudiée par Jean-Michel Boehler, les communautés rurales se mobilisent également pour la création d’écoles et ceci malgré leur fragilité financière. Dans des Pays lorrains très avancés au XVIIIe en ce qui concerne l’alphabétisation, le père Bonnet souligne en revanche le retard de l’Argonne où il établit une corrélation entre la non christianisation et la non scolarisation[49]. Or, les confréries de la réforme catholique ont du mal à prendre en Argonne, pays d’habitat dispersé où elles sont concurrencées par des associations traditionnelles difficilement contrôlable par le clergé. La dynamique observée ailleurs et notamment dans le diocèse de Toul a ici du mal à prendre.

Mais lorsqu’elle existe, l’école devait être très importante pour les meusiens de la fin de l’Ancien Régime car, dans leur cahier de doléance de 1789, les habitants de Mécrin village voisin de Saint-Mihiel, demandent encore que les dîmes soient affectées à l’instruction de la jeunesse[50].

V – Confréries, écoles, religieuses et institutrices au début du XIXe siècle.

De nombreuses religieuses sécularisées mais aussi des laïques qui dépendaient autrefois de Rembercourt ont été utilisées ou maintenues comme institutrices dans les villages qui les avaient accueillies ou dans lequel elles exerçaient avant 1789. Dès que possible, elles vont donc relancer les congrégations de filles qu’elles dirigeaient déjà parfois avant la Révolution.

1 - Directrices, préfètes de congrégations ou correctrice des novices.

Le rôle d’une certaine sœur Justine semble décisif à l’occasion de la reconstitution de la congrégation de la Vierge de Montiers en 1816. Mais nous ne disposons d’aucun renseignement sur l’identité de cette religieuse, ni sur le nom de son Ordre. En revanche, d’autres sœurs peuvent être identifiées grâce aux travaux de l’abbé Gaillemin. En 1809, sœur Marie Prévôt, institutrice à Longeville-en-Barrois - le maire continue d’écrire « sœur d’école » - est aussi responsable des postulantes de la confrérie des demoiselles. Sa sœur, Barbe Prévôt, qualifiée d’infirme par le registre de l’association, pourrait aussi être une ancienne religieuse particulièrement âgée. Les congrégations enseignantes ou hospitalières sont, bien entendu, citées. Ainsi, la directrice de la confrérie des filles de Behonne est une sœur de Saint-Charles. Cependant, la responsable de la confrérie du Rosaire de Notre-Dame de Bar, Suzanne Esnard, est une ancienne annonciade, celle de l’association des demoiselles de Velaines vient de la congrégation Notre-Dame, et celle de Vaucouleurs était carmélite. Le noyau dur des congrégations urbaines est aussi fréquemment constitué d’anciennes religieuses.

2 - Des cénacles d’anciennes religieuses : Ligny - Saint-Mihiel.

La création d’une confrérie est un moyen commode pour les religieuses de conserver un minimum de vie religieuse commune mais, parfois, c’était pour certaines d’entre elles une simple question de survie. Ainsi, en l’an XII, Louise-Françoise Jacquot d’Andelurre, chanoinesse de Migette, semble complètement isolée à Ligny-en-Barrois. La plupart de ses consœurs sont d’ailleurs mortes dans la misère après la dissolution de leur établissement[51]. Or, elle appartient à l’association de la Vierge de cette paroisse qui révèle l’existence d’un petit cénacle d’anciennes religieuses. Au moins 8 des 16 associées de 1809 sont dans ce cas. La présidente est Anne-Françoise Fauque (1743-1823), l’ancienne sous-maîtresse des novices du couvent de la congrégation Notre-Dame de Ligny, qui retrouve plusieurs de ses collègues Avant la Révolution, la société des filles était étroitement liée au couvent de la congrégation Notre-Dame. Elle accueillait les religieuses ainsi que leurs pensionnaires et des demoiselles de la ville. Comme tous les couvents de la Congrégation Notre-Dame, celui de Ligny tenait également une école. Françoise Dussaulx était autrefois la responsable des pensionnaires et Anne Fauque celle des novices. Elles étaient donc en contact direct avec la « clientèle » privilégiée de l’association qui, dans les faits, n’a pas été dissoute à la Révolution mais transférée à l’église paroissiale. Ces deux anciennes religieuses ont donc pu se servir de leur ancienne position pour reconstituer des liens de familiarité avec les jeunes filles de la ville, liens qui d’ailleurs n’avaient peut-être jamais été rompus.

La même situation existe à Saint-Mihiel où la société du Sacré-Coeur des annonciades célestes a également été transférée à l’église paroissiale. Les deux congrégations de filles qui se sont créées en l’église Saint-Etienne en 1801 puis au sein de la nouvelle paroisse Saint-Michel en 1804 ont été très influencées par elle. D’ailleurs, sur les 16 congréganistes de Saint-Etienne en 1809, 10 au moins sont des religieuses sécularisées qui appartenaient aux meilleures familles du cru, comme la présidente Marguerite de Bousmard et sa sœur Françoise, ainsi qu’au Sacré-Coeur. Huit d’entre elles sont des annonciades et deux appartenaient à la congrégation Notre-Dame (les deux couvents de femmes de la cité qui possédaient une école avant la Révolution).

Si de nombreuses religieuses sainmiéloises ont retrouvé une vie commune et un soutien au sein des confréries religieuses, elles ont à leur tour diffusé les congrégations dans les paroisses où elles exercent comme enseignantes. A Saint-Mihiel, bien sûr, aux Paroches et dans l’annexe de cette paroisse à Dompcevrin, à Spada mais aussi à Koeur-la-Petite et peut-être à Hattonchâtel, les institutrices qui dirigent les congrégations de filles sont d’anciennes religieuses, autrefois associées à la société du Sacré-Coeur des annonciades célestes puis aux congrégations mariales érigées à Saint-Mihiel au moment Concordat. Le cercle est bouclé.

3 - Un rôle qui se confirme au XIXe siècle.

Les registres des confréries du XIXe siècle comportent presque toujours le nom d’une institutrice, souvent une religieuse, ou d’un instituteur, au moins pour ce dernier jusqu’aux années 1880. Ainsi, lors de la constitution de la société du Sacré-Coeur de Marie de Lahaymeix, agrégée en 1853 à Notre-Dame des Victoires (par l’intermédiaire de la confrérie du Sacré-Coeur de Saint-Mihiel), le curé est heureux d’inscrire Jean Nicolas Claudat, instituteur de Thillombois et sa femme, mais aussi le gendarme du village, Claude Guiot. Il s’agit d’ailleurs des deux seuls adhérents dont il donne la profession. A Gironville-sous-les-Côtes, village où la compagnie du Sacré-Coeur compense l’absence de curé résidant et l’interdit qui pèse sur l’église du village, l’instituteur Joseph Laurent est aussi très actif[52]. Dans cette localité, les familles les plus anciennes tiennent et animent la confrérie qui est devenue l’élément central de l’identité communautaire. C’est le cas de la famille Laurent depuis 1712. En 1849, à Dagonville, il en est de même pour Joseph Collignon, instituteur à Lignières. Or, celle localité est une annexe de Dagonville et le maître d’école paraît y représenter le curé.

L’entrée d’une institutrice s’accompagne naturellement de ses élèves. Sœur Marie Ange Perken, l’institutrice de Heippes, se fait donc inscrire en tête sur le registre de la congrégation mise en place par le curé en 1830, suivie immédiatement par ses écolières. Or, la création de cette organisation suit la dissolution par l’évêque d’une précédente organisation, tombée parce que ses membres fréquentaient les bals… On décide donc de n’admettre que des enfants, afin de commencer tôt leur instruction morale, et de confier cette tâche à la maîtresse d’école.

De même, lorsque les religieuses de la Doctrine chrétienne qui enseignent à Saint-Mihiel adhèrent à la société du Sacré-Coeur en 1863, elles amènent aussi leurs classes[53]. Déjà en 1827, l’abbé François-Nicolas Derobe qui crée la double confrérie du chemin de la Sainte Croix et du Scapulaire du Mont-Carmel de Lion-devant-Dun, s’appuie sur quatre personnes : sa mère, Catherine Dailly, l’instituteur Jean-François Pierson et les deux religieuses de la Doctrine chrétienne, les sœurs Céleste et Anastasie qui s’occupent des filles[54]. En 1829, il inscrit aussi Marie Colette Jacques et Marie Félicité Rennesson, sœurs de la Providence, qui oeuvrent aux écoles de Mouzay et Malancourt, villages dont il vient de recevoir également la charge puisque la Meuse manque de prêtres. Enfin, en 1832, il agrège Catherine Rouzère, en religion sœur Geneviève, ancienne converse des annonciades de Varennes qui pour lors fait la classe à Milly. Un embryon de réseau apparaît. Dès l’arrivée à Lion d’une nouvelle religieuse de la Providence en 1842, Paule Tobelhon, celle-ci est immédiatement admise dans les deux associations de la paroisse dont elle devient rapidement l’élément moteur.





Conclusion : L’étude des confréries montre combien ces organisations, avant de transmettre les dévotions pour lesquelles elles ont été conçues, voire de servir de pédagogie de la Réforme tridentine, appartiennent au quotidien des habitants de l’Ancien Régime. C’est une propriété collective, même si évêques fulminent contre ce mélange des genres scandaleux. Elles servent à accumuler du capital, car elles reconstituent leur patrimoine plus vite que les fabriques, et elles financent des équipements collectifs, par exemple les écoles[55]. Une des raisons de la densité du réseau scolaire de la Lorraine d’avant 1789 pourrait se trouver là mais il faudrait engager l’enquête inverse, non plus dans les archives des confréries, où nous avons cherché la trace des classes et des maîtres, mais dans celle des écoles pour retrouver l’origine de leur financement. Cette spécificité semble d’ailleurs surtout le fait du diocèse de Toul où l’action de congrégations enseignantes comme les Vatelottes était déjà connu. Le réseau des sœurs de Rembercourt mériterait au contraire de nouveaux éclairages. L’essentiel de l’effort, au moins à partir des années 1740, porte sur les filles. L’arrivée du roi Stanislas marque la fin de la reconstruction, une élévation importante de l’âge au mariage et, dans certaines localités, un développement des naissances illégitimes. En tout cas, les sermons portent la trace d’une inquiétude croissante envers la pureté des filles. Or, le développement des classes de filles, des congrégations enseignantes, des manuels de piété à destinations du sexe faible, mais aussi la créations de dizaines d’associations religieuses spécialisées dans les Pays meusiens obéissent exactement à la même chronologie et attirent notre attention sur l’apparition d’un genre sujet à un grand intérêts au XIXe siècle : la jeune fille.














Annexe 1 - Les confréries et les fondations de petites écoles
dans les Pays meusiens

Paroisse
Confrérie
Ecole financée par la confrérie

Beauzée

Toutes
Projet du curé Claude Nassé d’utiliser l’argent des confréries pour financer l’école (vers 1735)

Clermont

Charité (1686)
Autorisée à entretenir l’école des filles pauvres et à payer le salaire d’une maîtresse (1739)

Contrisson

Charité (1757)
Annexe à sa Charité une école des filles confiée à une soeur
de Rembercourt
Demanges-aux-Eaux
Rosaire (1657)
Ecole « la Charité » (av. 1749)

Etain

Congrégation de charité (1759)

Congrégation des jeunes filles (1759)
La Charité s’engage auprès de la Doctrine chrétienne à maintenir 3 soeurs pour soigner les malades et instruire les filles (1779)
Longeaux
Congrégation des filles (XVIII°)
Constitution de rente de la confrérie au profit de l’école des pauvres (1736)

Mécrin

Charité (1743)
En 1789, les habitants demandent que les dîmes soient affectées à l’instruction de la jeunesse

Ourches
Conception puis Notre-Dame
(1410)
Doctrine chrétienne ou
des maîtresses d’école (XVIII°)
Le receveur de Notre-Dame fait faire les devis paye les travaux de maçonnerie à l’école des filles et à celle des garçons (XVIII°)

Pagny-sur-Meuse

Conception Notre-Dame (XV°)
Paye le maître d’école qui balayera aussi l’église, aidera le curé et tiendra les registres de la confrérie (XVIII°)
Rembercourt
Charité
Ecole (XVIII°)
Seigneulles
Saint-Sacrement (1718)
Ecole (1715)

Saint-Mihiel
Providence (1715)
puis Charité-Providence (1731)
Enfermement et éducation des pauvres orphelines.
Soeurs de Saint-Charles


Stainville



Rosaire (1619)
Par bail de 99 ans de 1756 (reprenant un autre de 1734) la confrérie met à disposition gratuitement un local pour l’école et accepte de payer le maître
Stenay
Saint Hubert (1534)
Education religieuse de 12 pauvres
par le chapelain
Troussey
Conception (XV°)
Congrégation des filles (1769)
Travaux à l’école (1755)
Ugny
Charité
Ecole des pauvres (XVIII°)
Vaucouleurs
Charité
Ecole des pauvres (XVIII°)
Vaubecourt
Saint-Sacrement (1697)
Ecole (av. 1793)
Vignot
Rosaire (Av. 1632)
1783 - Préfère financer une école qu’un hôpital imposé

Void

Confrérie des morts (1730)
Tarif pour le curé, le marguillier et le maître d’école rétribués par la confrérie (XVIII°)

Annexe 2 - Les anciennes congréganistes de Rembercourt
devenues maîtresses d’école (1731-1791)

Paroisse
Enseignante
Date
Confréries mentionnées

REMBERCOURT

1731
Marguerite Vautrot (1731)
Catherine Poupart (1790-1835)
Charité (1541)
relancée 1736
Congrégation (XVIII°)
relancée vers 1756
Chardogne
< 1737
M.A. Latourte (1737)
Sainte Catherine (1730)
Laimont
< 1739
Barbe Vaillant (1739)
Charité (1744)
Passavant
1746
Marguerite Hablet (1746)
Assoc. filles (XVIII°)
Villers-aux-Vents
1747
Marguerite Babin (1747)

Condé
? 1749
Nom inconnu
Montserrat (1749)
Charité (1764)
Clermont-en-Argonne
1750
Jeanne Poutrieux (1750)
Charité (1685)
relancée 1739
Tilly
1754
Catherine Prin (1754)

Contrisson
1757
Lucie Poutrieux (1784)
Congrégation (1809)
Naives
1757
Marguerite Poupart
Charité (XIX°)
Les Marats
< 1758
Marguerite Salhorgne (1758)
Congrégation (XVIII°)
Saint-André
1762
M.A. Poupart puis Barbe Salhorgne (1767)

Souilly
< 1767
Barbe Salhorgne

Tannois
< 1780
M.A. Poutrieux
Congrégation (1809)
Autrécourt
< 1781
Marguerite Driget

Neuville-en-Verdunois
< 1784
Anne Haidon
Congrégation (1809)
Villotte-dvt-Louppy
< 1786
Jeanne Hacquin

Louppy-sur-Chée
< 1789
M.A. Paquet
Charité (1791)
Rupt-aux-Nonains
< 1789
Catherine Poutrieux
Notre-Dame du Suffrage (XVIII°)
Rarécourt
1789
Nom inconnu

Ancerville
< 1791
J.C. Labainville puis Anne Haidon

Resson
Avant la Révolution
Nom inconnu



Bibliographie

Astoul (Guy), Ecoles et clercs dans le diocèse de Montauban au XVIII° siècle in Le clergé rural dans l’Europe médievale et moderne, Actes des XIIIe journées internationales d’Histoire de l’abbaye de Flaran - 6/8 septembre 1991, Textes réunis par Pierre Bonnassia, Presses universitaires du Mirail, 1995, pp.279-291
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Martin (Abbé Eugène), Essai sur les confréries de dévotion dans le diocèse de Toul, Mémoire de l’Académie de Stanislas, 1912-13
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Schwindt (Frédéric), Confréries et économie rurale dans l’ouest de la Lorraine (XIVe-XVIIIe siècles), Colloque Du Ciel à la Terre – Clergé et agriculture (XVe-XXe siècles), Sous la direction de Florent Quellier & Georges Provost, Université de Rennes 2 – Haute Bretagne, 14-15-16 septembre 2006.
Schwindt (Frédéric), Des anges sous le regard de Dieu : moralité, naissances illégitimes et confréries de filles en Lorraine (XVIIe-XIXe siècles), à paraître.
Taveneaux (René), Le Jansénisme en Lorraine, Vrin, 1960.
Thibault (François-Thimothée), Histoire des lois et usages de la Lorraine et du Barrois dans les matières bénéficiales, Nancy, 1763.







Frédéric Schwindt : 39 ans - Professeur agrégé
9, rue du Pâquis 55260 Raival
E.Mail : FSchwindt@ac-nancy-metz.fr
Tel. : 03.29.71.00.95 / 06.13.87.02/87
Docteur en Histoire moderne : La communauté et la foi - Confrérie et société à l’ouest de l’espace lorrain (XIIIe au XXe siècle), Sous la direction du professeur Louis Châtellier, Université de Nancy II, 2004.

Dernières publications :

Rodney Stark et la sociologie religieuse américaine contemporaine – Une stimulation pour la recherche européenne, Revue de l’Histoire des Religions, 224, I/2007, p.61-81.
« Confrérie et économie rurale dans l’Ouest lorrain (XIVe-XVIIIe siècle) » in Florent Quellier et Georges Provost (sous la direction de), Du Ciel à la terre – Clergé et agriculture (XVIe-XIXe siècle), Presses Universitaires de Rennes, 2008, p.157-176.
Le contrôle de la vertu des filles en Lorraine (XVIIe-XIXe siècle), Histoire & Sociétés Rurales N°31, 1er semestre 2009, p.67-96.
La diffusion de la communauté mennonite en France d’après l’étude des patronymes (XVIIe-XXe siècle), La Revue Historique, N°651, 2009, sous presse.

[1] Maggiolo, 1879, pp.221-332. 1880, pp.181-219. 1881, pp.244-313. 1882, pp.279-378. 1888 pp.200-281.
[2] de Rohan-Chabot, 1967.
[3] Martin, 2002.
[4] Cabourdin, 1977.
[5] Schwindt, 2004 : 1000 associations entre le XIIIe et le XVIIIe siècle, 1500 de la Révolution à aujourd’hui. Ce travail prend pour exemple l’ouest de la Lorraine, grossièrement l’actuel département de la Meuse formé à la Révolution autour du diocèse de Verdun et de l’ouest de celui de Toul.
[6] Cet article concerne les petites écoles et nous voulons démontrer comment la faiblesse financière des communautés (tant du côté des fabriques que de la communauté d’habitants) a été compensée par les confréries. Aussi, nous ne détaillons pas l’analyse des comptes des organisations en question, nous contentant de présenter quelques exemples. Pour plus détails, le lecteur peut se référer à notre thèse citée plus haut.Voir aussi : Schwindt, 18-19 mars 2005.
[7] Cabourdin, 1977, Tome I, p.284. Pernot,1971, p.35-38.
[8] En plein XVIIIe siècle, 20 % seulement des paroisses du diocèse de Poitiers possédaient une fabrique. Gutton,1998, p.206. A.D.Meuse 8 E 11 (9). Nous avons peut-être là une conséquence à la visite canonique de 1687.
[9] François-Thimothée Thibault, 1763, p.338.
[10] Martin, 2002, pp.335-338. Philippe Martin intègre la région de Saint-Mihiel ainsi que la Woëvre à la « zone rouge » des pertes avec une dépopulation de 60 à 65 %.
[11] A.D.Meuse 40 H 6 (143).
[12] A.D.Meuse 19 H 11 (65). Le curé de Seigneulles fonde immédiatement une confrérie du Saint-Sacrement après cet interdit : voir la dalle visible dans l’église. Les fusions de confréries aux fabriques culminent également à cette époque.
[13] A.D.Moselle B 1636.
[14] A.D.Meuse 19 J 745-746.
[15] On appelle taux de couverture le rapport des revenus de la confrérie sur ceux de la fabrique exprimé en pourcentage.
[16] Nous n’excluons bien entendu pas d’autres facteurs intervenant dans la fondation comme la dévotion ou le rôle des missionnaires mais voulons montrer que la situation est moins simple qu’on ne le croyait et qu’elle ne se limite pas à des considérations uniquement religieuses.
[17] Lemaire, 1912, p.746-747. Aujourd’hui en Meurthe & Moselle.
[18] A.D.Meuse C 2551 - Contrôle des actes - Bureau de Pierrefitte (1731-1734).
[19] Schwindt, 2006.
[20] Nicolas, 1904, p.221.
[21] Guilbert, 2000, pp.73-81. Guy Astoul, 1995, pp.279-291.
[22] Si l’inventaire des villages possédant une école est très fourni grâces aux travaux du recteur Maggiolo et de madame de Rohan-Chabot, les relier aux confréries est difficile du fait de l’inégale conservation des registres de comptes de ces dernières. Nous ne citons donc que les cas sûrs même si nous possédons des indices pour des dizaines d’autres. Ainsi, une relation semble exister entre les confréries fondées vers 1640 par la comtesse de Saint-Balmont, l’Amazone lorraine et les écoles qu’elle patronne pour ses sujets et de nombreux réfugiés.
[23] Voir la carte des anciens diocèses lorrains donnée plus haut. Ce n’est pas la seule différence entre les deux diocèses puisque, dès le début du XVIIIe siècle, les villages du Verdunois possèdent des taux de naissances illégitimes deux à trois fois supérieurs à ceux du diocèses de Toul. L’existence de confréries mariales plus nombreuses et d’écoles dans le sud-meusien n’est sans doute pas étranger à cet état de fait.
[24] Deblaye, 1857, p.7.
[25] Contrairement à leurs collègues de Bar et Verdun, les jésuites de la Résidence de Saint-Mihiel n’ont pas obtenu l’autorisation d’ouvrir un collège. Celui-ci fut confié aux disciples de saint Pierre Fourier, ancien élève et congréganiste de l’Université de Pont-à-Mousson, dont la correspondance garde de nombreuses traces d’une volonté d’adapter les sodalités mariales à un public plus vaste. Fourier, 1986-1989.
[26] A.D.Meuse 16 G 393. Porte de la maison située : 13, rue de Naives à Ourches (XVIIIe siècle).
[27] Schwindt, 13-15 octobre 2005. On observe sur le temps long une gradation dans les Pays meusiens en ce qui concerne la dédicace des associations pieuses : la croissance de Dieu et des saints vers le nord, celle de la Vierge et des morts vers le sud.
[28] La fondation de la confrérie du Saint-Sacrement de Vaubecourt, dont le comte appartient à la R.P.R. et s’est exilé en Prusse, pourrait avoir eu pour objet de réduire la communauté réformée locale. La création d’une école, à la suite de la confrérie, aurait donc permis de concurrencer le fort taux d’alphabétisation connu chez les protestants.
[29] Taveneaux, 1960.
[30] Lenfant, 1807.
[31] Le pays de Jeanne d’Arc comportait, sans doute déjà de son vivant au début du XVe siècle, d’assez nombreuses associations de la Conception.
[32] A.D.Meuse 16 G 393.
[33] Tous les chiffres sont donnés en livres de Lorraine dont la valeur est un peu inférieure à celle de France.
[34] A.D.Meuse C 3712 f° 12.
[35] A.D.Meuse 16 G 393. L’Octave deviendra une confrérie des morts deux ans plus tard.
[36] Il y a quelques années, des fresques représentant la Vierge auraient été découvertes dans une maison du village qui servait encore d’école au XIXe siècle. Est-ce la même ?
[37] Martin, 1912-13, p.236.
[38] Bibliothèque municipale de Verdun Ms 893.
[39] 15 volumes de prônes conservés aux archives départementales de la Meuse : A.D. Meuse J 181 (1-15) – Coll. Lemoine.
[40] A.D.Meuse H dépôt 12.
[41] Joignon, 1938 ainsi que les notes manuscrites du chevalier de La Morre citées dans le même ouvrage.
[42] Gaillemin, s.d.
[43] Schwindt, 1er & 2 octobre 2005.
[44] Parisse & Heili, 1998.
[45] Sans doute beaucoup plus car une grande part de ces congrégations sont repérées à la Révolution et il apparaît que les communautés d’habitants et même les maires, d’accord avec les curés constitutionnels, s’arrangent pour les cacher aux autorités : « Une Géographie du mensonge » dans Schwindt, 2004, Tome 3, pp.369-374.
[46] A.D. Meuse 33 V 2.
[47] Notes manuscrites du chevalier de La Morre dans Joignon, 1938..
[48] A.D.Meuse C 57. Au même moment, une affaire défraye la chronique à Vignot, paroisse suburbaine de Commercy : le curé, avec l’appui du subdélégué de l’intendant, tente de dissoudre une vieille et active confrérie du Rosaire afin de financer une sage-femme, un petit hôpital et surtout une école des filles. Une active correspondance se tient alors entre l’évêque de Toul (d’abord réservé mais choqué que les habitants puissent résister à leur curé), l’intendant et le secrétaire d’Etat chargé de la Province.
[49] A.D.Meuse 12 H 4 (47) Déclaration du roi au sujet des droits d’amortissements (12 juin 1758). Boehler, 1994, Tome II, pp.1878-1892. Bonnet, Santini & Barthélemy, Oct.-Déc.1966. Dans le Val d’Aran, au contraire, l’immobilisation d’importantes sommes d’argent au profit des communautés de prêtres n’a pas été utilisée pour développer les écoles : Brunet, 1998, pp.223-225.
[50] A.D.Meuse J 3409.
[51] Parisse & Heili, 1998. L’entrée dans ces chapitres de femmes n’obligeait pas à prononcer des voeux. Les renseignements sur les religieuses sont tirées de : Gaillemin, s.d.
[52] A.D.Meuse 19 J 5274.
[53] A.D.Meuse 19 J 4417.
[54] A.D.Meuse 19 J 4959.
[55] Qu’il nous soit permi de dédiér cet article à la commission scolaire de la Communauté de communes de Vaubecourt-Triaucourt (Meuse) tellement les réalités scolaire en milieu rural de l’époque moderne, même laïcisées, ressemblent à celles d’aujourd’hui.