dimanche 24 octobre 2010

jeudi 21 octobre 2010

Grèves : les jeunes sont-ils conscients qu'ils se font avoir par les adultes ?

Je n'ai pas l'habitude de m'exprimer sur ce blog, si ce n'est sur des sujets vieux de 2 ou 300 ans mais les grèves actuelles me laissent pantois. Je passe sur l'instrumentalisation des lycéens qui, sous mes yeux, a failli la semaine dernière coûter la vie à une jeune fille. Le NPA (avec voiture et drapeaux) poussait les jeunes à occuper les carrefours et les ronds-points, un chauffeur excédé à demarré derrière moi et s'est arrêté seulement à quelques centimètres de la gamine.
Oh, bien sûr, le projet de loi du gouvernement est loin d'être satisfaisant et il est décalé avec le sens de l'histoire. L'économie devenant de plus en plus financière, il fallait pour être juste taper aussi de ce côté !
Mais le plus grave est que les jeunes ne se rendent pas compte qu'il se font avoir (j'avais d'abord écrit un verbe moins chatié commençant par "b...") par les babyboomers. La génération qui part maintenant à la retraite a tout eu : du travail, un niveau de vie qui s'est constamment accru (merci à leurs parents qui se sont défoncés dans les années 50), un état providence florissant ainsi que la possibilité de "bai..." à tout va (merci la pilule).
Et bien ces babyboomers, qui ne veulent pas vieillir, ont décidé que cela devait continuer et que les jeunes devaient payer pour eux alors même qu'ils auront une vie bien plus difficile. Repoussons tout à plus tard. A eux de payer la dette nationale, la dette sociale et la retraite des vieux.

mercredi 20 octobre 2010

Un curé de choc lorrain : l'abbé Nassé - Biographie en cours

Le texte qui suit est un document d'étape, rédigé pour une conférence et en vue d'une biographie en cours sur ce personnage exceptionnel.



Claude Nassé (1707-1773) et Beauzée-sur-Aire :
une paroisse de la Contre-Réforme et son curé de choc.

Il y avait hier, à la télévision, un téléfim sur Louis XV et Mme de Pompadour. Mais, nous serons ce soir loin de Versailles bien que le curé Claude Nassé, dont on peut encore aujourd’hui voir le nom sur une dalle de l’église de Beauzée, soit un absolu contemporain de Louis le bien aimé (1710-1774). Voilà pour le lieu et pour l’époque, c’est-à-dire le siècle des Lumières.

Eglise de Beauzée : Liste des curés de Beauzée depuis le XVIII° siècle
(Plaque posée à l’initiative de Claude Nassé).

Remerciements.

Mais avant de commencer, je tiens à remercier Mme Gueit-Monchal, conservatrice départementale des archives, pour m’avoir proposé d’intervenir dans ce cycle de conférences intitulées : Enquêtes au fil de la Meuse - Saison 2.

Merci aussi, bien sûr, au maire de Beausite et ami, Dominique Maréchal, et à vous tous d’avoir répondu présent. J’espère ne pas trop vous ennuyer.

Introduction : Faire de l’Histoire.

Le principe de ces conférences décentralisées au plus prêt du terrain, là où l’Histoire s’est faite, là où vivent encore parfois des descendants des protagonistes (cela m’est arrivé il y a quelques semaines à Revigny), est une excellente initiative. Dés que la question me fut posée, j’ai aussitôt proposé Beauzée et ce curé haut en couleur dont je vais vous entretenir. N’hésitez pas à me faire connaître votre impatience si je suis trop long !

Il y a quelques années, les étudiants et même parfois les chercheurs plus chevronnés évitaient la Meuse : persuadés qu’il n’y avait rien à trouver, sauf bien sûr autours de la guerre de 14-18. Mais le patient travail des conservateurs successifs des archives, de la bibliothèque départementale et du conseil général fait que de plus en plus de personnes découvrent les richesses du milieu local et surtout l’abondance de sources, sans quoi il n’y a pas d’Histoire.

En effet, l’Histoire s’écrit à partir de sources, la plupart écrites, qu’il faut dépouiller patiemment et avec prudence, analyser puis critiquer. Je vous invite, si vous ne l’avez pas encore fait, à venir regarder les pièces issues des archives départementales, et qui sont exposés ici ! Après quelques années, pour mon compte près de 12 ans, on peut espérer en faire connaître les résultats. Cela qui donne souvent des travaux très pointus mais hélas confidentiels.

Les Enquêtes au fil de la Meuse visent au contraire à faire redescendre auprès du public et d’une manière simple et conviviale les résultats de la recherche scientifique. Donc, lorsque Mme Monchal m’a demandé une présentation de mon travail, je me suis longuement posé la question de la manière de procéder. J’ai en effet travaillé sur une longue période, de la fin du Moyen Age aux années 60, sur une vaste zone géographique, tout le département de la Meuse, plus de 500 localités, et sur des questions très larges : en gros les rapports entre la religion, la société villageoise et l’économie rurale. Se contenter d’un résumé, même en une heure, aurait pu être très très barbant.

J’ai donc choisi la méthode inverse, bien je crois dans la philosophie de ces conférences, partir d’un exemple local, auquel chacun peut s’identifier, pour parler de lieux que chacun connaît, afin de montrer ce que l’on peut trouver, quitte à élargir ensuite le propos vers des idées plus générales.

D’ailleurs, toute une école historique, née en Italie, propose de procéder de la sorte en faisant de la micro-histoire : de l’histoire au raz du sol, loin des idéologies, le décorticage systématique d’un exemple, d’une situation, d’un personnage bien documenté. A partir du dossier d’accusation constitué à l’époque par l’inquisition, Carlo Ginzburg a ainsi fait, dans un livre qui s’intitule le Fromage et les vers, la biographie d’un meunier du nord de l’Italie condamné pour sorcellerie au XVIe siècle. A la suite des interrogatoires, on découvre non seulement une affaire et un procès mais tout l’univers mental, les rêves, les peurs, les fantasmes d’un homme qui a vécu il y a 400 ans. Plus près de nous, le grand historien français Alain Corbin a réussi la gageure d’écrire tout un livre sur un inconnu, un certain Pinagot, pris au hasard dans les registres de naissances du département de l’Eure. Il s’agissait d’écrire la biographie d’un individu le plus ordinaire possible, un personnage révélateur de ce qu’était l’existence des humbles.

Pourquoi le curé de Beauzée ?

Alors pourquoi le curé de Beauzée ? Parce que cet homme des Lumières, qui ne se prenait d’ailleurs pas pour rien, a laissé derrière lui des milliers de pages de notes, une source de toute première importance pour le connaître et aussi découvrir sa paroisse. Mieux, l’Histoire se pique de fait divers ! En 1756, alors qu’il officie à Beauzée depuis plus de 20 ans, il est brutalement chassé à coup de pierres par les habitants, à la sortie de la messe dominicale, suite à un sermon particulièrement violent.


Il peut être intéressant pour nous de partir de ce fait divers et de tenter de l’expliquer.

I - Un homme des Lumières et un gros caractère.

Claude Nassé était sans aucun doute un homme complexe, un homme des Lumières, c’est indéniable mais aussi et avant tout un caractère fort. En 1741, il rédige un « Etat de la paroisse de Beauzée », une sorte de rapport moral sur sa paroisse. Page 12, après avoir transcrit la liste de ses prédécesseurs, il présente, sans modestie, de sa propre nomination :

« Je luy ay succedé à l’âge de vingt-huit ans et quelques mois étant né à Verdun et batisé dans la paroisse de Saint Pierre l’Angelé le 17 avril 1707, âge propre a rajeunir ce quune longue suitte de vieux curez avoit laisse trop vieillir dans l’eglise et dans le presbytere... »

1.1 - Un prêtre new look sûr de lui et de sa mission.

On sent donc, dès le départ, qu’il est conscient de sa valeur et de l’importance de sa mission : mettre de l’ordre dans cette cure située aux confins sud-ouest du diocèse de Verdun. Les frontières, tant politiques que religieuses ne sont en effet pas, en 1735, celles auxquelles nous sommes habituées. Elles passent juste à côté d’ici puisque Beauzée est en France, les Trois Evêchés (qui ne correspondent pas avec les diocèses) relèvent en droit du roi depuis 1648 (1552 dans les faits), comme le Clermontois donné au prince de Condé, alors que les territoires un peu plus au sud comme Condé ou Rosnes sont, comme on dit à l’époque, du duc de lorraine et de Bar.


Il faut donc du sang neuf à Beauzée. Mais peut-être exagère-t-il le délabrement matériel et moral de sa paroisse car c’est une manière de mettre en valeur son action et, pour un homme cultivé comme lui, c’est un lieu commun littéraire. Les missionnaires jésuites, comme Julien Maunoir, qui évangélisent alors la Bretagne, vieille terre chrétienne, considèrent alors les bretonnants, surtout les habitants des îles, comme des sauvages incultes et païens. Lorsque monsieur de Mannesy, le futur supérieur des soeurs de la Doctrine chrétienne, est désigné curé de Troussey (alors dans le diocèse de Toul), il considère ses nouveaux fidèles comme vierge de religion. Son biographe parle même de paroisse perdue. Pourtant, l’examen des sources locales montre qu’il n’en ait rien. Seulement, à Troussey comme à Beauzée, un jeune prêtre nouvelle mode, formé au séminaire, une sorte de hussard noir de la Contre-Réforme, vient remplacer un vieux curé janséniste. Les années 1730 dans le diocèse de Verdun, les années 1750-1760 dans celui de Toul voient en effet un changement de génération et les évêques tenter de contrebalancer l’influence janséniste en nommant des « jeunes » fidèles à des postes importants.

1.1.1 - Un beau bénéfice.

Beauzée est en effet un des plus beau bénéfice du diocèse de Verdun. On parle de bénéfice car chaque poste est assorti d’un revenu pris sur les biens de l’Eglise. Comme un officier de l’armée qui vient de recevoir l’épaulette, le curé devient propriétaire de son bénéfice et, dans certain cas, il peut le céder ou au moins y renoncer en faveur d’un tiers, en général un neveu.

Le curé de Beauzée touche ainsi 1/3 des dîmes, les novales, le revenu de terres et de prés attachés au presbytère soit environ, bon an, mal an, 1800 £ tournois. Il n’est pas, comme nombre de ses collègues, réduit à la portion congrue de 300 £. A titre de comparaison, disons que le salaire journalier d’un ouvrier agricole est d’environ 1 livre à cette époque. Il faudrait ajouter à cela la fortune et les terres que le prêtre possèdent en propre, le casuel (le prix des messes) et les rentes fondées par des paroissiens (pour célébrer tel ou tel office anniversaire pendant l’année). Le revenu total de Claude Nassé atteint donc peut-être 4000 livres au milieu du XVIIIe siècle, ce qui fait de lui un notable.

En 1741, Beauzée est un bourg d’environ 1170 âmes, ce qui n’est pas rien. Au siècle passé, il avait été une pièce centrale dans le dispositif mis en place dans le diocèse de Verdun pour lutter contre les protestants, nombreux dans cette région coincée entre la vallée de l’Aire et l’Argonne. D’ailleurs, l’église consacrée à Saint-Martin en 1515, avait été rebaptisée plus tard du nom de l’Assomption. Il fallait en effet insister sur la Sainte Vierge.

1.1.2 - Une nomination jeune.

Cette petite ville avec son marché et sa justice constitue en général un poste de fin de carrière. Or, notre prêtre y est nommé, on dit qu’il est collationné, seulement à 28 ans et demi, ce qui n’a pu que provoquer interrogations et jalousies autours de lui. D’autant que ce droit de nomination n’appartiens pas toujours à l’évêque mais le plus souvent à un abbé ou même à un seigneur laïc. Beauzée est une des rares paroisses où le prélat peut vraiment désigner qui il veut !

On ne peut complètement écarter l’hypothèse du népotisme, l’évêque nommant ses fidèles. Or, il semblerait, au vu des rapports que Nassé envoie à monseigneur d’Hallencourt, qu’il était très proche de lui. Il serait même venu, quelques années plus tard, faire retraite à Beauzée, chez son subordonné. On sait de toute façon que le prêtre est arrivé un matin de 1735 avec une feuille de route, une mission bien définie à remplir et dont il du tenir régulièrement l’évêque informé.

Mais d’Hallencourt est un évêque consciencieux, il réside à Verdun et non pas à Versailles, il administre son diocèse en personne, et non par l’intermédiaire d’un suffragant ou de ses vicaires généraux, et il le visite régulièrement. En fait, c’est vraiment un évêque de la Réforme catholique tel que le Concile de Trente en a popularisé le modèle et dont Nicolas Psaume fut à Verdun, au XVIe siècle, le premier représentant local. Aussi, même s’il désigne un proche, il veut de l’efficacité.

Aussi, la pratique du concours est-elle de plus en plus utilisée pour trouver des candidats aptes à exercer ce pieux ministère. Un jury, présidé par l’évêque et le directeur du séminaire vérifie les capacités des impétrants. On ne sait pas s’il fut procédé ainsi pour Claude Nassé mais son CV correspond bien à ce qui était alors recherché.

1.1.3 - Un verdunois d’une famille en voie d’élévation.

(Acte de naissance)

Claude Nassé est né le 17 avril 1707 à Verdun, en la paroisse Saint-Pierre l’Angelé dont il sera un temps le vicaire entre 1732 et 1735. Or, son prédécesseur à Beauzée, Joseph Mathelin, décédé le 8 août 1735, était originaire de la même paroisse. Il n’est pas impossible que les deux hommes se soient connus et que le vieux prêtre est favorisé la succession.

Si Nassé n’appartient pas à la grande bourgeoisie patricienne (celle-ci s’oppose fréquemment aux évêques comtes de Verdun), il n’est pas non plus un homme du peuple. Son père, Jean Mathias Nassé, était venu à Verdun, le 30 novembre 1684, afin d’épouser Jeanne Chandeux (ils avaient 25 ans tous les deux). Divine providence, celle-ci était une jeune veuve éplorée d’un marchand tanneur, une profession fort honorable et lucrative. Par ce mariage Jean Nassé reprenait donc l’atelier disponible.

Veuf vers 1700 et seulement âgé d’une quarantaine d’années, il devait alors convoler en deuxième noce avec Marie-Elisabeth Clouet, sa paÿse puisque comme lui elle venait de Thionville. Celle-ci vivra plus tard à Beauzée, qu’elle ne quittera qu’en 1773, à 94 ans, à la mort de son fils.

Son frère Claude, le parrain du futur curé de Beauzée, ils portent tous deux le même prénom, était alors officier (fonctionnaire) et échevin (conseiller municipal) de Thionville. Il semblerait que la famille Nassé était arrivée à Thionville pendant la guerre de Trente ans, lorsque la ville fut arrachée par le roi de France aux ducs de Lorraine. Le grand-père de Claude Nassé et père de Jean Mathias, appelé simplement Jean, était « capitaine de cavalerie pour le roi », un officier important de l’armée régulière et un cavalier, signe de prestige et d’un début de fortune. Sans doute est-il arrivé là avec les troupes d’occupation et y a épousé une native, Marie-Madeleine Freitte. Jean Mathias naît d’ailleurs en 1659, au moment ou la paix commence à se profiler entre l’Espagne (le Luxembourg est alors espagnol) et la France. Peut-être la famille venait-elle d’Alsace où une famille Nasse donna de nombreux prêtres et religieuses à l’Eglise.

J’ai retrouvé 6 frères et soeurs de Claude Nassé dont Lucie, l’aîné qui a épousé un cousin Clouet, et Anne et Elisabeth qui sont venues vivre chez leur frère à Beauzée. Les deux se marieront avec des notaires, l’une à Beauzée, l’autre à Verdun.

C’est donc une famille dont les origines, les activités, la fortune et les relations l’apparentent à la moyenne bourgeoisie, c’est-à-dire le milieu qui donne, avec les coqs de village, le plus de prêtres au XVIIIe siècle. C’est en effet une promotion sociale pour le jeune homme qui entre dans les Ordres et un moyen, pour le reste de la famille, de s’appuyer sur lui afin de faire monter d’autres rejetons vers le haut.

1.1.4 - Les études de Claude Nassé.

Enfin, Claude Nassé fait montre dans ses notes de capacités, de beaucoup de réflexion et d’une grande culture. Il a fait des études, sans quoi au XVIIIe siècle il ne pouvait prétendre à un bénéfice. On trouve, en effet, à l’époque, chez les curés meusiens, un certain nombre de prêtre, bien sûr licenciés en théologie, en droit canon et même en droit civil, mais aussi docteur. Plusieurs sont médecins et certains s’intéressent même aux sciences.

Hélas, rien dans les sources ne permet de reconstituer le cursus scolaire de Claude Nassé. Quand on regarde de près le processus de sélection des prêtres du diocèse de Verdun, on se rend compte que certaines paroisse intra muros de Verdun servaient de lieu de stage, comme vicaire, aux jeunes prometteurs repérés quelques années plus tôt au séminaire ou parmi les nombreux chapelains qui oeuvrentsur les autels de la cathédrale (60 prêtres vers 1755).

Enfant, Nassé a pu fréquenter l’école paroissiale, se faire donner des leçons de latin par le curé ou un prêtre habitué à Saint-Pierre l’Angelé, peut-être Mathelin, puis intégrer l’école de la cathédrale avant le collège des Jésuites (Buvignier). De là, peut-être a-t-il poursuivi à l’Université de Pont-à-Mousson voire à Paris. Dans ses papiers, on retrouve un poème rédigé pour le confesseur du roi qui laisserait croire que les deux hommes se connaissaient...
Il possède des notions de droit, c’est sûr et des amis avocats. En revanche, seule une investigation systématique de ses recueils de sermons permettra, mais ce n’est pas encore fait, de cerner sa pensée théologique et peut-être d’en savoir un peu plus sur ses études ! De manière plus certaine, il aurait fréquenté le séminaire de Verdun, lieu où il aurait été remarqué[1]. Or, le fait d’être passé au séminaire est plutôt nouveauté - les séminaires sont une grande création de la Contre-Réforme, celui de Verdun a connu nombre de vicissitudes – et ils permettent une plus grande homogénéité des formations pastorales.

1.2 - Les papiers de Claude Nassé.

Preuve de ses études et de ses goûts, Claude Nassé possédait sans doute une belle bibliothèque puisque l’on conserve encore des ouvrages lui ayant appartenu (à l’époque une grande bibliothèque c’est quelques dizaines de livres, lui semble au-dessus de la moyenne).


Ceux-ci sont illustrés par un riche ex libris au nom de « Claudius Nassé Pastor Balzecus », enrichis d’armoiries « d’azur au lion rempant armée d’un glaive d’argent, une étoile pointée. Couronne comtale et devise : Virtus superior astris ». Le curé de Beauzée n’est pas n’importe qui et la couronne comtale rappelle la protection de l’évêque de Verdun.

Les archives de la Meuse et la bibliothèque d’étude de Verdun conservent l’essentiel de ses écrits restés pour l’essentiel manuscrits :

1.2.1 - Un recueil de statuts synodaux (1735) :

Textes et règlements pris par les évêque de Verdun et qui ont force de loi, ce qui montre qu’il s’est documenté, a pris des notes afin d’arriver en position de force dans son ministère.

1.2.2 - Un Etat de la paroisse de Beauzée :

« Etat de la paroisse de Beauzé dressé le 16 ocotbre 1741
selon l’ordre des rues, le nombre de feux et celui des communiants
avec leur âge et le lieu de leur origine »

1.2.3 - Les recherches sur les fondations de Beauzée (1744) :

Un rapport adressé à l’évêque de Verdun sur l’ensemble des fondations religieuses existantes à Beauzée, avec ce qu’elles rapportent et coûtent la paroisse, avec des proposition pour ajuster recettes et dépenses. En fait c’est un business plan pour une bonne administration financière de la cure.

1.2.4 - Une dissertation sur le bourg de Beauzée et notes chronologiques de 1634 à 1742 (1747) :

En fait une étude historique réalisée selon les canon de l’époque (mauristes), peut-être afin d’être envoyée à son ami Dom Calmet qui prépare une description de la Lorraine.

Or, lorsque cet ouvrage paraîtra, Nassé sera crédité par le religieux vosgien, né en fait à Menil-la-Horgne[2]. A la page 97, on trouve en effet la note 1 qui mentionne un mémoire fourni par monsieur Claude Nassé, curé de Bauzey le 18 août 1747.


1.2.5 - Un abrégé des actes paroissiaux avec des notes curieuses :

Une sorte de chronique de la vie quotidienne à Beauzée comme les curés aiment à en tenir, compléter par l’examen systématique des notes laissées par ses prédécesseurs.

1.2.6 - Ses prières, sermons et avis :

15 volumes de prônes répartis en 520 sujets, recopiés soigneusement et mis en ordre afin de constituer une oeuvre cohérente.

Beaucoup de prêtre érudits ou consciencieux nous ont laissé qui une notice historique, qui des sermons, qui des comptes, mais une telle quantité de notes c’est rare voire unique et cela représente des milliers de pages.

Mieux, il y a un réel effort de la part de Claude Nassé pour en faire un tout ordonné. Ce n’est pas des papiers épars accumulés pendant une longue vie mais quelque chose de systématique. Il avait d’ailleurs prévu que l’oeuvre soit continuée, ce qui a été effectivement le cas pas ses successeurs jusqu’à la Révolution. Les documents de travail, notamment le dénombrement des habitants, ont ainsi été tenus à jour.
II - Beauzée à l’arrivée de Claude Nassé : Connaître sa paroisse.

Grâce aux notes de Claude Nassé nous pouvons savoir à quoi ressemble la population de Beauzée vers 1740, ce qui n’est en général pas évident. Beauzée c’est une ville. En tout cas, c’est ce que nous allons découvrir aux détours des notes du curé, et pour nous situer, nous prendrons comme référence le plus ancien plan connu de Beauzée, dressé seulement en 1836.


Le prêtre est allé dans chaque maison, rue par rue, afin de noter le nom et le prénom des habitants, la profession du chef de famille, la date de naissance des personnes et donc leur âge (vérifié à partir de ses registres : en fait l’immense majorité connaît sa date de naissance et le curé ne corrige qu’une seule date) voire la localité d’origine.

Apparemment, tout le monde se laisse faire alors que lors des recensements réalisés par la force publique, souvent pour des raisons fiscales, il y a des heurts. L’autorité du curé doit alors être à son zénith. Il n’a en tout cas pas peur de pénétrer dans l’intimité des foyers. Attention, c’est lui qui écrit, nous n’avons pas le témoignage des habitants.

(Plan de 1836 et les numéros : décrire)

Il commence rue de la Rigolle, puis rue entre les deux ponts, continue derrière le Moulin, la petite rue, la grande rue, la rue de la Tour, la rue de l’Eglise, la rue de la Halle, sur la Rivière, de nouveau rue de la Halle, rue d’Evres, rue Bergne, , rue de Froidcul, rue des Closyeux, rue de Tirache avant de finir par la papeterie qui forme un quartier à part et d’aller continuer son oeuvre à Amblaincourt qui dépend aussi de la cure de Beauzée.

Ce recensement est avant tout une action religieuse, c’est ce qu’on appelle un livre d’âmes, un document chargé d’aider le curé dans son travail pastoral qui consiste avant tout, ne l’oublions pas, à sauver ses oyes et à les conduire au paradis !

2.1 - Carte d’identité du village et de ses habitants.

On trouve un certain nombre de noms qui existent toujours à Beauzée ou dans les villages alentours mais aussi des noms disparus depuis longtemps : il y a 11 générations d’écart avec nous !


Ainsi, Rue de la Rigolle, trouvons-nous Jean Le Lorrain, 46 ans, tissier, et sa femme Marie Paul, 39 ans puis Jean Collinet, 61 ans, vigneron, sa femme Elisabeth Mentrel, 42 ans, et leur fille Jeanne, 14 ans. Viennent ensuite les 17 autres familles de la rue : Lecomte, Poupart, Gervaise, Renauld, Chaudron, Humblot, Millet, Otenin, Feunette etc…

2.1.1 - Peu de prénoms : (cf. Tableau des prénoms)

Les Meusiens d’Ancien Régime, comme les Français en général, usent peu de prénoms différents : 21 pour les hommes de Beauzée en 1741, seulement 14 pour les femmes. Et encore, 4 prénoms concentrent 71 % des individus masculins et 65 des individus féminins. Ceux-ci sont sans surprise : Marie (22 %), Jeanne, Barbe et Anne. Pour les hommes, si Jean et François sont importants, 20 % et 13 %, l’appartenance à la Lorraine explique la large domination de Nicolas (29 % des hommes de Beauzée) et de Claude.


2.1.2 - Un curé sociologue : la pédagogie du semblable au semblable.

L’âge moyen est de 39 ans sachant que les plus jeunes des habitants n’ont pas été comptés. Pourquoi connaître l’âge des habitants ? parce que l’action du curé et sa pastorale vont être différenciées selon le public. Au début du XVIIe siècle, le modèle des prêtres lorrains, Saint-Pierre Fourier, curé de Mattaincourt dans les Vosges, dont on vante alors l’exemple dans les séminaires, avait classé ses paroissiens en plusieurs catégories, selon l’âge, le sexe ou la profession mais aussi le degré d’avancement dans la foi, afin de bien spécialiser son approche. C’est une stratégie initiée par les Jésuites, lesquels ont joué un grand rôle dans la formation des prêtres, soit à l’Université de Pont-à-Mousson, soit dans les séminaires. Peut-être la méthode rigoureuse de Claude Nassé vient-elle de là, c’est la pédagogie du semblable au semblable.

2.1.3 - Stabiliser la population.

Les curés de la Contre-Réforme aspirent également à la stabilité de la population qui leur est confiée. Sinon comment surveiller et influencer des gens qui bougent sans cesse. Aussi est-il interdit de se confesser, ce que l’on fait une seule fois par an et à Pâques, ailleurs qu’à son curé. Mais, en bonne logique, le prêtre doit s’informer de l’origine des « étrangers » et du lieu de résidence de ceux de ses paroissiens qui sont en déplacement.

C’est d’ailleurs une obligation pour les mariages, la République en a hérité via la publication des bans, afin d’éviter tout risque de bigamie : certains se souviennent peut-être du film écrit par Claude Carrière et Alain Vigne, Le retour de Martin Guere, avec Alain Depardieu et Nathalie Baye.

La région qui a été saignée à blanc au siècle précédent et qui a encore connu des troubles au début du XVIIIe siècle a en effet eu besoin de sang neuf.

Or, plus d’un quart des habitants ne sont pas natifs de la localité : 22 % viennent d’un village voisin et 6 % sont extérieurs à l’environnement meusien ce qui montre que l’on bouge alors plus qu’on ne l’a dit. Par exemple, 28 personnes viennent de Pretz, 11 de Deuxnould, 6 de Varennes etc.

Cependant, il s’agit en majorité d’hommes qui sont venus se marier ici. Mais il y a le cas de couples, voire de familles entières originaires de l’extérieur. Elizabeth Mentrel, qui a 42 ans, est née le 15 août 1698 à Arney à la frontière des Flandres. Le couple formé par François Mathelin, un simple cordonnier de 40 ans, et Jeanne Phélis viennent eux de Lille. Enfin, Pancrace Vial, qui habite avec sa femme et sa fille rue Bergne, est né en 1675 dans le diocèse de Genève.

2.1.4 - Mobilité saisonnière.

On n’oublie pas ceux qui sont en déplacement à l’extérieur, ce qui est le cas des marchands mais aussi de travailleurs saisonniers partis s’employer en dehors de la ville, voire d’individus qui ont eu la malchance d’être recruté pour l’armée. Une cinquantaine d’hommes sont ainsi hors du village en 1741 : presque 1/6 des adultes. Le papetier, il y a alors une papeterie à Beauzée, Alexandre Wimbé, est à Paris, sans doute pour ses affaires. Jean Hurel, un marchand né à Bar-le-Duc, est à Verdun, pour son commerce. Mais la plupart des absents sont des vignerons ou des petits artisans que l’on retrouve à Bullainville, à Varennes, à Clermond etc. L’Argonne est alors traversée par des flux de personnes, d’artisans notamment qui vont d’un village à l’autre au grès des besoins. On a d’ailleurs vu apparaître des confréries religieuses, par exemple à Halles, qui ont pour but de réunir les familles afin de prier pour les absents. C’est une manière comme une autre de maintenir, même symboliquement, l’unité de la communauté.

Cependant, il y a des cas un peu particuliers. Une quinzaine d’hommes sont marqués comme étant sur le Rhin, à Strasbourg, en Bohême, devant la place de Bergopzom (une ville de Hongrie) ou bien en Flandres, à Tongres ou à Tournay. Il s’agit donc là de soldats ou bien de professionnels qui assurent la logistique des armées royales : maréchaux-ferrants, charrons, conducteur etc. La France vient en effet de s’engager dans la guerre de succession d’Autriche et les localités citées plus haut sont sur les différents fronts ou au moins les frontières de la France. Or, Beauzée n’est pas en Lorraine mais dans l’évêché de Verdun, donc en France.

2.2 - Les feux : des familles qui ne sont pas pléthoriques.

Claude Nassé compte 656 habitants (727 avec Amblaincourt) mais rappelons qu’il n’est intéressé que par ceux qui ont fait leur première communion, manque donc les plus jeunes. La population est répartie en 232 feux (ou 257).

Les chiffres donnés par le curé sont-ils fiables ? Ils correspondent en tout cas à ceux relevés à divers moment du XVIIIe siècle dans des enquêtes. Saugrain en 1720 comptait 226 feux sur Beauzée contre 250 en 1726 et 260 en 1774. A la Révolution, il y avait 820 habitants. Les données de 1741 paraissent coller.

2.2.1 - Problème d’évaluation.

La plupart des recensements d’Ancien Régime se contentent en effet de relever le nombre de feux, grosso modo de ménages, même si le feu est avant tout une unité fiscale. Mais parfois, le feu est aussi un nombre d’habitants déterminé et un ménage sera par exemple compté comme valant 1 feu et demi.

J’imagine les maires qui sont ici ainsi que le président de la Codecom calculant le budget de l’année prochaine à partir d’un tel système. Aussi, le fait que Claude Nassé soit allé dans chaque maison permet de calculer un ratio et de savoir ce que vaut concrètement un feu. Or, le rapport n’est pas le même d’un rue à l’autre, ce qui peut signifier que certaines parties du village sont plus peuplées que d’autres, qu’il y a plus d’adultes peut-être pour des raisons professionnelles : on verra qu’il y a beaucoup d’artisans à Beauzée. Le ratio n’est que de 2,14 rue de la Tour, 2,61 rue d’Evres contre 3 rue Sur la Rivière ou 4,50 rue Entre les deux ponts.

2.2.2 - Plus d’hommes que de femmes.

De même, et cette information tend à confirmer l’hypothèse précédente, le sex-ratio (c’est-à-dire le rapport hommes-femmes) n’est pas le même selon les rues, les femmes étant en général un peu plus nombreuses. Mais là où la taille des foyers est plus grande, les hommes arrivent à parité. Rappelons que beaucoup d’hommes, surtout en Argonne, partaient s’employer à l’extérieur notamment dans l’agriculture au sein de localité de moindre importance. Les familles plus grandes sont donc sans doute celles des laboureurs et des d’artisans d’une certain aisance qui assurent à tous leurs rejetons à emploi sur place ou qui ont besoin d ‘eux pour les travaux.

2.2.3 - Des familles nucléaires.

En tout cas, même en rajoutant 1, 2 voire même 3 enfants, l’examen des registres de baptêmes et hélas aussi de décès le confirment, il n’y à pas de familles pléthoriques.

En réalité, ce qui domine, c’est la famille nucléaire, parents et enfants, et non, pas la famille patriarcale qui voit plusieurs générations et les branches collatérales cohabiter sous le même toit.

De même, il y plus de 8 % des foyers qui sont composés d’une personne seule, vieux garçon ou femme âgé, ce qui relativise ce que l’on croit souvent savoir sur la solidarité intergénérationnelle de l’Ancien Régime.

2.3 - La dure question du mariage.

Comme tout curé et comme on peut le voir dans le registre des mariages exposé ce soir (ainsi que sur la plaquette des conférences), Claude Nassé note les unions dans ces registres. Mais le mariage n’est pas qu’une cérémonie, c’est un acte social qui a une importance primordiale dans la communauté.

Or, le prêtre ne s’est d’ailleurs pas contenté de tenir à jour son catalogue des cérémonies, depuis son arrivée en 1735 jusqu’à sa mort en 1773, il a réalisé un résumé des actes enregistrés depuis 1660 ainsi que des statistiques. C’est la preuve qu’il existe chez lui une réelle volonté de connaître sa paroisse, ceci avec une méthode qui est proche de la sociologie. Car bien entendu, derrière les chiffres, il y a des pratiques, des usages, que le prêtre peut vouloir décourager ou favoriser.

2.3.1 - Mariage tardif.

(Graph : âge au mariage h/f)

Prenons l’exemple de l’âge au premier mariage, le divorce n’existe pas et nous ne comptons pas les veufs qui se remarient. Au milieu du XVIIe siècle, les filles convolent en moyenne entre 22 et 23 ans et les hommes vers 24 ans. Cet âge tend à s’élever de plus en plus à la fin du siècle puis au cours de l’époque suivante pour monter respectivement à près de 28 ans et 30 ans en 1770. A la Révolution, Nassé est mort mais son successeur tient les statistiques à jour : l’âge des filles au mariage baisse pour revenir à 24 ans mais celui des hommes continue de s’accroître.

Autant le dire tout de suite, le mariage d’amour n’est pas la règle, c’est d’abord une entente entre les familles. Tout un processus de rencontres surveillées, de sélection des fiancés possibles via les associations de jeunesses, d’admission aux veillés, existe. Mais en fin de compte, c’est la famille qui décide, avant tout en fonction d’une réflexion économique : la capacité à fonder ou pas un foyer et l’intérêt du clan. Or, l’espérance de vie s’est beaucoup allongée entre les désastres de la guerre de Trente ans (vers 1630-1660), qui ont vu les villages de la région perdre les deux tiers de leurs habitants. Pendant 20 ans, Pierrefitte fut par exemple complètement vidé.

Le siècle des Lumières qui connaît en revanche une grosse croissance démographique, ce que les démographes appellent une récupération. Au début, il est facile de se marier car les parents meurent vite et il y a toujours de la terre ou un atelier de disponible. Mais avec la reconstruction, les problèmes commencent à se poser. Les cadets sont gênés pour se marier, condamnés souvent au célibat définitif et ceux qui peuvent convoler doivent attendre de plus en plus. Le mariage tardif a un autre avantage : c’est un mode naturel de contraception.

2.3.2 - Limitation des naissances.

La règle veut qu’une femme mette au monde un enfant tous les 2 ans ou 2 ans et demi entre son mariage et 45 ans en moyenne. Un sur deux n’arrive pas à l’age adulte, mais cela fait tout de même beaucoup. Alors bien sûr, de sinistres secrets, pour reprendre la formule d’un collègue de Claude Nassé, sont arrivés dans les campagnes au XVIIIe siècle, c’est-à-dire des méthodes contraceptives, essentiellement ce que les théologiens et les médecins appellent en latin le coïtus interruptus.

L’examen des statistiques de naissances permet assez facilement de se rendre compte si les habitants limitaient ou pas leurs naissances. Nul doute que Claude Nassé étaient capables de lire ces chiffres et de les interpréter. Mais un autre moyen existait et un moyen contre lequel le curé ne pouvait rien : se marier tardivement, au moment d’ailleurs où la fécondité naturelle des femmes (plus courte qu’aujourd’hui puisque la puberté était plus tardive et la ménopause plus précoce) commençait à baisser.

Les curés se félicitent aussi d’un mariage plus tardif qui permet un peu mieux de respecter la volonté des femmes, un fait sur lequel le Concile de Trente : 1548-1563 a fortement appuyé.

Ce qui a été dit pour Beauzée est corroboré dans l’ensemble des villages meusiens, il s’agit ici de tendances générales. Or, on assiste au même moment, surtout après 1730 qui marque la fin de la Reconstruction, à une forte poussée des naissances illégitimes. Aussi, les prêtres y sont-ils très attentifs. Il faut en effet attendre plus longtemps le droit d’avoir une sexualité légale dans le cadre du mariage.

Avec l’accord des habitants, on voit donc fleurir un peu partout des associations de filles, des confréries de la Vierge ou d’Enfants de Marie, chargées d’encadrer et de surveiller les filles de la première communion jusqu’au mariage. On va même, dans le même but, créer des écoles de filles dans la plupart des villages meusiens. Cela explique pourquoi la Lorraine se trouve tellement en avance en matière d’instruction au moment de la Révolution. Claude Nassé est bien sûr en pointe dans ce domaine mais il ne s’agit pas d’instruction pour l’instruction mais d’un but avant tout moral.

2.3.3 - Naissances illégitimes.

Or, le curé doit faire attention car Beauzée est fréquemment choisi comme lieu de résidence des troupes royales. En 1746, selon le témoignage de Claude Nassé qui relate l’évènement, le régiment de la Marche vient y prendre ses quartiers de janvier à avril : à savoir 11 compagnies et l’Etat-Major à Beauzée, 1 à Amblaincourt, 5 à Neuville. Certes, le curé témoigne de la sagesse et du comportement exemplaire des officiers qui ont réussi à tenir leurs hommes et même à les conduire à l’église (ce qui semble prouver que le curé a fait ce qu’il a pu pour limiter les dégâts) mais la réalité due être moins idéale. Les soldats logent en effet chez l’habitant. A Saint-Mihiel où deux régiments sont stationnés, l’un d’infanterie, l’autre de cavalerie, les soldats apparaissent pour plus de la moitié des fautifs dans les dénonciations pour naissances illégitimes, surtout les cavaliers d’ailleurs. L’épreuve a donc du être rude pour notre curé mais on connaît sa détermination et son énergie à tout surveiller.

2.4 - Le calendrier des conceptions à Beauzée.

(Graph des conceptions)

Or, on peut retracer la chronologie des conceptions. Les notes prises par Claude Nassé en 1741 permettent de réaliser le graphique que voici : la répartition des naissances entre les 12 mois de l’année. On voit que les maximums sont atteints en hiver et au début du printemps et les minimums en été, au moment des gros travaux. Nos ancêtres gèrent donc les naissances en fonctions du calendrier agricole.

Mais plus intéressant, en décalant nos barres de 9 mois en arrière, on peut retrouver les dates de conception : les minimums sont atteints en mai et en août, les mois de la Vierge. Un relatif respect entoure en effet ces temps que l’on dit clos. En revanche, le carême et l’avent ne montrent pas de baisse significative, ce qui prouve que les mentalités sont déjà en train de changer et de s’émanciper un peu des consignes religieuses. C’est une information importante pour un prêtre aussi consciencieux que Claude Nassé.

D’ailleurs, si on construit le même type de graphique pour plusieurs périodes, avant son ministère, pendant et après, on remarque que le curé à réussi à stabiliser voire à faire baisser les conceptions durant les temps clos et que, après sa mort, celles-ci repartent de l’avant. De même, les naissances illégitimes semblent provisoirement enrayées alors qu’elles ont tendance à augmenter fortement dans le diocèse de Verdun (quand je dis fortement, c’est une façon de parler car on part de très bas et le niveau n’a rien à voir avec ce que l’on connaît aujourd’hui : néanmoins, c’est un révélateur que quelque chose change alors dans la société et dans les mentalités).

2.5 - Les professions : pas seulement un métier.

Le curé prend aussi bien soin de noter la profession des chefs de famille, ce qui permet de mieux connaître la société locale mais aussi de caractériser Beauzée : ville ou village ? En effet, ce n’est pas seulement le nombre d’habitants mais aussi les activités qui permettent d’arbitrer entre ces deux dénominations. Bien entendu, même dans un tout petit village, l’agriculture n’est pas le seul secteur d’emploi car il y a énormément d’artisans. A l’inverse, tout le monde est aussi un peu paysan et beaucoup cumulent plusieurs domaines d’activité. On peut néanmoins supposer que le prêtre a noté ce qui était le plus apparent.

2.5.1 - Profession et Capital social.

Claude Nassé repère 257 chefs de famille et il donne une profession pour 222 d’entre eux. Rappelons que la notion de chef de famille est très importante car ces personnes sont régulièrement convoquées à l’assemblée du village, une instance politique relativement démocratique chargée de discuter et parfois de voter les décisions proposées par le conseil municipal. 4 % d’entre eux sont des veuves qui, par la force, des choses peuvent siéger comme un homme. Quelque soit leur moyen de subsistance, leur profession c’est donc d’être veuve. De même, un noble est d’abord qualifié de noble. C’est une notion importante car la profession est d’abord un signe social, un moyen de se situer dans le village, par rapport aux autres mais aussi par rapport aux semblables.

Dans l’Ancien Régime, on appartient d’abord à un groupe : clan familial, groupe d’âge ou métier. Le groupe se retrouve à l’église pour certaines cérémonies particulières, pour honorer un saint patron par exemple, et fréquemment au sein d’une association religieuse à laquelle on n’adhère pas, on en fait automatiquement partie. Or, les rapports sociaux passent obligatoirement pas ces groupes qui canalisent les tensions, les violences voire les arrangements. Et à toutes ces étapes, qui trouvons nous : le curé qui a donc de bonnes raisons de se tenir au courant.

2.5.2 – Les secteurs d’emplois.

Seulement 40 % des chefs de familles appartiennent au secteur primaire, c’est-à-dire à l’agriculture : 13 % sont laboureurs (29), 26 % vignerons (58) et 1 % fruitiers. Les laboureurs sont une des caractéristiques de la Lorraine qui comporte, contrairement au sud ou à l’ouest du royaume, grandes régions de métayage, une proportion assez forte de propriétaires exploitants. En règle général, ils détiennent aussi un attelage et une charrue mais tous, loin s’en faut, ne sont pas des coqs de village. Le reste des agriculteurs est formé de manouvriers qui, s’ils possèdent en général leur maison, n’ont pas assez de terres, ni de train de culture et sont voués à se louer chez les premiers. Ici, le terme de vignerons (58 hommes) ne doit pas nous induire en erreur. Nous ne sommes pas en pays de Beaune, ni même en Champagne. Se sont tout simplement des ouvriers agricoles qui ne travaillent d’ailleurs pas exclusivement dans les vignes. Mais on fait tout de même du vin à Beauzée.

Le secteur secondaire, c’est-à-dire artisanal, est le plus fourni avec 43 % des chefs de familles : 26 travaillent le cuir, 25 le textile, 16 le bois, 13 le fer etc. On trouve ainsi 16 cordonniers et 12 tisserands ce qui place Beauzée bien au dessus d’un simple village et prouve que nous sommes bien en ville.

Enfin, 14 % des gens relèvent des services, du commerce et de ce que nous appelons aujourd’hui les professions libérales. Il y a 12 commerçants dont 3 cabaretiers : il existe donc trois débits de boisson à Beauzée. S’il n’y a pas de médecin, ceux-ci sont rares hors des grandes villes, il s’y trouve 2 chirurgiens, ce qui est alors profession bien séparée et inférieure à la médecine. Enfin, Claude Nassé compte 9 scribes, juristes ou personnels administratifs : donc des fonctionnaires.

III - Faire la cité de Dieu sur terre : de l’ordre dans la paroisse.

Bien connaître sa paroisse permet au curé d’y agir plus efficacement. Une bonne paroisse, c’est d'une paroisse bien organisée, bien ordonnée : en fait la cité de Dieu incarnée su terre, une image du paradis terrestre.

Dans le village, tous les espaces ne se valent pas car ils sont inégalement touchés par le Sacré. Or, la sacralité du territoire atteint son maximum dans l’église, au maître autel, à proximité duquel les notables veulent se faire inhumer, et qui est enrichi de reliques. Le Sacré va donc en diminution du dedans vers le dehors, le cimetière qui entoure l’église, les premières rues, le village, les jardins et les vergers qui l’entourent, les champs dont on fait le tour en procession lors des rogations puis les confins marqués par des croix. Le Beauzée va donc s’abord s’intéresser à l’église avant que son regard ne s’en écarte progressivement.
3.1 - L’église de Beauzée.

On sait qu’encore dans les années 1730, les églises mises à mal par la guerre de Trente ans puis les ruines contemporaines de Louis XIV n’avaient pas encore été toutes refaites. A l’inverse la croissance démographique rendait certains bâtiments trop petits. C’était alors le cas à Sampigny dont l’église fut agrandie de plusieurs travées.

Sur ses revenus propres, Claude Nassé fit donc refaire bans, stalles, chaire ainsi que les boiseries du coeur. On sait qu’après avoir mis de l’ordre dans les finances de la fabrique, qu’il fit racheter des linges sacerdotaux et un nouvel ostensoir, ce que l’on appelait alors un soleil.

3.2 - Autour de l’Eglise.

Il s’attaqua ensuite à la réfection de la sacristie puis de l’extérieur de l’église. Le portail porte encore une date qui témoigne de ces rénovations. On comprend donc que l’auteur de son portrait y est tracé l’esquisse de l’église de Beauzée.


Un des premiers accrochages avec les habitants concerne le cimetière qui été alors mal entretenu et ouvert à tout vent. Un cimetière d’Ancien Régime c’est un espace de réunion, un lieu de rencontre pour les couples illégitimes et des pâturages pour le bétail. Pour le curé, c’est un espace sacré qui doit être fermé, séparé du reste du village par une enceinte qui empêche aux animaux d’entrer et qui montre aux fidèles qui y pénètrent qu’ils entrent dans un autre monde, un espace intermédiaire entre le monde profane et l’église, entre ce monde et l’autre. Mais la coutume veut que se soient les habitants qui financent l’entretien. Sans y mettre les formes, Claude Nassé rappelle donc aux fidèles leurs obligations.

Eglise de Couvonges – Mur sud.

Le cimetière est réservé aux plus modestes mais il n’y a pas de tombes marquées, ni même souvent de croix. Chaque famille à un espace réservé, plus ou moins loin du mur de l’église, car la géographie du cimetière reproduit les hiérarchies sociales du village. Des dessins sur le mur, des croix pointées, quelques symboles, ce que le père Bonnet a appelé le patois des croix, permettent à chacun de repérer le lieu d’inhumation de ses proches. Mais cela aussi çà ne plait pas au nouveau curé.

3.3 – Un curé manager.

Après le matériel et avant le moral, le financier. Le curé se doit d’être un bon manager et un comptable. En 1744, Claude Nassé rédige un gros ouvrage de plus de 552 pages, resté à l’état de manuscrit et aujourd’hui déposé à la bibliothèque de Verdun. Il y présente l’état de sa paroisse à son arrivée et le bilan de son action afin de se justifier. Il semble en effet que les tensions se multiplient alors autour lui[3]. L’ouvrage est présenté à la façon d’une revue militaire de façon à faire comprendre au prélat le sens de son projet. Il n’hésite d’ailleurs pas à rappeler que sa façon de faire aurait été directement inspirée par l’évêque :

« Si votre excellence daigne les lire et ordonner, elle n’y trouvera rien d’hasardé : le motif qui l’a engagé a m’en suggérer le dessein y regne partout sans aucun mélange de veües particulieres d’interest ou de commodité, j’entens cet amour du bon ordre, toujours alligné sur l’équité. »[4]

3.3.1 – Une paroisse sinistrée.

Il n’en reste pas moins que Beauzée serait, en 1735, une paroisse sinistrée. La reconstruction matérielle de la fin du XVIIe siècle a été mise à mal par le passage du baron de « Grouvestein » en 1712[5]. Pour Claude Nassé, le plus scandaleux dans cet épisode militaire de la guerre de succession d’Espagne est d’ailleurs le sac du presbytère plutôt que la misère des habitants.

Pire, la fabrique fut ruinée « au mois d’octobre 1720 de triste mémoire (...) par le sisteme de milord Law des billets de la banque ». Il semble que la paroisse avait placé, comme nombre de particuliers, l’essentiel de ses fonds en actions et que, pour cela, on avait vendu des biens-fonds avec l’accord d’un curé aventureux. La paroisse « essuya des pertes considerables »[6]. Claude Nassé se trouve donc devant la nécessité de rétablir la situation en menant une politique d’ajustements structurels. Il commence par identifier les causes du déficit :

« Les fondations d’anniversaires pour les deffunts et d’autres prieres à perpetuité devoient enrichir la fabrique. Elles seroient une ressource favorable pour reparer, decorer et entretenir les Eglises dans un état convenable de propreté, si les particuliers qui les font et les Ecclesiastiques qui les recoivent songeroient moins à leurs interests, les uns donnans toujours contens à cause de la retribution qu’ils en retirent, on ne consulte point les superieurs, qui n’agréeroient aucune fondation, que lors qu’il y trouveroient un avantage reel et certain pour la fabrique, avec la sage précaution d’actes revetus de toutes leurs formalités pour prévenir les recherches des Receveurs des droits Roïaux. »[7]

Le problème ce sont donc les fondations. Il y a parfois très longtemps, des fidèles ont donné un bien ou une somme d’argent afin que soit célébrer a perpétuité une messe de souvenir. Même quand ces biens ont disparu ou que, suite à l’inflation, il ne rapporte plus guère, le service demeure. La solution proposée par Claude Nassé consiste à inverser la relation existante entre le curé et ses paroissiens. Les offices fondés ne sont pas un service rendu aux fidèles mais d’abord un moyen de financer la fabrique, c’est-à-dire l’institution qui gère la paroisse. Au curé, donc, le droit de réorganiser les messes fondées, de les regrouper ou de les supprimer purement et simplement.

Néanmoins, le curé de Beauzée identifie d’autres causes qui toutes entraînent une diminution de revenu, sans baisse de charge : le peu de soin de ces prédécesseurs, la perte des actes qui empêche de vérifier les obligations voir d’ester en justice ou les aliénations non autorisées réalisées après 1720 en faveur de particuliers et à « vil prix ». Il stigmatise aussi « l’avarice des fabriciens plus attachés à faire leurs petits profits, qu’à s’acquitter fidelement des devoirs de leur employ... »

Il ne se contente pas de l’écrire, il le dit aux intéressés. Rappelons que les fabriciens sont des habitants élus par leurs pairs et chargé de gérer, sous le contrôle du curé, les finances de la paroisse. Tout ceci oblige à avoir recours aux décimateurs pour les réparations, « ce qui est toujours bien disgracieux et de peu de fruit, et tend a la ruine des Eglises et de la piete des peuples, qui pour se soutenir a besoin de toute la maïesté du service divin ». Comme le roi, la paroisse doit vivre « du sien », de ses revenus propres, et toutes les ressources disponibles doivent être concentrées afin de financer son culte.

Le premier devoir d’un curé dans cette situation est de mettre de l’ordre dans la gestion de la paroisse. Or, un bon prêtre de campagne, c’est un curé comptable. Claude Nassé énumère donc les critères et les moyens pour « établir des comptes bien réglés ». Depuis la fin du XVIIe siècle, les évêques de la région, celui de Toul notamment, ont publié de véritables plans comptables afin de servir de support à leurs curés. Il s’agit d’abord de détailler bien et de manière séparé « l’ordre des hypoteques, l’Employ des biens fonds dans les differens tems, l’origine des charges ordinaires et extraordinaires ». Une comptabilité bien tenue permet de comprendre le fonctionnement de la paroisse et d’orienter les décisions du curé.

3.3.2 – Une méthode digne d’un bénédictin.

Pour ce faire, le desservant de Beauzée a fait des recherches afin de pouvoir statuer sur les fondations anciennes. Sur les conseils d’amis, peut-être de Dom Calmet, il a compilé les documents écrits et interrogé les témoins : « J’ay crû pouvoir y suppleer par les temoignages des anciens. » Le produit de cette enquête consiste dans le rapport de plus de 500 pages adressé à l’évêque de Verdun courant 1744.
Claude Nassé remarque notamment la confusion entretenue par ses prédécesseurs entre la fabrique et les confréries qui fournissent aux fidèles, notamment aux corps de métier, une sorte de culte privé. Mais ce mélange des genres rend invisible le coût réel des associations pour la paroisse qui paye plus qu’elle ne touche. Une quinzaine de compagnies religieuses existent d’ailleurs dans le village[8]. Chaque fraternité est présentée successivement selon quatre points : les obligations de la paroisse envers elle, les observations personnelles du curé, une copie des actes notariés donc les « preuves », enfin les décisions que le curé attend de l’évêché. Dans la majorité des cas, livres de droit à l’appui, il va donc contester la légalité de ses associations. Demander leur suppression lorsqu’elles ne disposent pas d’un patrimoine suffisant ou au moins établir un receveur distinct afin de vérifier qu’il « n’en coûte rien à la paroisse ».

En revanche, il soutient ses propres oeuvres, les sociétés des Quarante heures et de l’Adoration perpétuelle n’ont aucune recette, mais ceci est justifié car il s’agit d’une création directe de la paroisse afin de « renouveler les consciences ». Ceci prouve que le but de la réforme prônée par le jeune curé de Beauzée ne concerne pas seulement un ajustement des dépenses aux recettes, mais correspond à un projet bien plus élaboré.

3.3.3 – La fabrique va-t-elle si mal ?

A l’étude, on peut légitimement se demander si la paroisse va aussi mal que ne le dit le curé. Certes, les revenus ne sont pas gigantesques mais ils montent, tout de même, à 528 livres tournois pour 360 de dépense en 1741-1742. Elle n’est même pas en déficit. Tout ceci serait-il donc un prétexte ?

Le budget de la fabrique de Beauzée (1742-1743)

Recette
Dépense


Revenu du patrimoine foncier = 243 & 7 ‘
Honoraires du curé = 158 & 16 ‘
Cens = 1 & 17 ‘
Honoraires du maître d’école = 46 & 13 ‘
Rentes sur un capital de 6760 & = 283 & 6 ‘
Honoraires des 4 chantres = 17 &

Cire et aumônes publiques = selon ce qu’il reste

Dépenses extraordinaires = 170 &


Total = 528 & 10 ‘
Total = 360 &
Sources : B.M.V. Ms 893.

Depuis 1735, les dépenses extraordinaires, c’est-à-dire l’investissement, sont passées de 75 à 170 livres et le budget est excédentaire de 46 %. Mieux, vingt ans après l’affaire « des billets de banque », la fabrique dispose d’un capital placé de 6670 livres. La paroisse peut donc payer son ordinaire et assumer les nombreuses fondations. Cependant, les excédents de fonctionnement ne sont pas suffisants pour investir c’est-à-dire pour financer le programme voulu par Claude Nassé.

3.3.4 – Les projets successifs.

Entre 1735 et 1743, le dit curé a employé 3000 livres « sans toucher aux fonds, en ménageant l’épargne et sans appel extérieur » - gestion qui rendrait jaloux nos modernes ministres de l’économie - afin de financer « l’achat de bancs uniformes en bois plein pour l’église, une chaire à prêcher, 26 formes en sculpture pour le choeur, 6 chasubles, quantité de beau linge, des vaisseaux d’argent pour les saintes huiles et de nombreuses réparations ».

En 1738, il a également supprimé les processions de saint Sébastien et du Saint-Sacrement ramenées à une exposition de l’Eucharistie au grand autel, de même qu’il supprime les cérémonies célébrées sur des autels particuliers voire des chapelles extérieures. Pourquoi, en effet, continuer d’encourager des dévotions extérieures au culte de l’église paroissiale, dans les deux sens du terme, alors que l’on fait de gros efforts de rénovation de celle-ci ? Il faut ramener tout et tout le monde dans l’église et au maître autel.

Son mémoire de 1744 demeure néanmoins modéré, visiblement parce que le vicaire général s’est montré peu enclin à approuver une politique aussi radicale. Claude Nassé demande donc seulement une réduction des obligations de la paroisse vis-à-vis des confréries. En 1748, suite à sa demande, le vicaire général du diocèse de Verdun s’attela à la vérification des 101 anniversaires fondés par les sociétés du bourg. Le mémoire lui revint annoté avec mention de la décision de l’ordinaire pour chacun d’eux.

La réforme des services fondés par les confréries de Beauzée (1748).

Décision
Nombre d’anniversaires
En %



Homologation
52
51,4 %
Réduction
34
33,7 %
Suppression
14
13,8 %
Réunion
1
1,1 %



Total
101
100 %
Source : B.M.V. Ms 893.

L’évêché de Verdun ne le suit donc pas dans cette politique. D’ailleurs, si l’on s’attache au coût réel supporté par la fabrique, la réforme de 1748 entraîne une baisse de l’ordre du tiers du nombre de messes, soit une diminution de 35 livres des dépenses du luminaire (équivalente à 10 % des bénéfices de 1742). Ce n’est donc pas là une économie substantielle, ce qui prouve que le but du curé était ailleurs ! Il s’agissait de promouvoir le culte central de la paroisse, célébré au maître autel, la messe dominicale notamment et bien sûr les sacrements. C’est une œuvre de recentrage complète de la vie religieuse locale.

3.4 - Structurer et moraliser les habitants.

Ceci réalisé, il peut enfin débuter son action véritable, la justification même sa fonction : sauver les âmes. Le rôle du curé est en effet d’abord un rôle moral, ce que l’on peut voir à travers deux exemples : le ministère de la parole, la surveillance des filles et enfin les écoles.

3.4.1 - Le ministère de la parole.

La première mission du prêtre c’est d’enseigner, c’est le ministère de la parole, et pour cela trois moyens s’offrent à lui. Le prêtre doit prêcher, notamment lors du sermon journalier et du prône dominical. C’est l’occasion d’apporter aux fidèles une connaissance religieuse sans laquelle, le Concile de Trente a été clair, on ne peut plus espérer être sauvé. Claude Nassé semble avoir été très conscient de cette mission car il a conservé le texte de centaines de sermons qu’il recopié et mis en forme afin de constituer une sorte de cycle pastoral en 15 volumes.

Chaque sermon développe un aspect de la vie du Christ et un passage de la Bible mais, bien entendu, le prône est aussi l’occasion pour le prêtre de faire des recommandations en matière morales, en fait, de dire leur fait aux habitants de Beauzée. Ce sera sa perte !



Les faux témoignages proférés contre Jésus lors de son procès permettent au prédicateur de fustiger les chicaneurs à une époque où multiplier les procès participent du rang social. Mais il traite aussi des garçons cordonniers de Beauzée aux extravagances païennes, du jeu, des danses, du cabaret ou d’une femme ayant l’habitude de s’enivrer.

Le catéchisme des enfants et l’existence d’une école complètent utilement, c’est d’ailleurs leur vocation première, le sermon dominical. On comprend que le curé de Beauzée ait tout de suite mise ne marche ces deux importantes institutions.

3.4.2 – Moraliser les filles : « Comme des anges devant le visage de Dieu ».

Dans les notes de Claude Nassé, on trouver la mention suivante à la date du 16 avril 1746, « Jeanne Géminel veuve Hubert Gervaise » a été choisie par les femmes. Le 25 mars 1772, le prêtre note de nouveau le 15 juin 1772, c’est d’ailleurs une de ses dernières mentions, peu de jours avant sa mort, que « Catherine Gervaise femme de Xphe Gaucher, charon, a été élue à la pluralité des voix des femmes et en a prêté serment ». Rien n’indique de quoi il s’agit, tant la chose devait paraître évidente aux contemporains. En fait, il s’agit de la désignation de la sage-femme du village. Nul besoin d’avoir une formation en médecine, l’expérience suffi mais ce n’est pas le plus important.

D’abord Catherine Gervaise est une parente de la première, sa fille sans doute. Puis la candidate est élue par les femmes du village, en règle générale les mères de famille, en tout cas les femmes mariées. L’assemblée des femmes est en quelque sorte le double de l’assemblée des chefs de feu. Se marier, même tardivement, fait vraiment entrer la femme dans l’âge adulte à une époque où même l’homme demeure sous l’autorité du père encore vivant. Aussi, une fille est-elle considérée comme mineure jusqu’à son mariage. La sage-femme a donc une mission extrêmement importante au-delà de l’assistance aux accouchements, un rôle qui participe de la surveillance des filles. C’est pourquoi elle est désignée avec l’aval du curé. C’est lui qui présente la candidate, et une seule, aux votes de ses consoeures.


La société villageoise, où tout le monde se connaît, est ainsi organisée afin de conserver pur ce trésor qu’est la virginité des filles. Tout un système d’auto surveillance est à l’œuvre et dans ce domaine les ambitions du curé rejoignent celles des habitants. Un sermon célèbre de Claude Nassé était tout entier consacré au difficile problème de l’envoi des filles aux pâturages. Les jeunes gens, souvenons nous de Jeanne d’Arc, sont en effet voués à la garde des troupeaux, les filles surtout quant les garçons sont occupés aux labours ou dans les vignes. Attention au loup ! Le curé qui décrit toutes les atteintes aux bonnes mœurs qui attendent les filles, ce qu’elles peuvent entendre, voir ou faire, conseille donc de les envoyer à l’école, là où on pourra mieux les surveiller et où une bonne éducation leur permettra de ne pas succomber aux tentations[9] :

« L’instruction et l’education des enfans sont la fin principale des ecoles chretiennes ; c’est la ou on doit les instruire de leur religion et leur apprendre a vivre chretiennement. On le remarque partout, que les enfans, qui n’ont pas frequente l’ecole sont mal elevez et croupissent toute leur vie dans l’ignorance et le desordre ; devenus peres de famille, ils sont presque toujours le fleau des paroisses par toutes sortes de mauvais debordemens (...). Ils doivent y apprendre a lire et a ecrire, mais encore et principalement a connoitre dieu, a l’aimer, a l’adorer, a le servir, a chanter ses loüanges et a recevoir dignement les sacremens. Peres et meres, c’est surtout dans cet esprit que vous devez envoier vos enfans a l’ecole, afin surtout qu’ils apprennent a prier Dieu. Plusieurs d’entres vous ne les y envoient que pour s’en debarasser, et bien peu (...) se proposent d’en faire de bons chrétiens.»

En même temps qu’elles vont à l’école, les filles entrent dans la confrérie des filles, en gros de la première communion jusqu’au mariage (sur les registres leur nom est alors rayé), lieu où elles sont encadrées par l’institutrice, en général une religieuse, et quelques veuves.


Peut-être une centaine de compagnies de filles fonctionnent au XVIIIe siècle en Meuse du fait de la féminisation de nombreuses confréries plus anciennes (les hommes ont tendance à se retirer), notamment celles qui sont dédiées à la Vierge, à Sainte Anne ou à Sainte Catherine. Mais il est presque impossible d’en dresser une liste exacte. En revanche, une soixantaine d’associations nouvelles sont fondée explicitement pour accueillir les demoiselles. Elles sont inexistantes avant 1686 hors des couvents de femmes mais se multiplient ensuite rapidement.

La moitié de ces associations sont fondées entre 1740 et 1769, justement au moment où la reconstruction s’achève au sein des communautés rurales, où l’âge moyen au mariage tend à s’élever et que les possibilités d’installation se raréfient et que se développe les écoles.

Or, peu de temps après son premier sermon, le curé de Beauzée enfonce le clou avec son style direct et percutant. Il présente l’école du village comme une étable « où le bruit confus et la gêne detruise la modestie » et il accuse les fidèles ne pas s’être « assez remuëz » afin de faire aboutir les projets d’agrandissement des classes. Il faut en effet séparer les sexes :

« Pour conserver les garçons et les filles dans l’innocence, surtout les filles dans la timidité, la pudeur, la retenüe qui en fasse des anges dans vos maisons (...) et des anges devant le trône de Dieu .»

Je crois, monsieur Cazin, que vous savez ce qu’il vous reste à faire dans les cinq écoles de la Codecom.

La confrérie doit être utile. La réponse apportée par les congrégations est donc à la fois sociale et religieuse et c’est la clef de leur succès.

3.4.3 - De la confrérie au réseau d’écoles : les soeurs de Rembercourt.

Ce que l’on ne dit pas assez, c’est que la Lorraine n’a pas attendu Jules Ferry pour détenir, parfois dès le XVIIe siècle, une école par village et donc, à la Révolution, les meilleurs taux d’alphabétisation du Royaume. Or, c’est écoles ont toujours, comme à Beauzée une origine religieuse.


A Rembercourt-au-Pot, deux curés du siècle des Lumières, l’oncle puis le neveu se sont servis d’une association de fille, dédiée à Marie pour restructurer toute leur paroisse[10]. Parallèlement à celle des garçons, qui existait déjà, une école a été fondée pour les jeunes adhérentes. Elle est financée par la compagnie de Charité du village et, en échange, les demoiselles aident à soigner les malades. Volonté des curés d’intervenir dans les localités voisines ou effet de démonstration, certaines associées font carrière et deviennent à leur tour institutrice. Les paroisses voisines imitent le modèle développé à Rembercourt : confrérie + école, ou sollicitent directement l’envoi d’une maîtresse. La confrérie initiale devient donc une sorte d’école normale avant l’heure où les jeunes filles de Rembercourt et celles qui lui sont envoyées de l’extérieure apprennent le métier d’institutrice mais aussi la morale qui sied à ce genre de profession.

Devant l’engouement, le dernier abbé Comus crée finalement une congrégation enseignante dite des « soeurs de Rembercourt ». Mais alors que certaines filles font des vœux, qui les assimilent à des religieuses, d’autres demeurent laïques. Le réseau pourrait être plus vaste que ne le montrent les archives car certaines maîtresses n’ont pu être identifiées qu’à l’occasion de la Révolution[11]. La plupart demeurent d’ailleurs en poste du fait de leur statut laïc ou de leur utilité. Catherine Poupart, qui a seulement pris ses fonctions à Rembercourt en 1790, reste ainsi à la tête de sa classe jusqu’en 1835 formant des générations de fillettes, tant à l’école qu’au sein de la société des demoiselles reconstituée officiellement en 1809. En revanche, la congrégation enseignante est supprimée à la Révolution alors qu’elle était en pleine expansion.

Ces exemples attestent surtout de la force du courant utilitariste au XVIIIe siècle. Les communautés d’habitants, comme les curés d’ailleurs (même s’ils ont une idée derrière la tête) sont d’ailleurs poussées par les autorités à orienter les finances de leurs organisations vers une structure utile.

IV - Les conceptions du curé de Beauzée.

Le curé de Beauzée n’est donc pas isolé, ses projets rejoignent ceux de ces confrères et des courants d’idées assez généraux à l’époque. Mais revenons à lui afin de cerner sa personnalité. Il possède une haute vision de lui-même et de sa mission. Comme il l’écrit dans sa préface, le rôle du prêtre s’organise autour de l’idée d’ordre à laquelle, « dès le tems même » de sa nomination, il s’est « appliqué sérieusement comme à un devoir essentiel ». C’est avant tout un bon curé de campagne. Mais attention au sens à donner à cette expression fort galvaudée. Nos souvenirs d’enfance et la littérature, Balzac ou Restif de la Bretonne, nous présentent des bons prêtres, des bons vivants charitables. Or, ce n’est pas çà le bon curé de campagne du XVIIIe siècle.

4.1 – Un prêtre qui réside instruit et capable !

C’est d’abord quelqu’un d’instruit et de capable. Le Concile de Trente s’était opposé à l’élévation aux Ordres de laïcs n’ayant eu qu’une teinture d’enseignement. Des prêtres baragouinant dans leur barbe un latin sans queue, ni tête, en adoptant si possible un air pénétré voir mystérieux qui en impose aux fidèles.

Ceux-ci se plaignaient d’ailleurs, au Moyen Age et encore au XVIe siècle, au moment de la Réforme protestante, de clercs incultes, ne sachant même pas chanter - or, c’est ce à quoi le public tient le plus – ignorant l’essentiel des cérémonies et surtout des gestes à accomplir – sous l’Ancien Régime, le geste a une vertu magique, c’est donc une tare pour ces prêtres. Une des premières choses que fera Claude Nassé à son arrivée, comme son collègue de Manessy à Troussey, c’est d’ailleurs de créer une chorale. Et, à qui confie-t-on ce chœur ? Au maître d’école bien sûr !

Un curé de paroisse se doit d’avoir fait des études poussées, le nombre de docteurs en droit, en médecine ou en théologie montre les progrès réalisés depuis Nicolas Psaume et, sans conteste, Claude Nassé appartient à cette vague nouvelle.

Le curé doit également avoir reçu une formation professionnelle : Nassé est passé au séminaire et il a fait un long stage comme vicaire à St-Pierre-l’Angelé de Verdun, paroisse qui apparaît vraiment comme une école d’application. Dans certains séminaires, on utilise même des poupées pour apprendre à baptiser correctement. Néanmoins, l’essentiel de la formation est théorique, on apprend à confesser et à régler, au moyen de gros manuels de casuistique, les cas de consciences. L’exemple du curé d’Ars, au XIXe siècle, n’est donc pas une nouveauté.

On comprend pourquoi un prêtre moderne se doit de posséder des livres, ne serait-ce que pour préparer ses sermons. Mais lors des visites de l’évêque, on vérifie que la paroisse est également munie de Rituels, de Graduels, de Psautiers, ouvrages qui seuls permettent de célébrer correctement.

Surtout, le curé doit résider dans paroisse et s’occuper en personne de ses paroissiens et non pas se contenter de toucher son bénéfice et de payer un vicaire remplaçant. Claude Nassé utilisera plusieurs vicaires et il fera venir les capucins de Verdun en mission, mais c’est parce que la tâche est lourde, ce n’est pas pour se défausser et il assume sa charge en personne.


4.2 – Un pasteur, image du Christ sur terre et homme au dessus du peuple chrétien.

Le Concile de Trente a voulu faire du prêtre un homme à part car il est celui qui célèbre l’Eucharistie, le mystère de transsubstantiation au cours duquel le pain et le vin deviennent vraiment - et non pas symboliquement comme le croit les protestants - le corps et le sang du Christ. Il devient donc lui-même, l’image du Christ sur terre.

Il ne peut donc se mélanger au peuple. Aussi, doit-il porter un habit qui le distingue nettement du vulgus pecum : c’est l’ancêtre de la soutane. Claude Nassé devait donc porter cet austère habit noir. S’il gère le patrimoine, il ne peut comme c’était le cas autrefois, participer lui-même, derrière la charrue, aux travaux des champs. En revanche, le jardin de curé est une réalité car jardiner est une activité noble qui s’apparente symboliquement au soin des âmes. Ses loisirs, outre l’étude et le bréviaire, doivent également le distinguer des laïcs. Pas question donc de fréquenter les fêtes populaires, et encore moins le cabaret, c’est-à-dire les débits de boisson du village. Tout, son caractère, sa personne, son apparence, son mode de vie, doivent le placer à part et en surplomb de la société locale.

4.3 – Un monde ordonné.

Un curé est aussi un gestionnaire qui met de l’ordre dans les affaires du presbytère, de la cure, de la paroisse et intervient concrètement dans l’existence des paroissiens, car s’il est en dehors, il lui revient la mission de guider cette communauté.


Cette mission, depuis les débuts de la Contre-Réforme à la fin du XVIe siècle, s’organise autours de la notion d’Ordre. La paroisse est conçue comme une image terrestre du paradis et le curé se doit de faire la cité de Dieu sur terre. Or, les cieux sont ordonnés. Il n’y pas là que des points négatifs. En effet, on reprochait souvent à l’Eglise de promettre un avenir meilleur, dans l’autre monde ! Mais là, c’est sur terre que l’on veut créer une société parfaite, en limitant la violence par exemple, en cherchant des accommodements aux procès ou en réconciliant les ennemis. Claude Nassé semble être ainsi plusieurs fois intervenu pour empêcher des différents privés d’aller au procès. C’était le sujet de plusieurs sermons dont j’ai parlé tout à l’heure.

De même, alors qu’il est lui-même souvent en conflit avec ces paroissiens, il n’este pas en justice. Il se doit néanmoins aussi de protéger ses paroissiens des attaques extérieures. Ainsi, lorsque plusieurs d’entre eux, notamment le tavernier, sont arrêtés et conduits à Reims à la suite du meurtre d’un individu par des contrebandiers, il retourne ciel et terre afin d’obtenir leur acquittement. Il réussi et note soigneusement dans ses carnets les remerciements reçus.

Le projet passe aussi à travers maintes œuvres de charité visent à anticiper sur terre le paradis. Le christianisme social ne commence en effet pas avec Frédéric Ozanam au XIXe siècle mais dès cette époque. Attention, la charité ne vise pas prioritairement à soulager les souffrances de celui qui reçoit des secours : c’est d’abord un moyen pour l’aidant de se sauver lui-même et c’est un moyen pour stabiliser la société et ses tensions. Toujours, la notion d’ordre.

B.M.Nancy 5148 : Le manuel des confreres du S.Rosaire (...)

Or, l’inspiration n’est pas nouvelle dans le diocèse de Verdun. Elle trouve sa source un siècle plus tôt chez un dominicain de Verdun, Thomas le Paige. Le 22 septembre 1630, celui-ci était d’ailleurs venu à Beauzée pour fonder la confrérie du Rosaire dont son couvent détenait alors le monopole. Ce n’est pas un cas unique dans la région, Chardogne comme une douzaine de villages alentours, avait ainsi la sienne depuis quelques temps. Le Rosaire, tout le monde le sait est une prière répétitive et circulaire, forme adoptée par le chapelet. Mais de manière théologique et symbolique, le Rosaire porte aussi un projet de société que Thomas Le Paige a résumé dans un traité publié à la même époque et dédié au duc de Lorraine.

La couronne de la Vierge lui permet en effet des comparaisons avec la physique qui est encore pour lui celle des grecs et de Copernic. Le cercle, le rond, l’orbite des planètes sont des symboles de perfection et d’équilibre :

« Dieu a fait le monde tout rond, cest pour cela qu’on l’appelle orbis. Ils disent que Dieu la fait ainsy a cause que ses oeuvres doivent estre parfaictes, Dei perfecta sunt opera, & que comme entre les mouvements, le circulaire est le plus parfait, aussy entre les figures, l’orbiculaire est la plus excellente. »[12]

De même que les planètes reviennent régulièrement au même point de l’espace, le Rosaire évoque la perfection de la création mais « c’est le diable qui a fait des coins & les angles, ce sont les angles qui cachent les ordures »[13]. Le but de la vie humaine, en créant une société bien réglée, est donc de remettre le monde en ordre c’est-à-dire de construire ici bas la cité de Dieu.

Mais si l’univers dérape, c’est donc que l’homme a mis du désordre. Il faut donc y remettre de l’ordre car : « Dieu a voulu disposer toutes choses, in numero pondere & mensura, avec nombre, poids et mesure. » [14]

Ce discours, peut-être abstrait pour le lecteur moyen, possède pourtant une portée bien concrète lorsque l’on détecte dans l’environnement ce que l’on croit être un dérèglement. Aussi, lorsqu’un homme des Lumières comme Nassé enregistre dans ses registres tous les dérèglements climatiques et tout ce qui lui apparaît comme anormal, ce n’est pas pour agir en chroniqueur comme on l’a souvent cru. Ce sont pour lui des signes que le monde ne tourne plus rond et qu’il faut agir pour le redresser. Il les recherche même dans le passé de la paroisse.

En 1636, 1743 et 1749, il note des épidémies, pour les hommes et pour le bétail. En 1709 et 1740, un froid et un verglas encore jamais vus. Les pluies catastrophiques de 1724, les inondations de 1742 et 1753 et la grêle de 1735 qui ruinent les récoltes sur pied. Il y a aussi les graves incendies de 1736 et 1741 (et aussi celui de la cathédrale de Verdun en 1755). En 1771, c’est au tour de la famine. Comme il ne note : « Le seigneur a puni l’abus que l’on avait commis suite à deux bonnes années par la disette ».

Mieux, en 1740, un glissement de terrain emmène toute une vigne d’un flanc de côte à une prairie communale en contrebas (ce qui pose d’ailleurs le problème de la propriété du terrain). Le merveilleux, c’est que cette vigne est arrivée intacte, sans même détruire la haie qui servait de séparation. Pour appuyer son propos, le curé cite des témoins dignes de confiance et cela ne nuit en rien au fait que c’est un esprit avancé, un esprit des Lumières. Il ne faudrait pas se laisser abuser par les philosophes, les Voltaire et consorts. Les élites du temps ne sont pas partagées entre les idées nouvelles et le prétendu obscurantisme du passé, elles participent des deux.

Or, ces catastrophes sont le signe du dérèglement du monde, suite au courroux divin et donc des divisions de la communauté. Car c’est moins à cause des fautes individuelles que Dieu se fâche - pour cela il y a le jugement dernier, personnel, et le remède de la confession - que la division de la société. Il faut donc rétablir la paix au village et entre les clans.

L’idée de paix est donc à double tranchant. C’est d’abord l’union du peuple chrétien (il faut ramener les protestants à la vraie foi) mais c’est aussi l’ordre public invoqué par exemple dans de nombreux village pour mettre en place des compagnies de garçons. La notion d’un monde paisible existe aussi dans le volet financier puisque qu’un bon patrimoine et des rentes bien administrées assurent une grande sécurité pour l’avenir et donc la continuation des bonnes oeuvres.

Claude Nassé n’agit pas autrement mais avec une différence par rapport au XVIIe siècle. La paroisse et le curé sont désormais devenus les centres uniques d’impulsion et de régulation. D’une certaine manière, il tente d’instaurer une sorte de théocratie dans sa paroisse.

Conclusion : Naturellement, nous pouvons maintenant évoquer, au titre de conclusion, l’incident de 1756, affaire sur laquelle, on le comprend le curé demeure muet dans ses diverses notes.

Retour sur l’incident et l’exil de 1756.

Le pouillé du diocèse de Verdun, des abbés Robinet et Gillant, s’appuyant sur une ancienne tradition[15] dit simplement que le prêtre se fit remplacer par les capucins (lesquelles prêchèrent la mission du 7 au 28 mars 1756) « pendant l’exil du curé » expulsé par la populace à la suite d’un sermon.

L’auteur d’une notice sur Beauzée écrivait en 1921 - mais à partir de quelles sources ? - que le curé avait été expulsé le 14 janvier 1756 par la population qui le poursuivit à coup de pierres suite à un sermon sur les dîmes. Or, nous trouvons dans ses sermons et ses rapports de multiples critiques sur la radinerie des habitants qui trouvent toujours des prétextes pour ne pas payer ce qu’ils doivent. Il raconte comment, en 1713, ils se sont ingéniés afin de ne rien payer pour les nouvelles cloches de l’église et que le fondeur fit faillite !


Le 13 janvier, il signe encore un acte de mariage et le 18, c’est un capucin de Verdun qui officie en remplacement.

Le rapport de 1744 était déjà un appel à l’aide l’évêque qui l’a nommé puisque ses initiatives étaient, je cite, « occasions facheuses de criailleries tumultueuses et violences injustes, contre lesquelles il est difficile de trouver protection necessaire aupres des superieurs »[16].

Pourtant, il fut absent pendant quatre ans. Le soutien de l’évêque lui aurait-il manqué ? Celui-ci diligenta une mission des mêmes capucins, en mars 1756, laquelle recueilli dit-on une grande ferveur ! Est-ce du aux manières modestes de ses ancêtres de l’abbé Pierre ou à la joie d’être débarrassés du curé ? On ne sait pas.



A la même époque, les habitants de Void s’opposèrent à leur curé qui voulait supprimer toutes les organisations religieuses afin de financer divers équipements comme une école, une sage-femme ou un petit hôpital. Plutôt d’accord avec les fidèles, l’évêque de Toul décide pourtant de soutenir le curé car ce qui le choque, c’est que l’on puisse s’opposer à son curé.

Méthode frontale ou influence douce : différentes stratégies de curés en Meuse à l’époque de Claude Nassé.

Il est clair que notre prêtre ne s’embarrasse pas de nuances et qu’il attaque bille en tête, j’en connaît d’autre, lorsqu’il est certain de son bon droit. C’est la méthode frontale.

D’autres prêtres usent de méthodes plus douces, jouant sur l’influence. J’ai ainsi étudié le cas de prêtres qui utilisent leurs relais familiaux pour influencer les notables. En 1722, à Châtillon, à l’est de Verdun, un jeune prêtre, sortant du séminaire comme Nassé, joue la partie très finement. Il marie sa sœur à l’homme qui monte du village. Celui-ci, a marié les siennes aux représentants des trois principaux clans de la localité. Ensemble, ils vont prendre le pouvoir. Les liens se resserrent ensuite par des parrainages croisés. Avec la même science que Nassé, Jean-Claude Hutin, c’est son nom, a identifié la sociologie locale, et il a su l’utiliser à son profit pour s’intégrer, obtenir des appuis et agir de l’intérieur.

Après quatre années d’exil, Claude Nassé revient et achève son œuvre énergique. Il n’a rien appris, rien oublié. A sa mort le 7 juin en 1773, à 66 ans, il est inhumé dans l’église où une dalle rappela longtemps son long ministère. Elle ne fut retirée de qu’en 1854 et déposée dans le jardin Rouyer Vautrin et appartenait en 1921 à madame veuve Gossin Raulx. J’aimerai bien savoir ce qu’elle est devenue. Il fit également posé, par testament (un testament que je recherche aussi), une dalle dans l’église rappelant son ministère, une manière de rappeler encore une fois son autorité.
L’exemple de Claude Nassé et de Beauzée montre ce que c’était qu’un curé de la Contre-Réforme, un homme éclairé mais aussi un énergique administrateur qui tout en ce plaçant à part, séparé des habitants, ambitionne de créer ici bas la cité de Dieu sur Terre
[1] Alain François, Beauzée -/- Aire des origines à l’aube de la Révolution française, 1984, p.77.
[2] Dom Calmet, Notice de la Lorraine qui comprend les Duchés de Bar et de Luxembourg, l’électorat de Trèves, les Trois-Evêchés (Toul - Metz - Verdun), Lunéville, Chez Creuset, Rééd., 1835.
[3] B.M.V. Ms 893 - Fondations de l’église de Beauzée - Manuscrit du curé Claude Nassé (1744).
[4] Idem, p.IV.
[5] Idem, p.X.
[6] Idem, p.XI. On a longtemps cru que les spéculateurs de la rue Quincampoix avaient été les seules victimes de la banqueroute de Law et qu’ils provenaient essentiellement de la région parisienne. Hervé Piant a trouvé de nombreux cas dans le pays de Vaucouleurs et remarqué le retour d’une pratique tombée en désuétude, celle du « retrait lignager » qui a permis à de nombreuses familles de reconstituer un patrimoine foncier autrefois vendu ou gagé afin de spéculer.
[7] B.M.V. Ms 893, pp.1-2.
[8] Idem, pp.34-110.
[9] 15 volumes de prônes conservés aux archives départementales de la Meuse.
[10] Abbé Camille Joignon, Aux confins du Barrois et du Verdunois, Imprimerie Saint-Paul, Bar-le-Duc, 1938 ainsi que les notes manuscrites du chevalier de La Morre citées dans le même ouvrage.
[11] Abbé André Gaillemin, Dictionnaire biographique des prêtres, religieux et religieuses nés en Meuse et des prêtres, religieux et religieuses en Meuse pendant la Révolution et au Concordat - 1789-1803, Société des Lettres, Sciences et Arts de Bar-le-Duc, 4 tomes, s.d.
[12] B.M.Nancy 5148 - Le manuel des confreres du S.Rosaire (...), Op. Cit., p.60-61.
[13] B.M.Nancy 5148 - Le manuel des confreres du S.Rosaire (...), Op. Cit., p.62.
[14] Idem, p.130. Sagesse 11, 20-21 cité et commenté dans Louis Châtellier, Les espaces infinis et le silence de Dieu - Science et religion, XVI°-XIX° siècles, Aubier, 2003, p.31. L’ouvrage du père Le Paige, publié en 1625, correspond exactement à cette période des années 1620 où se fait jour, selon Louis Châtellier, une apologétique qui, dans la tradition augustinienne, relie science et foi. Pierre de Bérulle évoquait d’ailleurs « la voie ascendante » qui mène de la science des créatures à Dieu. Les principaux ouvrages du père Mersenne sont aussi rédigés à cette époque et le jésuite Jean Levrechon, professeur à l’université de Pont-à-Mousson, fils homonyme du fondateur de la confrérie du Rosaire de Chardogne, donne en 1626 ses Récréations mathématiques.
[15] Tome II, p.687
[16] Idem, p.9.

lundi 18 octobre 2010

Les confréries de tir à l'oiseau et le papegai en Meuse (XVe-XXe siècles)

Chaque année, en mai, les habitants de Mécrin, petit village au sud de Saint-Mihiel, procèdent en grande pompe au papegai (ou papegaï ou papegay) ou tir à l’oiseau. A coup d’arbalète, les tireurs tentent d’abattre un coq posé en haut d’une sorte de mat de cocagne. Le vainqueur est proclamé roi et il sera particulièrement honoré durant l’année entière.
L’origine du Papegai.
Cet usage est très ancien car à la fin du Moyen Age déjà les archers et les arbalétriers de Saint-Mihiel et de Commercy venaient se mesurer à mi-chemin de leurs deux villes lors d’un concours de tir annuel dont le papegai assure aujourd’hui le souvenir. D’ailleurs des villages situés à proximité pratiquaient aussi le tir à l’oiseau : Loxéville, Pont-sur-Meuse et Lérouville. Cette tradition, appelée pappagallo en Italie ou papegaai en néerlandais, est connue dans l’ensemble de la Lorraine mais elle était surtout pratiquée dans les Pays Meusiens et dans une longue écharpe qui court des Ardennes jusqu’à l’Est de la Moselle en passant par le Pays Haut. Comme à Mécrin, il dérive, après de nombreuses transformations, des compagnies de tir créées au Moyen Age pour armer les milices urbaines et ils témoignent parfois d’une certaine émancipation du pouvoir seigneurial.
Les anciennes zones frontières.
Si on se limite à l’actuel département de la Meuse, ces compagnies sont, pour une raison évidente, particulièrement nombreuses dans les capitales et les places-fortes (Bar, Verdun) mais aussi à la campagne dans les zones frontières, par exemple aux limites de l’évêché de Verdun et du Barrois ou autours des anciennes principautés : châtellenie de Vaucouleurs, comté de Ligny, principauté de Commercy dans le sud et pays de Marville au nord. Le duc de la Trémoille qui avait tenté d’annexer le comté de Ligny pour le roi Louis XI au XVe siècle avait immédiatement créé une telle compagnie afin d’assurer la police dans la ville mais aussi pour se concilier les notables soucieux du prestige que confère l’admission dans la société de tir. Dans les processions des corps de métier, les archers étaient en effet en bonne position.
Réorganisation à la Renaissance.
A la Renaissance, ces groupes sont réorganises par le pouvoir qui impose règlements et ordonnances. On leur reconnaît le droit de s’entraîner et la possession de leur butte (au bas des remparts à Bar, sur la Roche non loin de la cathédrale à Verdun) mais le contrôle du prince se renforce sur le fonctionnement quotidien. En 1617, à Verdun, le gouverneur français leur interdit par exemple de défiler avec des bannières parées de l’aigle impériale. Au XVIe siècle, Bar et Verdun ont subi des tentatives de coup de force huguenot, occasion durant laquelle les compagnies d’archers ont retrouvé une utilité militaire. Mais, par peur qu’elles soient infiltrées par des protestants, on met en place diverses procédures de contrôle. Le nouveau membre doit ainsi faire profession de foi catholique. L’association conserve pourtant des traces de pratiques antérieures notamment une initiation et un baptême au vin assez peu orthodoxes. Autour d’Etain et de Bar-le-Duc, l’ensemble des groupes de tir sont enfin rassemblés et fédérés en une seule et même organisation. A Verdun, la société de tir se mue en revanche en une véritable milice urbaine, organisée par quartier et chargée non pas de défendre la cité des menaces extérieures mais de surveiller les pauvres…
Du tir à la peste.
Traditionnellement, ces confréries de tir sont vouées à un saint dont la « geste » est liée au tir, Sébastien transpercé de flèches, ou au feu à partir du moment où les arquebuses remplacent les carreaux d’arbalète. Sainte-Barbe, également patronne des artilleurs, intervient donc aussi. Mais depuis l’Iliade, la flèche est assimilée à l’épidémie et le feu à la contagion qui dévore les corps. Les compagnies de tir prennent donc après 1348 ou plus tard lors de la guerre de Trente ans, un caractère prophylactique. Elles doivent protéger autant les habitants de la peste que de l’invasion ennemie (la menace peut d’ailleurs être la loi de Séparation de l’Eglise et de l’Etat en 1905 ou l’attaque allemande de 1914). Saint-Roch et toute une série de thaumaturges sont alors intégrés de même que des saints locaux comme Saint-Abdon censés auparavant écarter les orages et les incendies.
Des associations multifonctions.
Avec la perte de leur caractère militaire, les anciennes compagnies d’archers se muent au XVIIe et surtout au XVIIIe siècle en sociétés de dévotion qui adoptent les modes religieuses du moment, par exemple le culte du Saint-Sacrement. Au siècle des Lumières, elles deviennent même parfois des sociétés d’assurance mutuelle dans le domaine funéraires. A la Révolution, elles perdent leurs biens et notamment leurs maisons (celle de la compagnie de Verdun se trouvait à proximité de l’actuelle rue Mautroté) mais arrivent dans de nombreux cas à se reconstituer au cours du XIXe siècle sous la forme du papegai.

samedi 16 octobre 2010

Conférence à Bar-le-Duc

Vendredi 15 octobre 2010 : Conférence à Bar-le-Duc sur le thème : "Les Voies De Gaulle en Lorraine" auprès du Club 41 (20 H 00).
Le texte de la conférence hélas sans les tableaux et les illustrations se trouve sur le site : demaindegaulle.blogspot.com

Participation au Salon du Livre d'Histoire de Verdun - 6/7 novembre 2010

Je participerai au salon du Livre d'Histoire de Verdun (Centre Mondial de la Paix) le samedi 6 et le dimanche 7 novembre prochains. J'y présenterai les derniers ouvrages parus dont : "Gaullisme et gaullistes dans la France de l'Est sous la IVe République" et "Les Bastions de l'Est de Boulanger à De Gaulle" (voir les messages suivant pour les couvertures et les tables des matières). Espérant vous voir nombreux à Verdun.

lundi 11 octobre 2010

Initiation à l'Histoire de la Meuse - 10 octobre 2010

Voici le plan de ma communication lors de la journée de Thillombois. Seule la première partie est complètement rédigée. Je n'ai pas pu mettre le diaporama. Vous pouver en revanche vous faire envoyer le texte par E-Mail en cliquant sur la première petite icone en dessous de l'article.
Frédéric Schwindt

Initiation à l'Histoire de la Meuse

Connaissance de la Meuse

Une Histoire de la Meuse – 1492 / 1789

(Château de Thillombois – 10 octobre 2010)

par Frédéric Schwindt


Introduction : La Meuse existe-t-elle ?


Après l’intervention de mes deux prédécesseurs et avant celle de Jean-Pierre Harbulot sur l’époque contemporaine, nous voyons bien qu’un des problèmes de l’époque consiste à définir ce que c’est que la Meuse puisque la géographie change constamment. Mais avant d’y revenir et d’essayer de proposer une carte, je crois que la comparaison avec les autres époques appelle déjà une réflexion sur les dates. Autant les Géographes découpent pathologiquement les territoires, autant les Historiens aiment trouver des ruptures qui servent de bornes chronologiques. 1492 et 1789, sont-elles donc pertinentes pour délimiter les temps modernes, dans notre petit espace coincé entre la Champagne et la Lorraine.


I – 1492-1789

La chronologie et le territoire : la Meuse est-elle un territoire à part ?


Je vous propose donc, dans un premier temps, de nous poser la question du temps et du territoire, ce qui sera d’ailleurs l’occasion d’envisager le problème sous un angle politique. Or, déjà, ces dates sont très discutées pour l’Histoire générale.


1– 1492.


Prenons 1492. D’autres préfèrent par exemple 1453 et la chute de Constantinople. Le fait que plusieurs princes barrisiens se soient engagés pour les dernières croisades dans les Balkans, avec des conséquences désastreuses pour leur dynastie locale, la bataille de Nicopolis (1396) a été désastreuse pour la noblesse lorraine, nous prouvent que la menace turque est peut-être meilleure pour déterminer un pallier, un passage, une frontière chronologique.


En effet, ce n’est pas parce que Christophe Colomb a mis le pied sur une île des Caraïbes que le monde en a été immédiatement bouleversé, la Lorraine encore moins même si c’est un moine géographe de Saint-Dié qui devait plus tard nommer l’Amérique du nom de l’explorateur Amerigo Vespucci.

D’un autre côté, comme le soulignait souvent le grand historien Pierre Chaunu, récemment décédé et qui était un Meusien, il était né à Belleville, l’idée de Croisade est restée longtemps très forte chez nous, au moins jusqu’à la guerre de Trente ans. Un tableau dont nous reparlerons présente ainsi le duc Charles IV, un prince baroque s’il en est, un sorte de Condé lorrain, devant un oriental lui rendant hommage. Quarante ans plus tard, en 1683, un de ses descendants devait arrêter les Ottomans sous les murs de Vienne à la tête des armées impériales, occasion pour les viennois d’inventer, par dérision, des pâtisseries en forme de croissants. Sur ce terrain, nous sommes donc plus près d’une continuité que d’une grande rupture.


Comme cela a été dit, la fin du Moyen Age a été très difficile comme partout en Europe. A l’époque de Philippe le Bel, le premier roi maudit, le traité de Bruges de 1301 a engagé le Barrois et le Bassigny dits mouvants, en gros la rive gauche de la Meuse, dans l’environnement français. Les pestes, la mort de plusieurs héritiers du duché de Bar à Azincourt, en 1415 un siècle avant Martignan, au côté du roi de France, ont encore réduit à néant les espoirs de succession au duché de Bar qui échoit finalement à un ecclésiastique, le cardinal de Bar. Habilement, car il a compris que le pays doit économiser une nouvelle guerre, une guerre de succession, il engage le processus qui va amener René d’Anjou, le roi René (parce qu’il est en droit roi de Jérusalem, encore les croisades…), à la tête du pays.


L’époque qui commence est à plusieurs titres celle d’une reconstruction, politique, diplomatique grâce l’union avec la Lorraine qui sera consommée sous René II et Isabelle, et enfin économique. Elle a laissé des traces dans le patrimoine des Meusiens. J’en veux pour preuve de nombreuses églises à commencer par celle de Rembercourt. De sont vrai nom Rembercourt-aux-Poteaux, et non pas Rembercourt-aux-Pots, afin de rappeler que c’est là que se trouvait là la frontières. C’était une petite ville industrieuse dont les corps de métier ont pu financer à l’époque une telle construction ainsi que celle d’un Hôtel-Dieu. A Saint-Mihiel, un bourgeois enrichi comme Humbelet de Gondrecourt crée de magnifiques chapellenies à l’image de celle de Saint-Eloi en l’église Saint-Etienne.


Comme en Bretagne, la reconstruction de la fin du Moyen Age inaugure un âge d’or qui couvre ici les années 1460-1480 jusqu’à 1630, c'est-à-dire en gros jusqu’à la guerre de Trente ans. La fin du XVe siècle marque en effet une réelle transition. C’est la mort du roi René, qui était encore un prince médiéval, en 1480, l’avènement de René II, un véritable condottiere celui-là, qui défait Charles Téméraire à Nancy en 1477, puis le règne du duc Antoine qui bat les rustauds protestants à Saverne et qui passe de plus en plus de temps à Nancy qu’à Bar. Au début du siècle suivant, la production du sculpteur de Saint-Mihiel Ligier Richier marque une réelle transition. Si ses premières oeuvres et ses thèmes de prédilections sont encore marqué par le Moyen Age, il fait entrer de plein pied les Meusiens dans la Renaissance.


A Verdun, la fin du XVe siècle marque aussi un changement d’ambiance. Les évêques commencent à réunir les prêtres de leurs diocèse pour rédiger de nouveaux statuts synodaux, en ressent donc bien avant Luther déjà un besoin de réforme religieuse, une Réforme qui va s’épanouir largement au siècle suivant. En 1493, la première confrérie du Rosaire meusienne est fondée à la cathédrale, signe que l’on attend désormais autre chose de la spiritualité. Cela prouve aussi que la région n’est pas en retard, le Rosaire a été élaboré seulement quelques années auparavant dans les couvents dominicains de la vallée rhénane. Les monastères meusiens entretiennent une relation intense avec eux et ils difusent autour d’eux la pensée de maître Eckhart ainsi que la devotio moderna.


2– 1789.


Le deuxième terme chronologique pourrait paraître plus simple à déterminer tant la Révolution a marqué une rupture dans l’Histoire de France. Mais justement nous ne sommes pas en France, en tout cas pas dans un territoire français depuis longtemps : l’intégration du Barrois s’est faite en droit en 1766. La Meuse ressemble donc beaucoup à la Corse.


Pour l’essentiel, le reste est dans l’environnement français depuis bien plus longtemps. L’évêché de Verdun, qui est différent du diocèse, c’est en effet la seigneurie de l’évêque qui était aussi, rappelons-le, comte et prince d’Empire, a été annexé de force en 1552, à l’époque du roi Henri II, annexion devenue définitive en droit international lors des traités de Westphalie qui mettent fin à la guerre de Trente ans en 1648.


Le Barrois et la Lorraine ont aussi été occupés durant toute la deuxième moitié du XVIIe siècle, les ducs étant exilé en Autriche où ils défendent d’ailleurs très efficacement, je l’ai dit, Vienne contre les Turcs.


Restauré en 1697, la dynastie quitte définitivement la Lorraine en 1737 à l’occasion d’un grand jeu de chaises musicales européennes : François II devient grand-duc de Toscane, épouse Marie-Thérèse d’Autriche prélude à son élection comme empereur d’Allemagne, et Stanislas, roi déchu de Pologne et beau-père de Louis XV arrive à Nancy, à Lunéville et à Commercy. En titre, le duché de bar demeure indépendant jusqu’à la mort de Stanislas, en 1768, mais sa souveraineté n’est que théorique et c’est un intendant français qui gouverne la région pour le compte du roi.


Les esprits avaient été de longue date préparés à cette intégration. Ceci dit, même après 1737 et a fortiori 1768, on continue d’utiliser la monnaie locale, le franc barrois et la livre de Lorraine et non pas la livre de France. Les choses sont donc éminemment compliquées.


3– Des « pays » meusiens.


Reste maintenant à définir ce qu’on appelle la Meuse.

31- Des « pays » au sens politique.


Au sens politique, c’est d’abord un agglomérat de pays. En effet, le territoire créé en 1790, et on sait que le député de Bar Gossin joua un rôle moteur dans la commission de départementalisation de l’Assemblée nationale, n’allait pas de soi.


Les « pays meusiens ».


Avant la Révolution, nous sommes à cheval entre le royaume de France, la Champagne ici en gris ou des enclaves françaises comme le Clermontois et Vaucouleurs. Si Jeanne d’Arc - nous ne débattrons pas aujourd’hui pour savoir si elle était meusienne ou vosgienne, cela ne veut rien dire – si elle vient à Vaucouleurs en 1429, c’est parce que la châtellenie dépend du roi de France et qu’elle est restée fidèle au roi de Bourges. Au XVIIe siècle et au XVIIIe siècle alors que la seigneurie a été engagée au profit de la famille Des Salles, elle restera encore comme un coin fiché dans les territoires lorrains et à partir duquel l’autorité du roi pouvait rayonner.


Même chose avec Commercy et Ligny. A la fin du Moyen Age, Louis XI s’était emparé du comté de Ligny et l’avait confié à un de ses fidèles, Georges de la Témoille, pour y jouer le même rôle qu’à Vaucouleurs. Récupéré par la famille de Luxembourg, le comté, érigé en duché passe ensuite au XVIIe siècle à un des plus grandes familles françaises, les Montmorency.


Enfin, et sans détailler, la principauté de Commercy devient après la Fronde le refuge du cardinal de Retz, qui faute de pouvoir continuer sa carrière politique en fait un lieu de diffusion du Jansénisme. J’y reviendrai, retenons pour l’instant que c’est pour lui à la fois un forme très rigoureuse du catholicisme et une manière de continuer à s’opposer à Louis XIV.


Plus au nord, le Clermontois a été détaché des possessions du duc de Lorraine pour constituer un apanage au prince de Condé, autre frondeur notoire, avec Varennes pour capitale.


Si Ligny et Commercy ont été rachetés au XVIIIe siècle par le duc de Lorraine, le Clermontois a gardé longtemps une physionomie à part. Sans la Révolution, ce pourrait être aujourd’hui Monaco…


Le roi de France contrôlait aussi directement les évêchés de Verdun et de Toul et indirectement le Barrois Mouvant. En effet, en matière de justice, les appels des tribunaux locaux étaient adressés auprès d’une juridiction française, en général un parlement.


Dans le Barrois non mouvant, à l’est de la Meuse, la souveraineté du duc est complète et c’est d’ailleurs pour cela que siégeait autrefois à Saint-Mihiel les Grands-Jours, une sorte de parlement et de tribunal suprême pour les duchés. Seulement à quelques centaines de mètres de la Meuse et donc de la limite de la mouvance, cela permettait de s’affirmer face au roi. Ce n’est pas un hasard si en 1634, au moment d’une occupation française, Louis XIII et Richelieu ont installé à Saint-Mihiel, une cour souveraine chargée du même rôle mais au nom de la France.


32- Un imbroglio administratif.


Tout ceci crée un véritable imbroglio administratif. Je ne reviens pas sur les frontières politiques et encore je ne suis pas descendu, sauf exception, en dessous des principautés, il aurait fallu aller jusqu’au rang des seigneuries qui possèdent encore des pouvoirs.


321- Les limites religieuses.


Les limites politiques ne collent pas avec les limites religieuses, celles des diocèses.


Décrire la carte des diocèses.


L’évêché de Verdun ne correspond pas au diocèse et d’ailleurs sont administration est partagée entre le prélat et son chapitre. Au XVIe siècle, l’évêque ne nomme d’ailleurs pas les curés, ce qu’on appelle la collation dans plus de 10 % des paroisses, moins que l’abbé de Saint-Mihiel, mais il est le seigneur temporel dans davantage de localités. Les pouvoirs ont donc tendance à se mélanger. Il touche des impôts, pas que la dîme, et avec son chapitre les revenus de ses terres. Cela explique que les habitants viennent le voir non seulement pour des questions religieuses mais aussi pour des problèmes fiscaux voire pour lui emprunter de l’argent.


322- Limites fiscales dont la gabelle.


Les limites fiscales sont encore différentes. Au début du XVIIIe siècle, le duc Léopold envoie l’abbé Rice enquêter sur ses terres afin de savoir quels villages dépendent de lui ou pas (il existe des localités mi voire tripartites) et qui donc lui doivent quelque chose…


Au moment de l’intégration à la France : ? de la Gabelle, statut différent de la Champagne.


323- Limites judiciaires.


Je ne vais pas détailler la question judiciaire, mais là aussi il existe un imbroglio qui profite largement aux habitants qui savent habilement jouer des frontières : ? appel, justice seigneuriales


cf. Seigneurie de Stainville et l’affaire de Couvonges : des médecins en 1704, en zone frontières qui fabriquent des « anatomies » pour échapper aux poursuites éventuelles.


324- Les monnaies.


On n’imagine pas le progrès de la rationalisation révolutionnaire en matière de poids et mesures et de monnaie.


Sous l’Ancien Régime, le problème de la monnaie est triple : système qui fonctionne en général sur un base 12 et non pas le système décimal, il y a séparation entre la monnaie de compte, une monnaie virtuelle donc, et le numéraire, et enfin les monnaies locales coexistent avec les monnaies étrangères.


Monnaie de compte Lorraine = £.L : Livre lorraine qui correspond environ à 0,8 £.T : Livre tournois c'est-à-dire de France mais en Barrois on use du Franc Barrois dont j’ai oublié la parité = FB : Franc barrois (1 FB = 12 gros ou 192 deniers soit 16 deniers pour un gros). Voilà de jolis problèmes de mathématiques pour les écoliers d’antan.


Bien sûr les pièces qui circulent sont en or, en argent ou en cuivre, la monnaie de billon, qu’elles proviennent des duchés ou des états voisins mais qui elles ne comportent aucune valeur faciale. C’est la pesée qui donnera la valeur. Le travail des comptables est donc assez compliqué.


Monnaie papier = expliquer la constitution de rente = une forme de crédit, une civilisation et une forme de monnaie.


324 – Les mesures : l’ex. des surfaces.


Même difficultés avec les mesures. Prenons l’exemple des surfaces.


Mesures différentes selon la nature de la surface : La fauchée (F) pour les prés, la journée (J) pour les emblavures et l’arpent (A) pour les bois ont une surface équivalente.


F = J = A = 10 omées ou 250 verges carrées = 20,44 ares.

Omée = 2,044 ares.

Verges carrées = 8,17 m².


En revanche, pour tout simplifier, la mesure change entre le Barrois et le Verdunois voire parfois d’un village à l’autre.


33 - Des « pays » au sens culturel.


La question des mesures prouve que l’on peut parler de « pays », au pluriel, aussi dans un sens culturel. Le nord meusien n’est pas le sud meusien, c’est encore valable aujourd’hui.

Certains secteurs, même quand leur intégration est ancienne, ont quant même gardé une physionomie particulière. C’est le cas de la région de Marville qui faisait autrefois partie des Pays-Bas espagnols et où on trouve des inscriptions à la gloire de Charles Quint ou de Philippe II d’Espagne.


Cette physionomie transparaît dans la toponymie, dans les dévotions locales ou dans l’existence de coutumes particulières. Ainsi, dans le centre-ouest de la Meuse, entre Revigny et Rembercourt-aux-Pots, on trouve encore aujourd’hui de fréquentes mentions de Saint-Eloi, en référence à des associations pieuses qui ont existé de la fin du Moyen Age jusqu’à la guerre de 14 (elle existe encore à Revigny).


Expliquer les saint-Eloi et présenter la statue.


Au nord de Verdun, autours de Charny, même chose mais avec Saint-Hubert. A une autre échelle, on a remarqué que de manière constante, sur plus de 300 ans, les naissances illégitimes étaient deux à trois fois plus importantes dans le nord-meusien qui relevait du diocèse de Verdun que dans le sud qui relevait de Toul. A l’inverse, le sud-meusien où la dévotion envers la Vierge était plus développé, était structuré par tout un ensemble de groupes, de pratiques, d’habitude qui visaient à surveiller et à encadrer les filles. Donc sur le plan social et même dans le domaine culturel, ils existaient des différences entre les « pays » meusiens.


Elles sont d’ailleurs visibles dans l’espace. Ainsi, à l’époque moderne, autour de Saint-Mihiel, cité qui dépendait du diocèse de Verdun, on installait des croix à la croisée des chemins alors que sous les côtes de Meuse, là où se trouve aujourd’hui le lac de Madine et qui dépendant au spirituel de Toul, c’est des statues de la Vierge et des petites chapelles qui étaient édifiées.


On peut donc, je crois, utiliser le terme de « pays » pour décrire la Meuse d’Ancien Régime, un terme qui n’a pas attendu les lois de décentralisation pour être sur le terrain une réalité géographique.


4– Une fausse familiarité : un autre monde.


Mais attention, si certaines réalités ont survécu jusqu’à nos jours, l’époque moderne entretient avec nous une fausse familiarité.


41 - La langue.


Moins dépaysant que le Moyen Age, a fortiori l’antiquité.

La langue est presque la même.

On peut lire les inscriptions dans les églises.


42 - Les écritures.


Généalogie, archives départementales, intérêt pour l’Histoire locale.

On arrive à lire les écritures même si elles évoluent beaucoup sur la période.

CF. Années 1660 avec des boucles à n’en plus finir et l’introduction des accents.

La fixation de l’orthographe c’est pour plus tard.


Les petites écoles : Lorraine / B arrois record dans l’alphabétisation. Rôle des organisations religieuses pour le financement. Les filles aussi.


43 - Les mentalités


Donc on les comprend, ces meusiens du XVIIe et du XVIIIe siècle mais c’est un monde différent : mentalités (rapport à la nudité mais chapeau ou foulard), présence des morts, peur de la mort brutale : ma mort baroque, un monde de l’entre soi ou les relations font le capital social et où on se surveille…


Plan : Pour le reste, cette longue discussion, sur les dates notamment, a montré les difficultés d’un découpage chronologique qui soit commun à l’ensemble des « pays » de la Meuse. J’en resterai donc pour le récit qui va venir à une présentation par siècle, des siècles un peu larges, un peu élastiques qui ont le mérite d’être bien typés : un âge d’or au XVIe siècle, une tragédie au XVIIe siècle, une annexion au XVIIIe.


Et pour le contenu, devant brosser un portrait en une heure, une heure que j’ai déjà fort entamé, j’ai préféré à gros traits replacer les pays meusiens dans l’Histoire européenne, afin de montrer que nous ne sommes jamais en retard, et privilégier le vécu des habitants.


Je n’irai en revanche pas dans le détail de l’économie sauf à indiquer les périodes de crise ou de reconstruction et à montrer comment les gens ont fait pour s’en sortir aux périodes difficiles.


Et puis j’aimerai vous montrer les lieux à voir !


II – L’Age d’or : un beau et long XVIe siècle.


Ce XVIe siècle pourrait aller de 1480 à 1630 et durer 150 ans. Alors bien sûr, il ne faut rien exagérer. Il connaît aussi ses périodes de disette ou de peste, par exemple vers 1590, mais globalement la période est brillante. Bar le Duc est Verdun sont en relation avec l’Europe entière et elles n’ont rien à envier en matière de Renaissance et d’Humanisme à d’autres capitales.


Au centre de l’Europe :

Concordat de Nuremberg.

La chevauchée d’Austrasie : annexion des Trois-Evêchés.

Les visites royales, Charles IX à Bar-le-Duc, les mariages royaux = quand Bar rapprochent les deux dynasties.

Nicolas Psaume et le cardinal de Lorraine. Diplomatie, Concile, Haute Théologie. La réception des décrets du concile de Trente et avance sur l’application.


La Renaissance / Des humanistes :

Un contemporain de Montaigne = Jean Errard.

Gilles de Trèves.

Ligier Richier.

L’aspect monumental : Marville, Saint-Mihiel.

De Bibliotheca = incunables etc.


De Bar à Nancy :

Les Grands Jours de Saint-Mihiel.

Bar ou Nancy, plus d’habitants à Bar au XVIe siècle qu’à Nancy.

Toutes les villes sont des petites capitales : Bar, Saint-Mihiel, Ligny, Commercy, Verdun.

Le départ progressif des ducs, une autre nécropole ducale = du squelette de Ligier Richier à la chapelle des Cordeliers de Nancy.


Une brillante sociabilité : l’appartenance à des groupes.

La moindre présence du prince permet en revanche l’épanouissement de groupes nobiliaire, d’association, de cercles très brillants où la bourgeoisie montante trouve même à s’épanouir.

L’Ordre de Saint-Hubert de Bar.

Les archers : cies d’archers, géogr, usages, mélange traditions et news : le baptême au vin.

Les Saint-Eloi.

Les associations professionnelles : Saint-Fiacre : but, entraide mutuel etc.


La Réforme : un protestantisme diffus et finalement peu réprimé.

La réforme : Avant Luther, prédications, Le Marlorat.

Quelques rares buchers (Instituteur Crespin à Saint-Mihiel en 1535).

Verdun 1562 - La procession dite des Huguenots.

Bar, Ligny, Saint-Mihiel.

Ligier Richier : l’appel de Saint-Mihiel au duc Antoine.

Le paradoxe de la mise au tombeau de Saint-Mihiel. Genève.

Le protestantisme diffus de Nettancourt à Thillombois, de l’Aire à la Meuse, l’Argonne. Des toponymes = Rosnes, rue du temple.

La ligue : prudence du duc, le siège de Bar.

Jean de Savigny de Rosnes adjoint du duc de Guise.

Les guerres de religion épargnent la Meuse (Wassy…).



Réforme catholique plutôt que Contre Réforme :

Marguerite de Savoie à Ligny = plus RC que CR = couvents, processions.

Exaltation du dogme catholique = baldaquin cathédrale = St-Pierre = présence réelle Christ dans l’Eucharistie = Psaume 1554 Livres et conf.

Des villes clochers = l’installation de nouveaux ordres religieux et monastiques : capucins, minimes, carmes, carmélites, annonciades etc.

Les Jésuites = collèges de Bar et Verdun, résidence de Saint-Mihiel.

Renouvellement et enrichissement spirituel : vers une religion plus intime, plus personnelle.

Les sorciers = peu finalement contrairement aux Vosges.

III – La tragédie du XVIIe siècle : Les Pays Meusiens à l’époque de « la première guerre mondiale européenne ».


Et puis arrive la tragédie : la guerre de Trente ans précédée déjà par quelques longs hivers et la disette. Les troupes de passage vont amener avec elle la peste.


Montmédy.

On s’y préparait : une double citadelle = Stenay au début du XVIIe siècle.


La guerre de Trente ans :

Résumé la guerre de Trente ans = causes, implication décalée.

Destructions de châteaux, batailles en Meuse ; cf près de Lavalée.

Louis XIII, Richelieu, Anne d’Autriche et ses grossesses…

Le château de Madame de Saint-Balmont : un petit état, l’Amazone.

Ossuaire de Marville : développement du morbide. La peste, la famine, la guerre = pas de familles exponentielles, notion de crise démographie, Pierre Goubert, Troyon. Pierrefitte. Zone rouge. La perte démographique = au moins 50 %.

1661, 1696, Long Hiver 1709 : registres paroissiaux.

Occupations et annexions, Dun, Clermontois.

Louis XIV et Vaudan en Meuse. Le siège de Montmédy. Fortifications = Montmédy comme Longwy mais pas classé Unesco…


Atténuer la crise

L’assistance.

Saint-Vincent de Paul, abbé Guérin et Saint-Mihiel, les pieuses dames : les charités (de la charité à l’enfermement des pauvres, les chasses pauvres, pauvres d’ici et de là-bas, pauvres honteux…, le système de cloisonnement à Verdun). Michel Foucauld.

La spiritualité.

Multiplier les protecteurs : Vierge au grand manteau le tableau de Naives-devant-Bar.

L’assimilation incendie – peste = Sébastien – Barbe.

Les tournées Saint-Hubert d’Ardennes = peste et rage.

ND de Luxembourg = répits = cf. force de la mortalité infantile.

Benoîte-Vaux, Avioth = répits.

Processions blanches puis pèlerinages.


Reconstruction :

Reconstruction matérielle : démographique, j’en dirai un mot après, agricole (achevée vers 1720), croissance économique, bâtiment (églises).

Reconstruction spirituelle.

Mechtilde de Bar : vie + insertion à l’école française de spiritualité et liens avec la Meuse.

Le cardinal de Retz à Commercy.

Dom Hennezon et Saint-Mihiel : l’académie. Le jansénisme.


IV – Vers l’annexion : Les Pays Meusiens au XVIIIe siècle.


J’ai déjà été très long, je vais aller à l’essentiel d’autant que nous avons déjà où nous allons arriver.


Vers un monde plein.


La récupération démographique : naissances.

Calme, croissance.

1697 – Léopold. Enquête Rice.

Le micro-crédit /le crédit agricole.

Claude Nassé : exemple d’un curé de choc qui reconstruit sa paroisse sur le modèle d’une théocratie.


De nouvelles menaces.

Mariage tardif.

Naissances illégitimes, pères inconnus, fantasme ou réalité : Saint-Mihiel.

Moraliser la jeunesse = Fains.

Sociétés de jeunes : Gondrecourt.

Défendre la vertu des filles.


Vers l’annexion.

Une anecdote : Un lieu de relégation = Jacques Stuart à Bar-le-Duc.

Le retour de Léopold = 1697.

1737 - François II -Opposition de la duchesse douairière. Garder au moins le Barrois. Princesse de Commercy. Stanislas. Château de Commercy.

Le retournement des alliances, France et Autriche = Duc de Choiseul = Chassey – Stainville… qui est parti vers la Loire et Amboise.


CONCLUSION OUVERTE.


Je ne vais pas conclure, c’est l’époque contemporaine qui le fait à travers Jean-Pierre Harbulot. J’espère seulement avoir pu montrer que la Meuse n’est même si elle n’existait pas, a été au cœur de l’Histoire européenne et ceci bien avant 1916.