mardi 27 décembre 2011

De la question arménienne et des autres minorités aujourd’hui en Turquie.

La reconnaissance officielle du génocide arménien par la France puis la pénalisation de sa négation par le parlement français ont défrayé voilà peu la chronique avec les conséquences que l’ont sait pour les relations franco-turque. Ne parlons même pas du projet identique de la Knesset, poussé par le gouvernement Netanyahou, qui pourrait ressembler à un suicide stratégique lorsqu’on connaît l’ampleur des accords militaires entre la Turquie et Israël. L’exemple illustre parfaitement la difficulté de tenir une via media entre le discours humaniste et universaliste à la française et la realpolitik. En 1987, le parlement européen avait pourtant déjà adopté une résolution qui obligeait la Turquie à revisiter son passé avant toute discussion sur son adhésion éventuelle à ce qui n’était pas encore l’Union Européenne. Gardons-nous en effet de penser que les évènements actuels sont du seul fait du premier ministre turc et de son parti islamiste. Certes, toute l’habilité de Recip Erdogan a été de se présenter comme un modéré pro-européen alors qu’avec le soutien moral de l’Europe il vidait peu à peu l’appareil d’Etat de tous ses contre-pouvoirs. Mais sur la question arménienne et plus largement sur l’existence de toutes les autres minorités religieuses, le gouvernement turc actuel assume une parfaite continuité avec ces prédécesseurs, toutes tendances confondues, depuis Mustapha Kemal.
Depuis 1971, le séminaire grec orthodoxe d’Istanbul a été fermé et le patriarche vit quasiment assiégé dans le quartier du Phanar au milieu d’un clergé âgé qu’il ne peut plus renouveler. De 200 000 fidèles au début du XXe siècle, la communauté grecque stambouliote qui remonte pourtant à l’Empire Byzantin, est tombée à quelques milliers tout au plus. Ses églises sont peu à peu expropriées, détruites ou transformées en mosquées. Une des plus célèbres, Sainte-Irène que mêmes les califes ottomans avait laissé subsister près du palais de Topkapi, a été fermée aux chrétiens et sert à des défilés de mode…
A l’école primaire, les élèves apprennent en cours d’Histoire que les chrétiens, qu’ils soient grecs orthodoxes, syriaques ou arméniens sont des européens qui ont cherché à envahir la Turquie éternelle et qu’il est donc normal de leur demander de retourner chez eux. Le mythe de la croisade revisité ! Ils sont pourtant là depuis l’Antiquité et les Turcs seulement depuis le XIe siècle mais, pour accréditer cette vision, l’Etat organise depuis les années 1960 mais de manière accélérée depuis les années 1990 la destruction des sites historiques chrétiens. En Anatolie, les cimetières sont peu à peu expurgés des stèles chrétiennes, surtout arméniennes. Toujours la même histoire, des fonctionnaires s’adressent au maire du village et lui demandent s’il y a une église, les restes d’un monastère ou un cimetière. Quand les habitants refusent de participer, l’armée vient assurer l’évacuation ou le dynamitage. En parallèle, le même travail sur les photographies ou les études anciennes permet comme dans 1984 de faire semblant que ces choses n’ont jamais existé.
Les travaux d’aménagements hydro-électriques sont également bien pratiques car ils permettent de faire disparaître sous les eaux des sites historiques préislamiques importants alors que les mosquées seldjoukides ou ottomanes sont démontées pierres par pierres pour est reconstruites plus haut. C’est ce qui est arrivé en 1965, pourtant sous un gouvernement laïc, lors de la mise en eau du barrage de Keban dans le sud-est du pays. Mais le fait se produit actuellement dans diverses régions d’Anatolie.
Gare aussi aux historiens, archéologues et chercheurs en tout genre qui voudraient s’intéresser à la question. En 1975, Jean-Michel Thierry, un historien d’art français a ainsi été arrêté, vigoureusement interrogé et condamné à trois mois de travaux forcés pour avoir effectué les relevés d’une église arménienne près du lac de Van. Aujourd’hui, cet évènement ne pourrait pas se reproduire puisque là plupart des églises en question ont disparu ; officiellement à cause des tremblements de terre. En 1986, Mme Hilda Hulya Potuoglu a été arrêté par les forces de sécurité turques et condamnée pour « propagande portant atteinte au sentiment national ». Son crime ? Avoir dirigé la version turque de l’Encyclopoedia Britannica dont une note de bas de page indiquait, comme dans toutes les éditions parues de par le monde, que les régions montagneuses de Cilicie dépendaient autrefois du royaume d’Arménie… Réquisitions du procureur : entre 7 et 15 ans de prison. Officiellement, les Arméniens n’existent pas et n’ont jamais existé. D’ailleurs, ils doivent pour subsister aujourd’hui adopter un patronyme turc. De toute façon, il leur ait de plus en plus difficile d’accéder aux études supérieures ou à la fonction publique.
Même choses avec les Syriaques du sud-est du pays, les descendants des premiers chrétiens d’Antioche qui pratiquent encore aujourd’hui la langue du Christ, l’araméen, pour le culte et pour la vie quotidienne. Ils ont le malheur d’être installé dans une région frontière où l’on parle de nombreuses langues dont l’Arabe. Ce fait n’a pas échappé à l’Atatürk qui a décidé en 1924 de régler le problème. Le fait n’est pas récent mais il a connu un rebondissement ces dernières années. La guerre civile contre le PKK a en effet servi de prétexte pour détruire de nombreux monastères et déloger les habitants de leurs villages. Un peu comme pour les Chaldéens d’Irak, la communauté disparaît donc à vue d’œil par émigration en Europe ou aux Etats-Unis. Pire, depuis les années 90, le gouvernement a laissé s’infiltrer le Hezbollah afin de l’aider à lutter contre la rébellion kurde. Celui-ci rançonne les habitants, enlève les prêtres et forcent des jeunes filles chrétienne à épouser des musulmans. Mais attention, tout ce qu’on dit des chrétiens est aussi valable pour les minorités musulmanes notamment chiites, les Alévis par exemple qui boivent du vin et encouragent la promotion des femmes, et d’autres confessions plus difficilement classables comme les Yazidis en qui les Sunnites voient des adorateurs du diable. Le pays, comme de nombreuses zones du monde, est engagé dans un large processus d’uniformisation religieuse et d’homogénéisation culturelle.
Le problème dépasse donc largement la question de la reconnaissance du génocide arménien tel qu’on le perçoit en Occident, c’est celui d’un pays qui s’est structuré depuis un siècle autour d’un mythe fondateur, un mythe que l’école continue toujours de véhiculer, qui fait partie prenante de la mentalité collective et que toutes les forces de l’Etat essaient à présent de faire coïncider avec la réalité. C’est d’ailleurs un des rares points d’accord entre le gouvernement et l’armée. Ce mythe sert le projet du gouvernement Erdogan qui mixte le nationalisme turc traditionnel et l’islamisme et qui revient à achever l’unité du pays autour de ces deux notions que sont l’ethnicité turque et l’islam. Pour nous, transiger sur la question arménienne assurera au premier ministre turc d’aboutir en douceur, ce n’est plus la question que de quelques années, et s’opposer à ce mythe lui permettra d’aboutir encore plus vite. Grave dilemme pour nos dirigeants…

Connaissance de la Meuse - Une Histoire de la Meuse – 1492 / 1789 - (Verdun – 14 octobre 2011)


Introduction : La Meuse existe-t-elle ?

Remerciements.

Duplication Thillombois / Verdun. J’ai essayé de jouer le jeu mais je développerai un peu les exemples du nord-meusien.

Loi de réforme des collectivités territoriales et le débat sur l’hypothétique disparition des départements. Pose la question du territoire : la Meuse existe-t-elle ?

Après l’intervention de mes deux prédécesseurs et avant celle de Jean-Pierre Harbulot sur l’époque contemporaine, nous voyons bien qu’un des problèmes historique qui concerne notre région consiste à définir les territoires puisque la géographie change constamment.

Mais avant d’y revenir et d’essayer de proposer une carte, je crois que la comparaison avec les autres époques appelle déjà une réflexion sur les dates. Autant les Géographes découpent pathologiquement l’espace, autant les Historiens aiment trouver des ruptures qui servent de bornes chronologiques. 1492 et 1789, sont-elles donc pertinentes pour délimiter les temps modernes, dans notre petit espace coincé entre la Champagne et la Lorraine.

I – 1492-1789
La chronologie et le territoire : la Meuse est-elle un territoire à part ?

Je vous propose donc, dans un premier temps, de nous poser la question du temps et du territoire, ce qui sera d’ailleurs l’occasion d’envisager le problème sous un angle politique. Or, déjà, ces dates sont très discutées pour l’Histoire générale. En examinant les pratiques agricoles ou certaines mentalités, des Historiens comme Jacques le Goff pensent par exemple - et je crois avec justesse - que le Moyen comme civilisation aurait duré jusqu’au milieu du XIXe siècle voire jusqu’à 1914. Heureusement qu’on a rien changé au découpage des périodes sinon Jean-Luc Demanges et Jean-Pierre Harbulot aurait pu zapper mon intervention d’aujourd’hui…


1– 1492.

Prenons 1492. D’autres préfèrent 1453 et la chute de Constantinople. Le fait que plusieurs princes barrisiens se soient engagés pour les dernières croisades dans les Balkans, avec des conséquences terribles pour la dynastie locale - la bataille de Nicopolis (1396) a été désastreuse pour la noblesse lorraine - nous prouvent que la menace turque est peut-être meilleure pour déterminer un pallier, un passage, une frontière chronologique.

En effet, ce n’est pas parce que Christophe Colomb a mis le pied sur une île des Caraïbes que le monde en a été immédiatement bouleversé, la Lorraine encore moins même si c’est un moine géographe de Saint-Dié qui devait plus tard nommer l’Amérique du nom de l’explorateur Amerigo Vespucci.

D’un autre côté, comme le soulignait souvent le grand historien Pierre Chaunu, récemment décédé et qui était un Meusien, il était né à Belleville, l’idée de Croisade est restée longtemps très forte chez nous, au moins jusqu’à la guerre de Trente ans.

Comme nous sommes à Verdun, je profiterai de l’occasion pour faire une parenthèse sur Pierre Chaunu et lancer un appel. Deux des plus grands historiens Français du XXe siècle sont Meusiens : Fernand Braudel et Pierre Chaunu et le second a été le disciple du premier. Chaunu est sans doute celui qui a gardé le plus de liens avec la Meuse, il en parle dans de nombreux textes, notamment des champs de bataille, par exemple sa contribution aux essais d’Ego-histoire publié dans les années 80 par Pierre Nora. Emmanuel Leroy-Ladurie aussi est d’origine meusienne puisque son père était né à Saint-Mihiel mais il est heureusement toujours vivant. Il y a une place Fernand Braudel à Bar-le-Duc, sur la côte Sainte-Catherine, et le maire de Belleville a pris l’initiative d’inaugurer une plaque à son nom. Mais dans l’ensemble ces deux personnages sont assez oubliés. Lorsque Pierre Chaunu est décédé, je m’attendais à voir une nécrologie dans l’Est Républicain et comme rien ne venait j’ai pris l’initiative d’envoyer un dossier à la rédaction de Bar, ce qui a donné lieu à un article. Je crois malgré tout que Pierre Chaunu - qui a commencé sa carrière au lycée Poincaré avant de partir en Espagne, à la Casa de Velasquez où avec sa femme a révolutionné l’Histoire économique dans une célèbre thèse en 12 volumes sur Séville et l’Atlantique -, je crois que Pierre Chaunu mériterai qu’on donne son nom à un établissement scolaire… ou aux archives départementales.

Je reviens à mon propos : le mythe de la croisade. Un tableau dont nous reparlerons présente le duc Charles IV, un prince baroque s’il en est, une sorte de Condé lorrain, courageux mais piètre politique, devant un oriental lui rendant hommage. Quarante ans plus tard, en 1683, un de ses descendants devait arrêter les Ottomans sous les murs de Vienne à la tête des armées impériales, occasion pour les viennois d’inventer, par dérision, des pâtisseries en forme de croissants. Sur ce terrain, nous sommes donc plus près d’une continuité au moins dans les esprits que d’une grande rupture.

Dans les années 70, il y a eu dans l’historiographie un dialogue justement bien connu entre Pierre Chaunu et l’universitaire lorrain René Taveneaux sur ce thème de la croisade, de la frontière de catholicité et de la dorsale catholique. La Meuse appartient en effet à cette zone qui part de l’Italie et aboutie dans les Pays-Bas du sud, en Belgique, après avoir traversé le sud de l’Allemagne et l’Est de la France et qui constitue la colonne vertébrale de la Contre Réforme. René Taveneaux, ardennais, historien du Jansénisme qui avait été amené à travailler longtemps sur l’abbaye de Saint-Mihiel, professeur à l’université de Nancy, avait commencé sa carrière au lycée Margueritte de Verdun et il avait servi comme officier de réserve au nord de la Meuse en 1940. Si les deux historiens s’étaient retrouvés c’est sans doute parce qu’ils avaient une connaissance profonde et intime du terrain…

Comme vous l’avez entendu ce matin, la fin du Moyen Age a été très difficile, comme partout en Europe d’ailleurs. A l’époque de Philippe le Bel, le premier roi maudit, le traité de Bruges de 1301 a engagé le Barrois et le Bassigny dits mouvants, en gros la rive gauche de la Meuse, dans l’environnement français. Les pestes, la mort de plusieurs héritiers du duché de Bar à Azincourt, en 1415 un siècle avant Marignan, au côté du roi de France, ont de nouveau réduit à néant les espoirs de succession au duché de Bar qui échoit finalement à un ecclésiastique, le cardinal de Bar. Habilement, car il a compris que le pays devait économiser une nouvelle guerre, une guerre de succession, il engage le processus qui va amener René d’Anjou, le roi René (parce qu’il est en droit roi de Jérusalem, encore les croisades…), à la tête du pays.

L’époque qui commence est à plusieurs titres celle d’une reconstruction, politique, diplomatique grâce l’union avec la Lorraine qui sera consommée sous René II et Isabelle, et enfin économique. Elle a laissé des traces dans le patrimoine des Meusiens. J’en veux pour preuve de nombreuses églises à commencer par celle de Rembercourt. De sont vrai nom Rembercourt-aux-Poteaux, et non pas Rembercourt-aux-Pots, afin de rappeler que c’est là que se trouvait là la frontières. C’était une petite ville industrieuse dont les corps de métier ont pu financer à l’époque une quasi-cathédrale et un Hôtel-Dieu. A Saint-Mihiel, un bourgeois enrichi comme Humbelet de Gondrecourt, maître des monnaies du duc, crée quant à lui de magnifiques chapellenies à l’image de celle de Saint-Eloi en l’église Saint-Etienne.

Comme en Bretagne, la reconstruction de la fin du Moyen Age inaugure un âge d’or qui couvre ici les années 1460-1480 jusqu’à 1630, c'est-à-dire en gros jusqu’à la guerre de Trente ans. La fin du XVe siècle marque en effet une réelle transition. C’est la mort du roi René, qui était encore un prince médiéval, en 1480, l’avènement de René II, un véritable condottiere celui-là, qui défait Charles Téméraire à Nancy en 1477, puis le règne du duc Antoine qui bat les rustauds protestants à Saverne et qui passe de plus en plus de temps à Nancy qu’à Bar. Au début du siècle suivant, la production du sculpteur de Saint-Mihiel Ligier Richier marque une réelle transition. Si ses premières œuvres et ses thèmes de prédilections sont encore marqués par le Moyen Age, il fait entrer de plein pied les Meusiens dans la Renaissance.

A Verdun, la fin du XVe siècle marque aussi un changement d’ambiance. Les évêques commencent à réunir les prêtres de leur diocèse pour rédiger de nouveaux statuts synodaux. C’est à la fois une adaptation locale et pratique du droit canon et un programme d’action au sein du diocèse. On ressent donc bien avant Luther un besoin de réforme religieuse, une Réforme qui va s’épanouir largement au siècle suivant. C’est une confirmation de la thèse de Pierre Chaunu qui, il y a quarante ans, expliquait déjà que la Réforme Catholique n’était pas seulement une réponse à la Réforme protestante, une Contre Réforme donc, mais que les deux puisaient leur origine à la même source, une source très ancienne, en tout cas qui remonte bien avant le XVIe siècle.

En 1493, la première confrérie du Rosaire meusienne est fondée ici à côté à la cathédrale, signe que l’on attend désormais autre chose de la spiritualité. L’évêque a freiné un peu car l’initiative venait sans doute des dominicains. Cela prouve pourtant que la région n’est pas en retard. Le Rosaire a en effet été élaboré seulement quelques années auparavant dans les couvents dominicains de la vallée rhénane. Les monastères meusiens et surtout ceux de Verdun entretiennent une relation intense avec eux et ils diffusent autour d’eux la pensée de maître Eckhart et la dévotion moderna. Dès cette époques, les dominicains et les augustins de Verdun prêchent dans les paroisses extérieures à la ville sous une forme qui annonce déjà les missions de la Contre Réforme. Partant, ils contribuent à diffuser le nouvel esprit.

2– 1789.

Le deuxième terme chronologique pourrait paraître plus simple à déterminer tant la Révolution a marqué une rupture dans l’Histoire de France. Mais justement nous ne sommes pas en France, en tout cas pas dans un territoire français depuis longtemps : l’intégration du Barrois s’est faite en droit seulement en 1768, à la mort de Stanislas. La Meuse ressemble donc beaucoup à la Corse. D’ailleurs, une enquête réalisée il y a quelques années par le SHD, le service historique de la défense, sur les gardes du corps royaux dans les années qui précèdent immédiatement la Révolution, a montré que les deux territoires qui avaient reçu le plus de brevets étaient justement la Corse et la Meuse comme si le roi avait voulu s’attacher les petites familles nobles locales…

En effet toute n’ont pas suivies le mouvement et certaines sont restées fidèles à l’ancienne dynastie quand elles ne sont pas parties à Vienne. Pour l’anecdote, je lisais il y a quelques jours un article sur le scandale financier qui secoue actuellement l’Autriche avec son lot de corruption politique de marchés publics. Or, dans cette affaire, le porteur de mallettes est un noble autrichien d’origine lorraine.

Pour l’essentiel, le reste de la région est dans l’environnement français depuis bien plus longtemps que le Barrois. L’évêché de Verdun, qui est différent du diocèse, c’est en effet la seigneurie de l’évêque qui était aussi, rappelons-le, comte et prince d’Empire, a été annexé de force en 1552, à l’époque du roi Henri II et de la chevauchée d’Austrasie. L’annexion est devenue définitive en droit international lors des traités de Westphalie qui mettent fin à la guerre de Trente ans en 1648.

Le Barrois et la Lorraine ont aussi été occupés durant toute la deuxième moitié du XVIIe siècle, les ducs étant exilé en Autriche où ils défendent d’ailleurs très efficacement, je l’ai dit, Vienne contre les Turcs.

Restauré en 1697, la dynastie quitte définitivement la Lorraine en 1737 à l’occasion d’un grand jeu de chaises musicales européennes : François II devient grand-duc de Toscane, il épouse Marie-Thérèse d’Autriche prélude à son élection comme empereur d’Allemagne, et Stanislas, roi déchu de Pologne et beau-père de Louis XV arrive à Nancy, à Lunéville et à Commercy. En titre, le duché de bar demeure indépendant jusqu’à la mort de Stanislas, en 1768, mais sa souveraineté n’est que théorique et c’est un intendant français qui gouverne la région pour le compte du roi.

Les esprits avaient été de longue date préparés à cette intégration. Ceci dit, même après 1737 et a fortiori 1768, on continue d’utiliser la monnaie locale, le franc barrois et la livre de Lorraine et non pas la livre de France. Les choses sont donc beaucoup plus compliquées qu’on ne le croit.

3– Des « pays » meusiens.

Reste maintenant à définir ce qu’on appelle la Meuse. Le problème reste entier pour les historiens actuels qui doivent choisir pour leurs travaux un cadre spatial. Certains privilégient les entités politiques, les Trois-Evêchés, le Barrois ou la Lorraine (un groupe de travail sur les trois-Evêchés vient par exemple de se mettre en place à l’université de Metz) ou bien les circonscriptions religieuses (l’Atlas religieux de la Lorraine qui se prépare à l’université de Nancy) mais dans les deux cas, il reste des trous importants et bien sûr aucune carte ne correspond aux découpages administratifs contemporains. Or, en 1960, au début de sa thèse sur le Jansénisme en Lorraine, René Taveneaux avait déjà réglé le problème en définissant un « espace lorrain » qui possède sa propre personnalité notamment en matière culturelle et religieuse. Pour la Meuse, les recherches du Père Bonnet, sociologue au CNRS, permettent également de délimiter un espace qui a une certaine cohérence. Les cartes sur la pratique religieuse dressées après guerre montrent par exemple que l’Argonne est vraie frontière entre une zone de pratique importante, la Lorraine, et le Bassin Parisien, déjà très détaché. Mais, bien entendu, cette Lorraine et cette Meuse sont aussi divisées en « pays ».

31- Des « pays » au sens politique.

Au sens politique, c’est d’abord un agglomérat de pays. En effet, le territoire créé en 1790, et on sait que le député de Bar Gossin joua un rôle moteur dans la commission de départementalisation de l’Assemblée nationale, n’allait pas de soi.

Les « pays meusiens ».

Avant la Révolution, nous sommes à cheval entre le royaume de France, la Champagne ici en gris ou des enclaves françaises comme le Clermontois et Vaucouleurs. Jeanne d’Arc - nous ne débattrons pas aujourd’hui pour savoir si elle était meusienne ou vosgienne, cela ne veut rien dire – mais si elle vient à Vaucouleurs en 1429, c’est parce que la châtellenie dépend du roi de France et qu’elle était restée fidèle au roi de Bourges. Au XVIIe siècle et au XVIIIe siècle alors que la seigneurie a été engagée au profit de la famille Dessalles, elle restera encore comme un coin fiché dans les territoires lorrains et à partir duquel l’autorité du roi pouvait rayonner vers l’Est.

Même chose avec Commercy et Ligny. A la fin du Moyen Age, Louis XI s’était emparé du comté de Ligny et l’avait confié à un de ses fidèles, le célèbre Georges de la Témoille, pour y jouer le même rôle qu’à Vaucouleurs. Récupéré par la famille de Luxembourg, le comté, érigé en duché passe ensuite au XVIIe siècle à un des plus grandes familles françaises, les Montmorency dont plusieurs membres ont joué un rôle dans les complots ou les pseudo-complots contre Richelieu et Louis XIII.

Enfin, et sans détailler, la principauté de Commercy devient après la Fronde le refuge du cardinal de Retz, qui faute de pouvoir continuer sa carrière politique en fait un lieu de diffusion du Jansénisme. J’y reviendrai. Retenons seulement pour l’instant que c’est pour lui à la fois une forme très rigoureuse du catholicisme et une manière de continuer à s’opposer à Louis XIV.

Plus au nord, le Clermontois a été détaché des possessions du duc de Lorraine pour constituer un apanage au prince de Condé, autre frondeur notoire, avec Varennes pour capitale.

Si Ligny et Commercy ont été rachetés au XVIIIe siècle par le duc de Lorraine, le Clermontois a gardé longtemps une physionomie à part. Sans la Révolution, ce pourrait être aujourd’hui Monaco…

Le roi de France contrôlait aussi directement les évêchés de Verdun et de Toul et indirectement le Barrois Mouvant. En effet, en matière de justice, les appels des tribunaux locaux étaient adressés auprès d’une juridiction française, en général un parlement.

Dans le Barrois non mouvant, à l’est de la Meuse, la souveraineté du duc est complète et c’est d’ailleurs pour cela que siégeait autrefois à Saint-Mihiel les Grands-Jours, une sorte de parlement et de tribunal suprême pour les duchés. Seulement à quelques centaines de mètres de la Meuse et donc de la limite de la mouvance, cela permettait de s’affirmer face au roi. Ce n’est pas un hasard si en 1634, au moment d’une occupation française, Louis XIII et Richelieu ont installé à Saint-Mihiel, une cour souveraine chargée du même rôle mais cette fois-ci au nom de la France.

32- Un imbroglio administratif.

Tout ceci crée un véritable imbroglio administratif. Je ne reviens pas sur les frontières politiques et encore je ne suis pas descendu, sauf exception, en dessous des principautés, il aurait fallu aller jusqu’au rang des seigneuries qui possèdent encore des pouvoirs.

321- Les limites religieuses.

Les limites politiques ne collent pas avec les limites religieuses, celles des diocèses.

Décrire la carte des diocèses.

L’évêché de Verdun ne correspond pas au diocèse et d’ailleurs son administration est partagée entre le prélat et son chapitre. Le princier de Verdun, le doyen de l’archidiaconé central et qui habitait le palais de la Princerie, était le deuxième personnage de l’évêché et il ne se sentait pas engagé par les décisions de l’évêque. Nicolas Psaume lui-même a dû à son époque batailler ferme contre lui.

Au XVIe siècle, l’évêque ne nomme d’ailleurs que très peu de curés, ce qu’on appelle la collation. Il ne contrôle pas plus de 10 % des paroisses, moins que l’abbé de Saint-Mihiel, mais il est le seigneur temporel dans davantage de localités. Les pouvoirs ont donc tendance à se mélanger. Il touche des impôts, pas que la dîme, et avec son chapitre les revenus de ses terres. Cela explique que les habitants viennent le voir non seulement pour des questions religieuses mais aussi pour des problèmes fiscaux voire pour lui emprunter de l’argent. En revanche, comme tout chef d’Etat – le mot est peut-être un peu fort – il conduit une diplomatie, parfois à l’échelle européenne.

322- Limites fiscales dont la gabelle.

Les limites fiscales sont encore différentes. Au début du XVIIIe siècle, le duc Léopold envoie l’abbé Rice enquêter sur ses terres afin de savoir quels villages dépendent de lui ou pas (il existe en effet des localités mi voire tripartites) et qui donc lui doivent quelque chose…

Au moment de l’intégration à la France. La question fiscale a été très importante notamment le problème de la Gabelle car le statut de l’espace lorraine était très différent de celui de la Champagne où on payait cher…

323- Limites judiciaires.

Je ne vais pas détailler la question judiciaire, mais là aussi il existe un imbroglio qui profite largement aux habitants qui savent habilement jouer des frontières, ce qu’Hervé Piant a admirablement expliqué dans son livre sur la Prévôté de Vaucouleurs. Les habitants jouaient parfaitement des appels, des concurrences entre les justices. En cas de condamnation à l’exil dans un village mi-partie, il suffisait en effet de traverser la rue…

Pour preuve, j’en veux la seigneurie de Stainville et l’affaire de Couvonges que j’ai présenté jadis aux Journées d’Etudes Meusiennes : des médecins en 1704, en zone frontières qui fabriquent des « anatomies » pour échapper aux poursuites éventuelles.

324- Les monnaies.

On n’imagine pas le progrès de la rationalisation révolutionnaire en matière de poids et mesures et de monnaies.

Sous l’Ancien Régime, le problème de la monnaie est triple : système qui fonctionne en général sur un base 12 et non pas le système décimal, il y a séparation entre la monnaie de compte, une monnaie virtuelle donc la livre, et le numéraire, et enfin les monnaies locales coexistent avec les monnaies étrangères.

Monnaie de compte Lorraine = £.L : Livre lorraine qui correspond environ à 0,8 £.T : Livre tournois c'est-à-dire de France mais en Barrois on use du Franc Barrois dont j’ai oublié la parité = FB : Franc barrois (1 FB = 12 gros ou 192 deniers soit 16 deniers pour un gros). Voilà de jolis problèmes de mathématiques pour les écoliers d’antan.

Bien sûr les pièces qui circulent sont en or, en argent ou en cuivre, la monnaie de billon, qu’elles proviennent des duchés ou des états voisins mais qui elles ne comportent aucune valeur faciale. C’est la pesée qui donnera la valeur. Le travail des comptables est donc assez compliqué.

Monnaie papier = expliquer la constitution de rente = une forme de crédit, une civilisation et une forme de monnaie.

324 – Les mesures : l’ex. des surfaces.

Même difficultés avec les mesures. Prenons l’exemple des surfaces.

Mesures différentes selon la nature de la surface : La fauchée (F) pour les prés, la journée (J) pour les emblavures et l’arpent (A) pour les bois ont une surface équivalente.

En règle générale :

F = J = A = 10 omées ou 250 verges carrées = 20,44 ares.
Omée = 2,044 ares.
Verges carrées = 8,17 m².

En revanche, pour tout simplifier, la mesure change entre le Barrois et le Verdunois voire parfois d’un village à l’autre. Pour les mesures de contenances, cela devient même ingérable.

33 - Des « pays » au sens culturel.

La question des mesures prouve que l’on peut parler de « pays », au pluriel, aussi dans un sens culturel. Le nord meusien n’est pas le sud meusien, c’est encore valable aujourd’hui, on le sait bien et pas seulement dans les querelles politiques.

Certains secteurs, même quand leur intégration est ancienne, ont quant même gardé une physionomie particulière. C’est le cas de la région de Marville qui faisait autrefois partie des Pays-Bas espagnols et où on trouve des inscriptions dans les églises à la gloire de Charles Quint ou de Philippe II d’Espagne.

Cette physionomie transparaît dans la toponymie, dans les dévotions locales ou dans l’existence de coutumes particulières. Ainsi, dans le centre-ouest de la Meuse, entre Revigny et Rembercourt-aux-Pots, on trouve encore aujourd’hui de fréquentes mentions de Saint-Eloi, en référence à des associations pieuses qui ont existé de la fin du Moyen Age jusqu’à la guerre de 14 (elle existe encore à Revigny).

Expliquer les saint-Eloi et présenter la statue.

Au nord de Verdun, autours de Charny, même chose mais avec Saint-Hubert. A une autre échelle, on a remarqué que de manière constante, sur plus de 300 ans, les naissances illégitimes étaient deux à trois fois plus importantes dans le nord-meusien qui relevait du diocèse de Verdun que dans le sud qui relevait de Toul. A l’inverse, le sud-meusien où la dévotion envers la Vierge était plus développé, était structuré par tout un ensemble de groupes, de pratiques, d’habitude qui visaient à surveiller et à encadrer les filles. Donc sur le plan social et même dans le domaine culturel, ils existaient des différences importantes dans la vie quotidienne entre les « pays » meusiens.

Elles sont d’ailleurs visibles dans l’espace. Ainsi, à l’époque moderne, autour de Saint-Mihiel, cité qui dépendait du diocèse de Verdun, on installait des croix à la croisée des chemins alors que sous les côtes de Meuse, là où se trouve aujourd’hui le lac de Madine et qui dépendant au spirituel de Toul, c’est des statues de la Vierge et des petites chapelles qui étaient édifiées.

On peut donc, je crois, utiliser le terme de « pays » pour décrire la Meuse d’Ancien Régime, un terme qui n’a pas attendu les lois de décentralisation pour être sur le terrain une réalité géographique.

4– Une fausse familiarité : un autre monde.

Mais attention, si certaines réalités ont survécu jusqu’à nos jours, l’époque moderne entretient avec nous une fausse familiarité.

41 - La langue.

C’est d’abord celle de la langue.

Moins dépaysant que le Moyen Age, a fortiori l’antiquité.
La langue est presque la même.
On peut lire les inscriptions dans les églises.
Mais en réalité il y a des différences d’un pays à l’autre notamment dans le vocabulaire et là je le contente de renvoyer aux travaux du professeur Lanher.

42 - Les écritures.

Généalogie, archives départementales, intérêt pour l’Histoire locale.
On arrive à lire les écritures même si elles évoluent beaucoup sur la période.
CF. Années 1660 avec des boucles à n’en plus finir et l’introduction des accents.
La fixation de l’orthographe c’est pour plus tard.

Qui dit écriture, dit éducation. Or, la Lorraine est en avance dans ce domaine grâce à ces petites écoles. Tous les villages en ont une.

Rôle des organisations religieuses pour le financement. Les filles aussi.

43 - Les mentalités

Donc on les comprend, ces meusiens du XVIIe et du XVIIIe siècle mais c’est un monde très différent notamment dans le domaine des mentalités à une époque où la mortalité infantile fait disparaître 1/3 des enfants avant l’âge d’un an.

Rapport à la nudité mais chapeau ou foulard.
Présence des morts : l’Argonne (discussion avec un universitaire qui me disait que le doit canon disait le contraire et que donc ça ne devait pas exister).
Peur de la mort brutale : la mort baroque.
Un monde de l’entre soi ou les relations font le capital social et où on se surveille…

Plan : Pour le reste, cette longue discussion, sur les dates notamment, a montré les difficultés d’un découpage chronologique qui soit commun à l’ensemble des « pays » de la Meuse. J’en resterai donc pour le récit qui va venir à une présentation par siècle, des siècles un peu larges, un peu élastiques qui ont le mérite d’être bien typés : un âge d’or au XVIe siècle, une tragédie au XVIIe siècle, une annexion au XVIIIe.

Et pour le contenu, devant brosser un portrait en une heure, une heure que j’ai déjà à moitié entamée, j’ai préféré replacer à gros traits les pays meusiens dans l’Histoire européenne, afin de montrer que nous ne sommes jamais en retard, et privilégier le vécu des habitants.

Je n’irai en revanche pas dans le détail de l’économie sauf à indiquer les périodes de crise ou de reconstruction et à montrer comment les gens ont fait pour s’en sortir aux périodes difficiles.

Et puis j’aimerai vous montrer les lieux à voir !

II – L’Age d’or : un beau et long XVIe siècle.

Ce XVIe siècle pourrait aller de 1480 à 1630 et durer 150 ans. Alors bien sûr, il ne faut rien exagérer. Il connaît aussi ses périodes de disette ou de peste, par exemple vers 1590, mais globalement la période est brillante. Bar le Duc est Verdun sont en relation avec l’Europe entière et elles n’ont rien à envier en matière de Renaissance et d’Humanisme à d’autres capitales.

Au centre de l’Europe :
Concordat de Nuremberg.
La chevauchée d’Austrasie : annexion des Trois-Evêchés.
Les visites royales, Charles IX à Bar-le-Duc, les mariages royaux = quand Bar rapprochent les deux dynasties.
Nicolas Psaume et le cardinal de Lorraine. Diplomatie, Concile, Haute Théologie. La réception des décrets du concile de Trente et avance sur l’application.

La Renaissance / Des humanistes :
Un contemporain de Montaigne = Jean Errard.
Gilles de Trèves.
Ligier Richier.
L’aspect monumental : Marville, Saint-Mihiel.
De Bibliotheca = incunables etc.

De Bar à Nancy :
Les Grands Jours de Saint-Mihiel.
Bar ou Nancy, plus d’habitants à Bar au XVIe siècle qu’à Nancy.
Toutes les villes sont des petites capitales : Bar, Saint-Mihiel, Ligny, Commercy, Verdun.
Le départ progressif des ducs, une autre nécropole ducale = du squelette de Ligier Richier à la chapelle des Cordeliers de Nancy.

Une brillante sociabilité : l’appartenance à des groupes.
La moindre présence du prince permet en revanche l’épanouissement de groupes nobiliaire, d’association, de cercles très brillants où la bourgeoisie montante trouve même à s’intégrer et à s’épanouir.
L’Ordre de Saint-Hubert de Bar.
Les archers : cies d’archers, géogr, usages, mélange traditions et news : le baptême au vin.
Les Saint-Eloi.
Les associations professionnelles : Saint-Fiacre : but, entraide mutuel etc.

La Réforme : un protestantisme diffus et finalement peu réprimé.
La réforme : Avant Luther, prédications, Le Marlorat.
Quelques rares buchers (Instituteur Crespin à Saint-Mihiel en 1535).
Verdun 1562 - La procession dite des Huguenots.
Bar, Ligny, Saint-Mihiel.
Ligier Richier : l’appel de Saint-Mihiel au duc Antoine.
Le paradoxe de la mise au tombeau de Saint-Mihiel. Genève.
Le protestantisme diffus de Nettancourt à Thillombois, de l’Aire à la Meuse, l’Argonne. Des toponymes = Rosnes, rue du temple.
La ligue : prudence du duc, le siège de Bar.
Jean de Savigny de Rosnes adjoint du duc de Guise.
Les guerres de religion épargnent la Meuse (Wassy…).


Réforme catholique plutôt que Contre Réforme :
Marguerite de Savoie à Ligny = plus RC que CR = couvents, processions.
Exaltation du dogme catholique = baldaquin cathédrale = St-Pierre = présence réelle Christ dans l’Eucharistie = Psaume 1554 Livres et conf.
Des villes clochers = l’installation de nouveaux ordres religieux et monastiques : capucins, minimes, carmes, carmélites, annonciades etc.
Les Jésuites = collèges de Bar et Verdun, résidence de Saint-Mihiel.
Renouvellement et enrichissement spirituel : vers une religion plus intime, plus personnelle.
Les sorciers = peu finalement contrairement aux Vosges.

III – La tragédie du XVIIe siècle : Les Pays Meusiens à l’époque de « la première guerre mondiale européenne ».

Et puis arrive la tragédie : la guerre de Trente ans précédée déjà par quelques longs hivers et la disette. Les troupes de passage vont amener avec elle la peste.

Montmédy.
On s’y préparait : une double citadelle = Stenay au début du XVIIe siècle.

La guerre de Trente ans :
Résumé la guerre de Trente ans = causes, implication décalée.
Destructions de châteaux, batailles en Meuse ; cf près de Lavalée.
Louis XIII, Richelieu, Anne d’Autriche et ses grossesses…
Le château de Madame de Saint-Balmont : un petit état, l’Amazone.
Ossuaire de Marville : développement du morbide. La peste, la famine, la guerre = pas de familles exponentielles, notion de crise démographie, Pierre Goubert, Troyon. Pierrefitte. Zone rouge. La perte démographique = au moins 50 %.
1661, 1696, Long Hiver 1709 : registres paroissiaux.
Occupations et annexions, Dun, Clermontois.
Louis XIV et Vaudan en Meuse. Le siège de Montmédy. Fortifications = Montmédy comme Longwy mais pas classé Unesco…

Atténuer la crise
L’assistance.
Saint-Vincent de Paul, abbé Guérin et Saint-Mihiel, les pieuses dames : les charités (de la charité à l’enfermement des pauvres, les chasses pauvres, pauvres d’ici et de là-bas, pauvres honteux…, le système de cloisonnement à Verdun). Michel Foucauld.
La spiritualité.
Multiplier les protecteurs : Vierge au grand manteau le tableau de Naives-devant-Bar.
L’assimilation incendie – peste = Sébastien – Barbe.
Les tournées Saint-Hubert d’Ardennes = peste et rage.
ND de Luxembourg = répits = cf. force de la mortalité infantile.
Benoîte-Vaux, Avioth = répits.
Processions blanches puis pèlerinages.

Reconstruction :
Reconstruction matérielle : démographique, j’en dirai un mot après, agricole (achevée vers 1720), croissance économique, bâtiment (églises).
Reconstruction spirituelle.
Mechtilde de Bar : vie + insertion à l’école française de spiritualité et liens avec la Meuse.
Le cardinal de Retz à Commercy.
Dom Hennezon et Saint-Mihiel : l’académie. Le jansénisme.

IV – Vers l’annexion : Les Pays Meusiens au XVIIIe siècle.

J’ai déjà été très long, je vais aller à l’essentiel d’autant que nous savons déjà où nous allons arriver : l’annexion.

Vers un monde plein.

La récupération démographique : naissances.
Calme, croissance.
1697 – Léopold. Enquête Rice.
Le micro-crédit /le crédit agricole.
Claude Nassé : exemple d’un curé de choc qui reconstruit sa paroisse sur le modèle d’une théocratie.

De nouvelles menaces.
Mariage tardif.
Naissances illégitimes, pères inconnus, fantasme ou réalité : Saint-Mihiel.
Moraliser la jeunesse = Fains.
Sociétés de jeunes : Gondrecourt.
Défendre la vertu des filles.
Le Sacré-Cœur.

Vers l’annexion.
Une anecdote : Un lieu de relégation = Jacques Stuart à Bar-le-Duc.
Le retour de Léopold = 1697.
1737 - François II -Opposition de la duchesse douairière. Garder au moins le Barrois. Princesse de Commercy. Stanislas. Château de Commercy.
Le retournement des alliances, France et Autriche = Duc de Choiseul = Chassey – Stainville… qui est parti vers la Loire et Amboise.

CONCLUSION OUVERTE.

Je ne vais pas conclure, c’est l’époque contemporaine qui le fait à travers Jean-Pierre Harbulot. J’espère seulement avoir pu montrer que la Meuse n’est même si elle n’existait pas, a été au cœur de l’Histoire européenne et ceci bien avant 1916.

jeudi 31 mars 2011

Chère amie, cher compagnon,



C'est aujourd'hui que sort le nouveau livre de Nicolas Dupont-Aignan aux éditions du Rocher - L'euro, les banquiers et la mondialisation : l'arnaque du siècle. Vous le trouverez de préférence dans toutes les bonnes librairies, et vous pouvez également le commander en ligne : http://amzn.to/gdTcNB N'hésitez pas également à appeler le centre national de DLR au 01 69 49 17 37 afin de vous le faire livrer à votre domicile par nos soins. Pour tous ceux qui aiment leur patrie comme on aime sa famille, NDA a voulu que ce livre soit la référence de l'année 2011. Ainsi, à travers le symbole de la sortie de l'euro, il y fait des révélations surprenantes sur la façon dont le système bancaire se sert de l'Union Européenne pour nous imposer un véritable racket organisé, et il nous explique comment notre classe politique a sacrifié l'Europe sur l'autel d'intérêts pour le moins ambigus.

NDA raconte également des anecdotes stupéfiantes sur le personnel politique français et la façon dont ils se sont couchés pour des intérêts qui ne sont pas les nôtres. Il est notamment le premier député à révéler le scandale de l'affaire France Trésor qui ne manquera pas de faire du bruit dans les jours à venir !


Enfin, il donne les clés du sursaut pour la France et délivre un mode d'emploi de la sortie de crise. Vous le savez, pour nous tous la sortie de l'euro est une occasion unique pour les Français de retrouver l'usage de leur liberté, de renouer avec un projet politique enfin tourné vers la croissance et de bâtir une vraie Europe des nations. En exclusivité, nous vous dévoilons les premières pages de L'arnaque du siècle.


"24 juin 2012.


Il souffle sur la France un vent de liberté. Depuis sa victoire en Coupe du monde 1998, on n'avait jamais vu ça : les Français sont dans la rue. Non pas les uns face aux autres, comme dans les manifestations et les blocages dont personne ne sort grandi, mais ensemble, communiant dans une même ferveur, partageant la fierté d'être libres.


Quelques semaines plus tôt, le nouveau président de la République avait tenu sa promesse : sa première décision avait été de rendre le pouvoir aux Français, en les interrogeant par référendum sur cette question jusque-là confisquée : « Souhaitez-vous que la France reprenne la maîtrise de sa monnaie ? »


On avait bien senti que la victoire du « oui » serait surprenante. Elle est éclatante : 68 % des Français ont dit oui. Oui à la liberté retrouvée, oui à la reconquête des pouvoirs perdus, laissés trop longtemps à des experts de rien, des gouverneurs de pacotille, des maîtres lointains et hautains. Oui à la France souveraine dans une Europe forte.


En ce soir de juin, dans les premières chaleurs de l'été, les Français sont heureux. Heureux de se retrouver, de se retrouver entre eux et de se re­trou­ver eux-mêmes. Heureux d'avoir redressé la tête, face aux Cassandre qui les mettaient en garde contre la folie de se débarrasser de l'euro. Heureux d'avoir repris le pouvoir. Heureux de voir que, loin de la honte qui était promise en Europe au premier peuple qui abandonnerait l'euro, leur choix souverain est, au contraire, accueilli, dans toutes les capitales européennes, par des scènes de ferveur populaire, avec des pancartes sur lesquelles on peut lire, pêle-mêle : « Viva il France », « Ich bin ein Fransöze », ou « Euro go home ! »


Côte à côte sur une même tribune, les deux grands perdants de la Présidentielle, Nicolas Sarkozy et Dominique Strauss-Kahn, font grise mine. Marine Le Pen, toujours seule de son côté, n'arrive pas non plus à se réjouir. Elle a toujours préféré les peuples en colère aux peuples heureux.


Ce jour est historique. Cela faisait dix ans que la France vivait avec l'euro. Ou plutôt, sous l'euro, comme sous le joug d'un outil devenu maître, d'un instrument devenu tyran. D'une monnaie devenue dogme, d'un dogme devenu système, d'un système devenu totalitaire.


Cette victoire du oui a un parfum de revanche. Les rapports sont inversés. Les victorieux d'hier sont les vaincus d'aujourd'hui. Les puissants du moment voient les peuples se lever. À Bruxelles, à Francfort, on fait ses valises à la hâte. Dans les sièges des partis politiques, à Paris, on voit les visages qui s'allongent. Le « non » qu'ils conspuaient hier, en 1992 avec Maastricht, en 2005 avec le Traité européen, c'est eux aujourd'hui qui l'incarnent. Et c'est eux, à chaque fois, qui l'ont incarné. Leurs « oui » à Maastricht, à la Constitution européenne, à l'euro, n'étaient que des refus déguisés, des capitulations successives, des renoncements à la liberté. Au pouvoir. À la France et à l'Europe.










C'est vrai, ce soir, il y a aussi des perdants. Tous ceux qui avaient misé sur l'euro, capitalisé sur lui. C'est vrai, ce soir, la peur change de camp, et les riches, les rentiers, les « délocaliseurs », les banquiers, font une drôle de mine. Dans les sièges des grandes banques, dans les bureaux des hautes tours de la Défense, de Bruxelles, de Berlin, la tension est palpable. Les unes de la presse libérale crient au drame, dénoncent « la France populiste et anti-européenne » et titrent sur « l'isolement français ».



Comment réagira la scène internationale, les puissants de ce monde ? Tandis qu'il met en garde, en duplex sur TF1, contre la terrible réaction à craindre des capitales européennes et des présidents américains ou chinois, le pauvre Dominique Strauss-Kahn est interrompu. Angela Merkel va parler depuis la Chancellerie à Berlin. Rupture des accords commerciaux ? Rappel de l'ambassadeur ? Quel sera le verdict ? Sur le plateau de Laurence Ferrari, la mine défaite, on commente, on conjecture. La chancelière allemande, elle, tout sourire, annonce qu'elle répond favorablement à l'invitation du président français à assister aux cérémonies du 14 juillet, à Paris, et qu'elle y évoquera avec lui la coopération nouvelle qui doit se nouer entre les deux pays. Elle reconnaît, à demi-mot, le service qu'il lui rend, comme à toute l'Europe, en sortant l'euro et propose déjà à l'Allemagne de suivre le même chemin ! Une dépêche tombe : Barack Obama répondra à l'invitation du nouveau président français pour un sommet France-États-Unis et décline l'invitation qui lui avait été faite par la Commission européenne, dont il ne reconnaît pas, semble-t-il, la légitimité démocratique. La soirée se termine sur un débat autour des conséquences économiques de l'abandon de l'euro pour la France. Le ton n'est pas partout alarmiste et certaines langues se délient. Parmi les intervenants, un industriel, rejoint par un autre, déclare que « l'abandon de l'euro n'est pas la fin du monde et ouvre, après tout, de nouvelles perspectives pour l'activité et l'emploi en France »...


Fiction, diront certains. La révolution du jasmin en Tunisie devrait pourtant nous enseigner ceci : quand on se coupe du peuple, il y a des mouvements de révolte et de liberté qu'on ne voit pas venir..."






lundi 28 février 2011

Kadhafi et la répression en libye.

Juste une petite réflexion sur la mondialisation de l'indignement. Bien sûr, Kadhafi est un dictateur atroce, un terroriste, un trafiquant d'armes et de drogue et la répression actuelle en Libye réclame l'attention de la communauté internationale. Mais rappelons nous 1871 et la commune de Paris, la semaine sanglante, l'armée versaillaise reprenant Paris quartier par quartier et collant au mur les fédérés. On répondra que le gouvernement de Monsieur Thiers était le gouvernement légal de la France, un gouvernement reconnu par les Nations et par l'ennemi, Bismarck qui négociait alors avec lui les conditions de la paix. Mais justement, aussi atroce soit-il, Kadhafi était et est encore reconnu par toutes les chancelleries comme le chef de l'Etat libyen. On s'excuse presque aujourd'hui de sa venue en France, il y a deux ans, mais on n'oublie que le rôle de la diplomatie est de discuter avec nos adversaires, en tout cas avec ceux qui posent problème. A quoi nous avance de parlementer avec les amis... La condamnation tout azimut, et un peu facile des répressions, (attention je ne suis pas en train de soutenir Kadhafi) est un moyen commode de rattapper le train et de nous faire plaisir. Mais imaginons, il y a quelques années, que la situation ait débordée dans nos banlieues (merci à nos forces de maintien de l'ordre pour leur professionnalisme, forces qui sont hélas en train d'être petit à petit démantelées). Aurions nous accepté d'être condamné sur la scène internationale ? Que ferons nous demain si ce genre d'évènements arrive, en métropole comme outremer. La France serait-elle prête à accepter un nouvel Ouvéa ?

vendredi 11 février 2011

216 profanations anti-chrétiennes en France en 2010 : 0 réaction !

Dans la nuit du dimanche 26 au lundi 27 décembre, la crèche au Gond (sud-ouest) a été vandalisée. 1er janvier 2011, l’église chrétienne évangélique de Montfermeil a été vandalisée et en partie incendiée. 12 Novembre 2010, Avignon : La paroisse Saint-Jean à Avignon est le théâtre depuis plusieurs semaines de menaces « inter-communautaires ». Le père Gabriel a brisé le silence après qu’un cyprès jouxtant l’église ait été incendié.Tags insultants, jets d’excréments sur les murs de l’église… et la semaine dernière, un « jeune » qui entre dans l’église en pleine messe, urine sur le parvis, et hurle aux paroissiens : « on va tous vous griller, vous et votre église ». 05 Novembre 2010, Carcassonne : des catholiques caillassés en pleine messe. L'église est ensuite taguée : 14 octobre 2010, STRASBOURG : Une église catholique de Strasbourg a été profanée mardi par des islamistes qui ont tagué sur la porte un appel à la « croisade » pour l’Islam… Les médias et la classe politique ne semblent pas s’en émouvoir. Cette profanation intervient dans un contexte tendu à Strasbourg où le maire de la ville avait lancé un appel contre le racisme et l’antisémitisme… il aurait sans doute dû préciser que le racisme peut également prendre pour cible les catholiques. 13 octobre 2010, Gironde : l’église Saint-Jean-Baptiste de Bazas profanée 24 juillet 2010, ECHILLAIS en Charente-Maritime : Une église profanée. Des indices laissent penser que les vandales sont entrés à motocross dans ce chef d’œuvre de l’art roman, etc. ! Même l’archevêque de Bruxelles a été entarté en pleine messe par un musulman !
Et ces scènes se répètent partout en Europe ! Selon le Figaro du 22 septembre dernier, il y a eu l’année dernière en France 226 profanations : six antimusulmanes, quatre antisémites et… 216 antichrétiennes. Et pendant ce temps, on autorise des campagnes publicitaires comme celle-ci qui a au moins le mérite d’énoncer clairement les choses quant aux possibilités d’intégration des musulmans Inchallah.com: 450 panneaux publicitaires 4 m × 3 m affichant clairement un positionnement de marketing « affinitaire »

Les politiques et les associations font mine de ne rien voir à l'exception du député de Puteaux Gérard Brazon :«
Ce site fait de la ségrégation en encourageant les rencontres entre personnes de même religion et uniquement de même religion. (…) La différence fondamentale est qu'aucun non-musulman ne pourra s'inscrire sur ce site sans se convertir de facto ! Car il ne faut pas oublier que si un musulman peut se marier avec une non-musulmane, l'inverse est interdit par l'islam. » . Brazon qualifie le site de rencontres comme un suppôt du « communautarisme » et du mariage « entre soi ». Le sacrilège ne pose aucun problème quand il s’agit de s’en prendre aux Chrétiens. Ce genre de faits divers aurait fait les gros titres des médias s’ils avaient été commis dans une mosquée ou une synagogue. Les Chrétiens en revanche, première cible des actes de profanation, n’ont droit à aucun égard lorsqu’ils sont victimes d’agressions .
Selon la loi de 1905, si la République ne reconnaît, ni ne subventionne aucun culte, elle a le devoir d'assurer en France tant la Liberté de conscience que la liberté de culte. reste à voir...

mardi 25 janvier 2011

Georges Mendel (1885-1944) et Nicolas Sarkozy

Les téléspectateurs ont pu voir dernièrement, sur la 5, le téléfilm, qui date déjà d'une dizaine d'année, sur Georges Mendel. Derrière l'éblouissante interprétation de Jacques Villeret, se cache l'excellente adaptation de Jean-Michel Gaillard, agrégé d'Histoire, ancienne plume de François Mitterand et bon connaisseur de la vie politique et de ses moeurs. Rien à dire donc sur Mendel, ancien proche de Clemenceau et son chef de cabinet en 1917-1918 et sur son rôle de Cassandre face à la montée du nazisme. Passons. Le plus intéressant est ailleurs ! Le livre dont est tiré le film est attribué à Nicolas Sarkozy... A l'époque, celui-ci a échoué à faire élire Edouard Balaldur à la présidence de la République, il est donc tricard face aux chiraquiens pour cause de trahison et il a quitté la direction du RPR après le fiasco des élections européennes. Son horizon politique paraît considérablement obscure. En même temps qu'un essai du même auteur, la biographie de Mendel participe donc d'un 'plan comm' qui vise à tracer de nouvelles perspectives pour "le petit" (sic. Jacques Chirac). L'ouvrage vante l'énergie, le volontarisme, le désir de faire bouger des administrations assoupies... Le temps a passé, le public peut comparer le projet inavoué / avoué à l'époque à ce qu'est devenu l'auteur. Mais le "Dernier été" est l'histoire d'un échec, celui d'une non-rencontre entre un homme politique et l'Histoire.

Le lieutenant-colonel Driant (1855-1916), auteur de science-fiction ou stratège empêché ?

Le lieutenant-colonel Driant (1855-1916),
auteur de science-fiction ou stratège empêché ?
par Frédéric Schwindt[1]



Même s’il est encore bien présent dans la mémoire des Meusiens, le colonel Driant est aujourd’hui un peu oublié en France. Chaque année, la cérémonie organisée au nord de Verdun, au bois des Caures, là où il s’est sacrifié avec ses chasseurs, est d’autant plus émouvante que le calme et la sérénité de l’endroit font oublier le déluge de fer et de feu qui s’y est abattu le 21 février 1916. Les nancéens se souviennent qu’il a été député de la ville grâce à une place qui porte son nom près de la cathédrale. L’écrivain, auteur sous le pseudonyme de Danrit d’une trentaine de volumes à la façon de Jules Verne et qui fut très populaire avant guerre, s’est également effacé. Comme Balzac avec La Comédie Humaine, Driant avait conçu toute son œuvre sous la forme d’une série intitulée La Guerre de Demain[2].
De nombreuses publications lui ont néanmoins été consacrées ces dernières années dont l’excellente biographie de Daniel David[3]. Plus récemment, « Les Bastions de l’Est de Boulanger à De Gaulle », préfacé par Philippe Séguin, ont permis de replacer le colonel Driant au milieu des écrivains et des hommes d’Etats français du début du XXe siècle, les Barrès, Poincaré et autres Lyautey, et d’évoquer leur rapport commun à la frontière[4]. Plus pointus mais passionnants, les travaux de Gérald Sawicki sur l’espionnage franco-allemand ainsi que sur l’affaire Schnaebele, apportent une pièce important au décor[5].
Jusqu’ici, les historiens ou les critiques littéraires ont surtout étudié le militaire et l’écrivain voire, dans le cas de Daniel David, le rapport entre les deux. Mais le stratège a peu retenu l’attention d’autant que comme d’autres personnages ultérieurs, très connus à l’image De Gaulle ou inconnus du grand public comme David Galula, il est resté en marge de la réflexion stratégique dominante[6]. A la lumière de l’engagement en Afghanistan, on a pourtant redécouvert, quarante ans après sa mort, la pertinence de la pensée de Galula sur la contre-insurrection. Il n’est peut-être donc pas trop tard pour Driant.
En général, un écrivain utilise sa vie dans ses romans. C’est vrai pour Driant qui transpose ses souvenirs de jeune lieutenant affecté au fort de Liouville, en Meuse, dans son premier ouvrage : « La Guerre de Forteresse ». C’est à cette occasion qu’il donne vie, pour la première fois, à son héros récurrent, Danrit. Mais l’inverse est vrai aussi car, par une suite de hasards, le colonel Driant a aussi vécu ses livres. Le 20 février 1916, à la veille du déclenchement de la bataille de Verdun, alors qu’il vient de recevoir la visite de Joffre, il adresse à sa femme ce dernier courrier où il se montre résigné quant à son sort. Il sait ce que lui et surtout ses chasseurs vont subir dans les heures à venir :

« Je ne t'écris que quelques lignes hâtives, car je monte là-haut, encourager tout mon monde, voir les derniers préparatifs ; l'ordre du général Bapst que je t'envoie, la visite de Joffre, hier, prouvent que l'heure est proche et au fond, j'éprouve une satisfaction à voir que je ne me suis pas trompé en annonçant il y a un mois ce qui arrive, par l'ordre du bataillon que je t'ai envoyé. A la grâce de Dieu ! Vois-tu, je ferai de mon mieux et je me sens très calme. J'ai toujours eu une telle chance que j'y crois encore pour cette fois.
Leur assaut peut avoir lieu cette nuit comme il peut encore reculer de plusieurs jours. Mais il est certain. Notre bois aura ses premières tranchées prises dès les premières minutes, car ils y emploieront flammes et gaz. Nous le savons, par un prisonnier de ce matin. Mes pauvres bataillons si épargnés jusqu'ici ! Enfin, eux aussi ont eu de la chance jusqu'à présent… Qui sait! Mais comme on se sent peu de choses à ces heures là. »

Driant écrit avec les mots de La Hire (1390-1443), compagnon fidèle de Jeanne d’Arc qui, sur son lit de mort, affirmait lui aussi qu’il avait fait ce qu’il avait pu ![7] Mais, consciemment ou inconsciemment, il reprend aussi les premières pages de « La Guerre de Forteresse », où il affirmait déjà qu’il avait toujours eu beaucoup de chances. En Tunisie, territoire où le jeune officier a servi et qu’il a tant aimé, on aurait appelé cela la baraka… Tant comme soldat que comme écrivain, Driant / Danrit se concevait en effet et d’abord au service de la France.

UNE VIE AU SERVICE DE LA FRANCE.

Une vocation militaire.
Emile Driant est né le 11 septembre 1855 à Neufchâtel-sur-Aisne, en Champagne, où son père était notaire et juge de paix. S’il appartient à la petite bourgeoisie de province, il ne dispose pas d’une énorme fortune. Ecrire sera donc pour lui aussi un métier à une époque où la solde des officiers était très modeste et ne suffisait pas, loin s’en faut, à tenir son rang. Les règlements quant au mariage des officiers étaient donc très précis afin garantir aux officiers des revenus conséquents grâce à la dot des heureuses épousées. Après sa démission de 1905, l’écriture deviendra une profession à plein temps lui permettant de faire vivre sa famille. Et même devenu député en 1910, il en tirera toujours l’essentiel de ses revenus, la notion de rémunération des élus étant encore pour l’essentiel une notion…
Adolescent en 1870, comme Raymond Poincaré à Bar-le-Duc (né en 1860) ou Maurice Barrès à Charmes (né en 1862), il a vu passer les troupes prussiennes et a subit personnellement l’occupation. Tous trois livrent naturellement des témoignages similaires :

« J’ai dans la mémoire la vision très nette de bataillons comme ceux qui passent en ce moment, casque en tête ; ils se succédaient jour et nuit devant la porte de mes parents. C’était à Neuchâtel, aux portes de Reims. Ceux-là revenaient de Sedan. J’avais quinze ans et je comprenais. Aujourd’hui, quand j’entends les jeunes s’égarer dans les rêveries humanitaristes, je me dis : S’ils avaient vu cela ! »

On comprend l’origine de sa vocation militaire et de son amitié future avec Barrès, son collègue à l’Assemblée Nationale, ou avec Déroulède, le chantre de la Ligue des Patriotes. Cette vision de défaite fait d’ailleurs écho dans son esprit à un autre évènement issu de la tradition familiale et que Driant immortalisera dans on œuvre littéraire. En 1814, son grand-père avait entrevu Napoléon et même touché sa redingote.

« Le vieillard avait vu le Grand Homme passer un jour à cheval, dans la rue de Vesle, à Reims, calme sur son cheval blanc, alors qu’autour de lui s’accumulaient les armées prussiennes (…) Tous ces mystérieux enthousiasmes, qui avaient vibré dans l’âme française pendant vingt ans, se retrouvaient, sous la forme d’un culte presque religieux dans son esprit. »

Malgré ses critiques parfois virulentes de la IIIe République et du régime parlementaire et comme pour Barrès qui acceptait l’héritage de la Révolution, cet évènement à lui seul a suffit à vacciner Emile Driant contre le Nationalisme Intégral et le combat pour la Monarchie d’un Maurras.
Elève au lycée de Reims, il obtient un premier prix d’Histoire au Concours Général. Mais alors que son père aurait aimé le voir lui succéder dans son étude, il veut être soldat, sans doute une conséquence des images de 1870 si profondément imprimées dans son cerveau qu’il y revient constamment dans ses livres, notamment dans « La Guerre de Forteresse », premier volume de « La Guerre de Demain », son premier ouvrage publié en feuilleton à partir de 1888. C’est son double Danrit, commandant en second d’une compagnie du 54e RI chargé de tenir le fort Liouville, qui parle au moment où la guerre éclate :

« Sorti de Saint-Cyr en 1877, j’étais encore enfant quand les corps d’armée germains étaient passés, se succédant sans interruption, dans ce petit village de Neufchâtel, près de Reims, sur la route de Paris. Et je me souvenais qu’alors, furieux de mon impuissance et de ma jeunesse, je m’étais juré de grandir bien vite et d’être officier pour le jour de la revanche… et ce jour était venu. Enfin ! (La Guerre de Forteresse, Flammarion, 1888, p.12).

Après une double licence en lettres et en droit, Driant intègre en effet Saint-Cyr en 1875 et il en sort dans la botte, 4e en 1877. Petit mais très doué pour l’équitation, selon ses instructeurs, il choisit pourtant l’infanterie. Très bien noté, il est promis aux plus hauts postes de la hiérarchie militaire et, comme c’est le cas à l’époque, c’est aux colonies, plus précisément dans le protectorat de Tunisie, qu’il fait ses premières armes. Aspect moins connu, il passe aussi par la Meuse.
A l’époque de Boulanger, Driant aurait été chargé de discrètes missions d’inspection sur la frontière. Mais déjà en début de carrière, il avait affecté à Saint-Mihiel, alors grosse de garnison et QG de division. Là, il exécute des relevés topographiques avant de rejoindre le fort de Liouville. Plus tard, élu député de la Meurthe & Moselle, il s’intéresse beaucoup au secteur fortifié de Toul qui poursuit au sud-est celui de Verdun. Constamment, sa carrière ramène donc le soldat-écrivain vers la Meuse et la Lorraine qui apparaissent naturellement dans ses romans. C’est entre Saint-Mihiel et Apremont et notamment au fort de Liouville que se déroule son premier livre. C’est aussi à Verdun que le héros des « Robinsons de l’air » est en poste et c’est en Argonne que commence son périple vers le pôle narré par Danrit en 1908.

Aspiration / Inspiration.
Un peu comme De Gaulle qui multiplie les publications après son passage au cabinet du maréchal Pétain, « La France et son Armée » par exemple, et au secrétariat général à la guerre, époque où il rédige « Vers l’armée de métier », l’écriture de la « Guerre de Demain » entre 1888 et 1892, traduit toute l’expérience accumulée par Driant auprès d’un personnage controversé : le général Boulanger. Comme pour De Gaulle, cette période marque aussi un brutal arrêt dans sa progression de carrière. En 1884, Emile Driant est en effet affecté comme officier d’ordonnance auprès du général Boulanger, alors commandant la division stationnée en Tunisie, et il le suit à Paris lorsque celui-ci est nommé ministre de la guerre en 1886. A ce poste, il se limite à des fonctions exclusivement militaires et ne touche en rien à la politique mais cela lui sera pourtant plus tard reproché.
La geste du brav’général Boulanger évoquée dans la chanson populaire, « En revenant de la revue », est bien connue. Il a d’abord été poussé par les Radicaux dont Clemenceau avant de devenir le point de ralliement des extrêmes, l’extrême droite royaliste ou nationaliste et l’extrême gauche blanquiste. Rappelons que Maurice Barrès qui a été député boulangiste de Nancy, siégeait à cette époque à l’extrême gauche de la Chambre des députés et avait un suppléant ancien blanquiste et dit-on communard.
On sait aujourd’hui que Boulanger n’a pas été cet idiot décrit par Clemenceau ou ce va-t-en guerre qu’on a voulu voir en lui, notamment au moment de l’affaire Schnaebele. Au cabinet du ministre, Driant se serait chargé des fortifications mais aussi du renseignement. D’une certaine manière, « La Guerre de Demain » est donc une défense et illustration des thèses de Boulanger contre celles des Républicains Opportunistes.

« La Guerre de Forteresse » (1888)

Au plus près de tout ce qui se fait de mieux…
Dans le roman, Danrit raconte à la première personne une invasion allemande. Il montre d’abord qu’une invasion soudaine est possible et il n’hésite pas à utiliser le terme de « viol » - nous ne sommes rappelons-le qu’en 1888-1892 - pour décrire le passage des troupes allemande à travers la Belgique neutre. Comme toujours en science ou en politique fiction, cette guerre se situe dans un futur imprécis mais l’auteur évoque fréquemment l’année 1886, justement celle où l’action de Boulanger a été décisive. Le roman présente même d’une manière concrète les avancées attribuées au ministre de la guerre : renforcement des fortifications afin d’abriter les troupes de couverture qui doivent protéger la mobilisation, accélération de la mise en service du fusil Lebel ou des obus à la mélinite et, ce qui est moins connu, financement des recherches sur les ballons que Driant évoque aussi dans les « Robinsons de l’air ». Son passage au ministère lui a en effet permis de nouer des contacts avec tout ce que l’armée possède de plus avancé en matière de recherche.
Le roman nuance fortement l’image d’un Boulanger belliciste et partisan de l’offensive à outrance. Les dialogues entre les officiers du fort de Liouville comparent en effet l’avantage des stratégies qui font alors débat : offensive, défensive, défensive-offensive avant de conclure que l’important n’est pas là. En effet, qu’elle que soit l’option retenue, il faut d’abord réaliser la mobilisation, d’où l’importance des fortifications, de l’artillerie de forteresse et des troupes de couverture. Or, Boulanger a été le premier à réaliser et à réussir des exercices de mobilisation de grande ampleur et c’est justement ce qui a inquiété Bismarck,
Et puis la contre attaque vient, celle qui est narrée dans le deuxième tome de la trilogie, « La Guerre en rase campagne », écrit fictivement par Danrit à partir des notes d’un capitaine du 4e Spahi. C’est un régiment stationné en Tunisie que Driant connaît bien pour y avait effectué plusieurs temps de commandant.

Gendre de Boulanger.
Le 29 octobre 1887, Driant épouse à Paris la fille du général Boulanger qui venait de quitter le gouvernement et surtout d’être brutalement mis à la retraite. On ne peut pas qualifier Driant d’opportuniste car il devient le gendre du « Général Revanche » au moment même où son l’étoile pâlie. Exilé en Belgique, celui qui n’avait pas voulu marcher sur l’Elysée se suicide en 1891 sur la tombe de sa maîtresse. Clemenceau, qui n’est pas en mal d’un bon mot, dira qu’il est mort comme un sous-lieutenant. Pour tous, Driant n’en demeure pas moins le gendre d’un pestiféré. Or, paradoxalement, ce ne sont pas les Républicains modérés - les Ferry, Freycinet, Poincaré et consorts - qui étaient alors au pouvoir, qui vont vouloir se venger de lui mais les Radicaux qui avaient de prime abord encouragé la carrière et les premières initiatives du Général Revanche !!!

UNE CARRIERE BRISEE : L’ECRITURE ET LA POLITIQUE.

Pendant dix ans, jusqu’à la fin du siècle, la carrière d’Emile Driant se poursuit donc normalement. Nommé chef de bataillon en 1896, il est alors un des officiers les mieux notés de l’Armée Française. Systématiquement, il a été à chaque fois classé premier au tableau d’avancement et c’est encore le cas au début du siècle pour l’accession au grade de lieutenant-colonel et pour l’octroi d’un commandement. Pourtant, à partir de 1899, il est chaque année rayé du tableau d’avancement par les ministres successifs de la guerre et ceci malgré un document de l’Etat Major indiquant que rien ne s’oppose à sa promotion. Driant ne doit pas passer lieutenant-colonel, ni commander un régiment afin de ne jamais devenir général.

Le 1er bataillon de chasseurs à pied de Troyes (1899-1905).
C’est pourquoi, il demande un bataillon de chasseurs à pied, unité qui fait corps mais qui est dirigée par un simple commandant. Il obtient le 1er Bataillon de Chasseurs à Pied (BCP) de Troyes, rapidement surnommé « bataillon Driant » et dont il fait une unité d’élite. Il va passer six ans à Troyes, une période qui peut paraître fort longue comparé aux temps de commandement actuels de deux ans. Entre l’administration de son unité, les manœuvres, les marches de 150 kilomètres en tête de son unité (qui annoncent un Bigeard) et les mondanités propres à la vie de garnison, le commandant Driant qui est désormais un peu loin de Paris et des milieux décisionnels de la guerre, trouve tout naturellement un dérivatif dans l’écriture. Petite anecdote, Troyes et même Reims qui n’est pas si loin, jouent alors un rôle important dans la naissance de l’aviation, ce qui n’a pas pu ne pas exciter l’imagination de Danrit.

Le 1er BCP de Troyes

Un dérivatif dans l’écriture.
En six ans, il livre en effet pas moins de huit volumes[8]. Il achève d’abord sa seconde trilogie : « Histoire d’une famille de Soldat ». « Filleuls de Napoléon » en 1900 puis « Petit Marsouin » en 1901 viennent compléter « Jean Tapin » paru en 1898. En 1902, c’est « Le drapeau des chasseurs à pied », un vibrant hommage rendu à son unité. Moins disponibles pour des recherches, Driant donne donc des ouvrages davantage historiques et moins lié à l’actualité. En pleine affaire Dreyfus, ils permettent néanmoins, avec un peu de recul et de précautions, d’affirmer la place que l’Armée doit jouer selon lui dans la société.
Dès 1902-1903, il revient pourtant à guerre fiction et notamment à la guerre sous-marine à l’occasion de sa troisième trilogie : « La Guerre Fatale » qui raconte une guerre franco-britannique. On a en effet largement oublié, grâce à l’entente cordiale de 1904, que notre plus gros ennemi potentiel était alors la « perfide Albion » et la guerre avait même failli éclater après l’affaire de Fachoda en 1898. Seul le renfort de l’alliance russe avait alors pu nous sortir de l’isolement diplomatique.
Driant propose en 1904 un roman d’aventure mais aussi de politique fiction intitulé « Evasion d'Empereur », qui raconte bien entendu comment Napoléon aurait pu quitter Sainte-Hélène à la barbe des Anglais. Simple parenthèse, sans doute pas parce Driant, violemment anglophobe, prépare en même temps un livre bien plus ambitieux et qui sera une de ses meilleures ventes, un ouvrage remis fréquemment comme prix de fin d’année dans les lycées. « Ordre du Tzar » relate la course de vitesse entre deux colonnes russes et britanniques, parties l’une d’Asie centrale et l’autre des Indes afin de s’emparer du Tibet. Bien sûr, les sujets du Tsar l’emportent grâce à un petit groupe de soldat français et leur dirigeable !

L’Affaire des Fiches.
Driant est barré pour l’accès aux postes les plus élevés de l’Armée. En 1892, il a déjà reçu huit jours d’arrêts pour avoir défendu la mémoire de son beau-père dans les colonnes du Figaro. A partir de l’arrivée au pouvoir d’une majorité radicale, en 1898, Sarrail qui a seulement un an de moins que lui et qui était moins bien classé obtient sans problème barrettes et commandements. Or ce dernier ne cache ni ses sympathies politiques pour la nouvelle majorité, ni ses amitiés dans le monde franc-maçon[9]. Avant même que n’éclate officiellement l’affaire des fiches, elle affecte déjà la carrière de Driant.
Depuis 1899, le gouvernement du petit père Combes et du général André, ministre de la guerre auprès duquel sert Sarrail, a mis en place un système de notation parallèle des officiers avec l’aide des loges maçonniques. Les opinions des militaires - lesquels ne disposent pas alors du droit de vote[10] - et notamment leurs opinions religieuses ou prétendues telles sont prises en comptes pour favoriser les officiers que l’on croit républicains et bloquer la carrière des autres. Les Etats Majors sont épurées de même que les grands commandements et les fiches servent aussi à déterminer le classement de sortie de l’Ecole de Guerre ou les listes d’aptitude à la fonction de général. De Castelnau, « le capucin botté », le futur vainqueur du Grand Couronné en 1914, est ainsi expulsé de son poste de directeur du premier bureau de l’Etat Major. Au début de la guerre, Joffre devra limoger pour incompétence 80 généraux promus à l’époque des fiches.
L’affaire éclate en 1904 et André démissionne mais le système continue néanmoins à fonctionner. Driant manifeste haut et fort son indignation devant les cadres de son bataillon. Il fait aussitôt l’objet d’un rappel à l’ordre et est rayé, une fois de plus du tableau d’avancement.
En 1905, il prend quinze d’arrêts simples pour avoir fait publier des notes personnelles dans la presse. En plein climat de Séparation des Eglises et de l’Etat, arrive la dernière affaire, celle de la célébration de la Sidi Brahim, la fête des chasseurs. A Troyes, elle commence par une messe à laquelle participe librement une partie du bataillon. Le général Berteaux, ministre de la guerre, demande des explications au commandant du XXe Corps. Les journaux s’emparent de l’évènement et publient la réponse du chef de corps du 1er BCP à son supérieur. Bilan : quinze jours d’arrêts de rigueur supplémentaires.
A 50 ans, le 31 décembre 1905, le chef d’escadron Emile Driant démissionne et quitte l’armée. Admis dans le cadre de réserve, il ne reçoit pas de commandant, comme il l’espérait, ni d’une unité de réserve, ni même d’une unité territoriale.

DEPUTE DE NANCY (1910-1916).

Driant devient écrivain à temps plein mais il ne se contente pas de défendre ses idées par les mots et le papier. Après un premier échec en région parisienne aux législatives de 1906, il se présente en 1910 à Nancy. Le choix de l’Est pour ce Champenois amoureux de la Tunisie pourrait sembler paradoxal mais il est tout à fait logique.

Au cœur des « Bastions de l’Est ».
Comme De Gaulle qui s’installe dans l’entre-deux guerres à Colombey, afin de demeurer à proximité des Bastions de l’Est et des grandes villes de garnison de la frontière, il y a chez Driant ce désir de s’implanter au cœur du dispositif français, à quelques dizaines de kilomètres seulement des territoires annexés. Dans la « Guerre de Forteresse », la brusque offensive allemande que narre le lieutenant Danrit se dirige en effet à la fois vers les côtes de Meuse et l’ensemble Nancy / Toul. En 1888, l’auteur plaçait déjà dans la bouche d’un vieil officier qui y avait assisté, le récit traumatisant de l’occupation de la ville en 1870 par un simple lieutenant prussien et quatre uhlans. Et puis, Driant avait été affecté quelques mois à Nancy avant de recevoir le commandement de son bataillon, c’est donc une cité qu’il connaît bien.

Emile Driant, député de Nancy (1910)

Barrès – Lyautey – Marin.
Il existe aussi une grande proximité entre Driant et trois personnages qui marquent alors, chacun à sa manière, la Meurthe & Moselle, la Lorraine et la France : Barrès, Lyautey et Louis Marin.
D’une certaine manière, Driant succède à Barrès qui a été au cours d’un unique mandat député de Nancy. Ce n’est peut-être donc pas pour rien qu’au début du siècle, notamment dans les « Robinsons de l’Air », Danrit fasse de multiples références implicites à l’auteur de « La Colline inspirée », notamment à sa prédilection pour la terre et les morts. Dans « Les Déracinés », Barrès parle lui-même abondement de Nancy. Le roman commence au lycée qui ne s’appelle pas encore Henri Poincaré et le professeur de philosophie devient député radical alors qu’un de ses élèves, sous les couleurs de Boulanger, est élu à Bar-le-Duc… On regrette, en tout cas, ce que Barrès aurait pu écrire pour accueillir Driant chez les Immortels de l’Académie Française.
Avec le propriétaire du château de Thorey, la filiation ou le compagnonnage idéologique est encore plus frappant. Driant et Lyautey sont de la même génération (1854-1934) puisqu’ils sont nés puis entré à Saint-Cyr à seulement une année de différence. Surtout, catholiques ralliés à la République, ils défendent une même idée du rôle social de l’officier que le « proconsul » du Maroc théorise dans ses essais et que Danrit diffuse dans ses romans[11]. Enfin, ils ont en commun le goût de l’Orient qu’illustrent magnifiquement les pages de Driant sur la Tunisie, par exemple celles du début des « Robinsons sous-marins ».
Le dernier individu est aujourd’hui moins connu même s’il a été, en son temps, un personnage considérable de la IIIe République. Président de l’Alliance Républicaine et dirigeant à une époque de tout le centre droit, il fut même un des rares esprits éclairés, avec Georges Mandel, à voir venir les périls des années 30. De Gaulle espéra même longtemps le voir venir à Londres. Et bien, ils sont élus ensemble à Nancy en 1910, année où quatre députés de droite, ce qui ne s’était jamais vu depuis 1871, représentent la Meurthe & Moselle à la Chambre.
Là se trouve, semble-t-il, une raison supplémentaire du choix de l’Est. L’année 1910 symbolise une évolution politique aujourd’hui bien connue et qui fut illustrée à l’époque par l’enquête Agathon, vrai-faux sondage en direction de la jeunesse, due à un journaliste et à un écrivain en herbe, qui révéla la profonde poussée nationaliste alors à l’œuvre dans l’opinion. C’est l’époque de l’engagement d’Ernest Psichari ou de la conversion patriotique de Charles Péguy.

« Vers un Nouveau Sedan » (1906).
Aussi les adversaires de Driant, les Radicaux notamment, ne voient en lui qu’un « candidat exotique » et donc peu dangereux lorsque la campagne commence. Dans leur presse, ils tirent à boulet rouge contre lui, ressortent l’épisode Boulanger et l’accusent – c’est le comble - d’antipatriotisme. Dès son départ de l’Armée, Driant a en effet entrepris la rédaction d’un essai, publié en 1906 et qui s’intitule : « Vers un nouveau Sedan ». Il est issu d’une série d’articles qui lui avaient été commandés à l’occasion des grandes manœuvres de l’armée allemande, manœuvres que l’ex-commandant était allé voir sur place. Or, l’ouvrage, très rapidement traduit en allemand, avait été trouvé « hochinteressant » par la critique d’outre-rhin, d’où l’accusation de la presse nancéenne contre son prétendu défaitisme.
Ce livre qui se veut une analyse des erreurs commises quant à la préparation de la guerre future est le pendant direct des romans dont les dialogues illustrent les polémiques contemporaines. Dans le prologue de « Vers un nouveau Sedan », Driant explique d’ailleurs que « La guerre de Demain », qu’il rédige depuis dix-huit ans, n’est pas seulement sa première trilogie mais l’ensemble de son œuvre. L’essai ressemble néanmoins, par bien des aspects, à « La discorde chez ennemi », essai d’analyse politico-militaire sur les causes de la défaite allemande de 1918 qui sera, à la génération suivante, le premier livre du capitaine De Gaulle.
« Vers un Nouveau Sedan » (1906) – « La Discorde chez l’Ennemi » (1924)

Catholicisme Social.
Emile Driant devient donc député en 1910 et, s’il s’inscrit à droite, c’est finalement dans le groupe relativement modéré de l’Action Libérale[12]. C’est alors le principal mouvement d’opposition avec un groupe parlementaire qui oscille entre 60 et 80 députés. Driant appartient à la tendance majoritaire qui représente ces catholiques, comme Jacques Piou ou Albert de Mun, qui se sont ralliés à la République après les déclarations de Léon XIII et le célèbre « toast » d’Alger de monseigneur Lavigerie. Comme le père du général De Gaulle, ancien légitimiste, Driant peut alors passer pour un Républicain de raison. Comme chez Barrès, son acceptation des acquis de la Révolution et surtout de l’Empire (voir ses romans) le sépare irrémédiablement de l’Action Française et de Maurras. S’il n’est pas à proprement parlé démocrate chrétien, le mot n’existe pas encore, il fréquente néanmoins au sein de l’Action Libérale des émules de Marc Sangnier qui ont participé à l’aventure du Sillon. La somme d’Alain Larcan sur les origines intellectuelles du chef de la France Libre souligne aussi abondement cette parenté intellectuelle[13]. Au début du siècle, Driant s’est beaucoup intéressé aux différents mouvements qui voulaient rapprocher l’Eglise et le monde ouvrier ou associer le capital et le travail, lointaine annonciation de la notion de participation chère au fondateur de la Ve République, et il a voté toutes les lois sociales importantes. C’est d’ailleurs son principal centre d’intérêt à la Chambre après les questions militaires.

De L’Alerte à l’Alarme.

A la suite de la vague anarchiste qui a frappé la France à la fin du siècle précédent, de la Révolution ratée de 1905 en Russie et du développement du syndicalisme révolutionnaire, Driant commence à exploiter la veine de la politique fiction. Au moment même où il se lance en politique, il livre une série de romans qu’il désavouera d’ailleurs au début de la guerre, dans la fièvre de l’Union Sacrée, un peu comme le fera Barrès regrettant ses propos antisémites avec « Les différentes familles spirituelles de la France ».
Dans « La Grève de demain » ou « La Révolution de demain » en 1909 et « L'Alerte » en 1910, Emile Driant croît en la possibilité de la grève générale et d’un possible coup de force révolutionnaire, aidé ou pas d’une cinquième colonne ennemie. Le député Driant s’est en effet beaucoup documenté sur la question et il a suivi le développement des syndicats jaunes liés au patronat qui tentaient alors de briser l’élan du syndicalisme révolutionnaire.

« L’Alerte » (1910)

Lieu commun de ce début de siècle, il fait des instituteurs - évidemment tous républicains, laïcs, francs-maçons, socialistes et pacifiste - les principaux fauteurs de troubles, une position qu’il révisera dans les tous derniers jours de sa vie lorsque, dans les tranchées du bois des Caures, au milieu de ses chasseurs, il corrigera les épreuves de la réédition des « Robinsons Souterrains ». Dans l’édition de 1913, le rôle du traitre était joué par un instituteur mais, témoin du sacrifice de nombreux enseignants en 1914, Driant fit disparaître le personnage. Au-delà de l’anecdote, ce fait démontre que la gauche comme la droite partageaient alors les mêmes mythes, pour les souhaiter ou pour les craindre : celui de la grève générale ou du pacifisme et ceux relatifs aux hussards noirs de la République…
Sans aller jusqu’à Galula, l’intérêt pour l’insurrection et la contre insurrection est logique chez un officier qui, dans sa carrière opérationnelle en Tunisie, a été affecté à des tâches de pacification. Il s’est sans aucun doute tenu informé de la révolte des Boxers en Chine ou de la guerre contre les Boers en Afrique du Sud voire des campagnes moins connues menées par les Britanniques en Asie du sud-est qui préfigurent les luttes de contre insurrection de la Guerre Froide. Même si la Revanche est centrale chez Danrit, les derniers romans laissent de plus en plus de place aux « petites guerres » et au fanatisme religieux évoqué dès 1894 dans « l’Invasion Noire »[14]. Pourtant, avec Foch comme professeur de stratégie à l’Ecole de Guerre, l’Etat Major s’intéresse alors surtout au théâtre européen, à la guerre classique et aux campagnes napoléoniennes. Et puis l’offensive à outrance, « la seule stratégie qui soit vraiment française », est érigée, elle aussi, en véritable mythe national. La position de Driant est donc assez originale au sein de la pensée militaire de ce début du siècle.
Et puis arrive juin 1914, Sarajevo, déjà, et la mobilisation. Son âge, 59 ans, et son mandat parlementaire auraient pu lui permettre d’éviter un conflit qu’il avait tant de fois pressenti et annoncé. Il aurait aussi pu intégrer les rouages administratifs voire profiter de l’Union Sacré pour entrer au gouvernement. La guerre lève de toute façon l’interdit qui le frappait. Comme André Maginot et Abel Ferry, il fait aussitôt acte de volontariat et reçoit le commandement d’abord d’un bataillon de chasseurs puis de deux. Il obtient enfin la 5e barrette de lieutenant-colonel. Ce n’est plus du roman, c’est la guerre !

UN JULES VERNE MILITAIRE.
Le surnom de « Jules Verne militaire » est emprunté à Daniel David. Jules Verne qui a connu son premier succès, « Cinq semaines en ballon » en 1862, est mort à Amiens en 1904 mais son œuvre est poursuivi par de nombreux successeurs comme Paul d’Ivois ou Danrit. Comme à son époque, les ouvrages sont d’abord publiés en feuilletons dans un journal ou une revue avant de sortir en grands formats. Les amateurs trouvent chez Flammarion la belle édition à reliure rouge qui rappelle effectivement les « Voyages Extraordinaires ». Très illustrée, en général par Dutriac, ces volumes sont très recherchés aujourd’hui par les collectionneurs. Une version avec une reliure unie moins coûteuse, fréquemment remise comme prix de fin d’année dans les lycées, était aussi proposée. Mais le lecteur pouvait aussi faire relier la publication en fascicule. Après la guerre, la plupart des romans sortiront enfin en poche.

« Les Robinsons de l’Air » (1908) – « Les Robinsons sous-marins » (1908)

Des romans au schéma classique.
Les romans de Danrit possèdent pour la plupart un schéma classique. Prenons l’exemple des « Robinsons de l’Air ». Apparemment, ces livres s’adressent comme chez Jules Verne, à un jeune public. D’ailleurs, dans la préface de ses romans, Driant ne cache pas son désir de mobiliser la jeunesse et il en est remercié par l’Académie Française lorsque celle-ci lui remet un prix pour « La Guerre de Forteresse ». Il s’agit bien sûr de vulgariser les dernières découvertes de la science ou de la géographie et de traiter des thèmes d’actualité. « Au dessus du continent noir », en 1912, constitue ainsi une relecture de l’aventure de la colonne Marchand en 1898 mais avec les acquis plus récents de l’aviation.
Les livres reposent toujours sur un personnage central, jeune officier ou ingénieur, généralement d’extraction modeste, arrivé par l’étude et le travail et habité par le sens du service. Placé devant des circonstances extraordinaires, il va devoir s’interroger sur ce que commande son devoir. Et il va rencontrer une jolie personne, plutôt de belle naissance et donc au départ inaccessible mais qu’il va conquérir par ses vertus. La trame sentimentale demeure donc très conventionnelle et conforme aux normes morales de la Belle Epoque.

Une même veine : les romans synoptiques.
La filiation avec Jules Verne est tellement évidente que les thèmes de plusieurs romans sont identiques : « Robur-le-Conquérant » et « Robinsons de l’Air » ou « Michel Strogoff » et « Courrier du Tzar ». On retrouve de la même manière la conquête coloniale ou les explorations polaires dans de nombreux ouvrages des deux auteurs mais il s’agit là de sujets d’actualité communs à l’époque. Certaines scènes sont enfin très voisines, ainsi « L’Aviateur du pacifique » débute par le torpillage du cargo du héros, lequel dérive sur un radeau avant d’être recueilli comme au début de « 20000 lieues sous les mers ».

Lien à l’actualité.
Mais comme c’est le cas très souvent en Science Fiction, l’anticipation n’est qu’un moyen détourner de parler du présent, ce qui peut être utile pour un officier soumis au devoir de réserve et à l’imprimatur de ses supérieurs. Dans « Le meilleur des monde », roman des années 1930, Aldous Huxley ne parle pas du futur mais, après un voyage dans la Russie stalinienne, de la montée des totalitarismes. Driant est donc pleinement dans le présent. Plusieurs de ses romans sont écrits d’ailleurs à chaud, dans l’évènement.

« L’Invasion Jaune » (1909)

Il rédige « Courrier du Tsar » pendant la révolution ratée de 1905 et embraye sur « L’Invasion jaune » alors que la défaite russe contre les Japonais est encore un sujet brulant. Plusieurs ouvrages sont enfin dédiés à des officiers ou à des ingénieurs, voire à des équipages entiers qui sont se sacrifiés en expérimentant un sous-marin ou un ballon. La série des Robinsons arrivent ainsi juste après des catastrophes aériennes ou des naufrages qui ont fait polémique au point que des campagnes de presse ont été menées contre les gouvernements qui avaient pu dépenser de telles sommes pour rien… On voit bien où allait l’argumentation de Driant.

La science et la technique.
C’est que Driant, depuis son passage au cabinet de Boulanger, était en contact avec tout ce qui se faisait de mieux dans l’Armée en matière de « nouvelles technologies ». En 1887, Boulanger avait par exemple donné un sérieux coup de fouet et surtout un budget à l’établissement aéronautique de l’armée à Meudon ou furent ensuite essayés les dirigeables « France » et « République » dont Danrit parle avec emphase. Le héros des « Robinsons de l’air » est ainsi un jeune lieutenant polytechnicien formé à Meudon qui vient d’être affecté à Verdun. Cela n’empêche pourtant pas Driant d’imaginer des machines futuristes comme ce dirigeable hybride de ballon et d’avion de « Courrier du Tsar » ou le caloriphone, un téléphone fonctionnant sur la base de la transmission de chaleur de la « Guerre de forteresse », qui n’a pas de réalité en 1888 mais qui annonce la fibre optique et le laser.
Mais même le plus « imaginatif » des récits de Danrit, les « Robinsons de l’Air », a trouvé un aboutissement dans les années 1920 avec la première traversée aérienne du pôle nord réalisée par Umberto Nobile et Roald Amundsen, quasiment sur la route prévue dans le livre. Chose amusante, Driant prévoyait une expédition commune franco – Américano - Norvégienne, la France fut juste dans les faits remplacée par l’Italie.

Le propre de Driant.
Les préoccupations politiques ne sont pas absentes des livres de Jules Verne. « Les naufragés du Jonathan » aborde le thème du socialisme utopique, « Un drame en Livonie » celle de la Russification et de l’autodétermination mais il demeure un doute profond sur ses intentions parce que les romans de la fin de sa vie ont été profondément remaniés par son fils Pierre. Et si les deux auteurs sont attirés par la Russie, ils sont opposés sur la question de l’Angleterre et de l’Allemagne. Verne déteste l’Allemagne qu’il a combattu en 1870 comme garde côte et l’Autriche-Hongrie qui persécute Mathias Sandorf, son Monte Christo dalmate. Mais il admire le Royaume Uni de Phileas Fogg. Question d’époque sans doute car, au début du XXe siècle, la question de la Revanche s’est provisoirement assoupie alors que l’affaire de Fachoda a sérieusement compliqué les relations franco-britannique. Celles-ci avaient pourtant été excellentes au début de la carrière de Verne, lorsque l’empereur Napoléon III avait signé un accord de libre échange avec Victoria. L’alliance franco-russe a encore accru la tension, du moins au début, car l’Empire du Tsar et celui de Victoria, impératrice des Indes en Asie Centrale et en Perse.
Il serait caricatural d’opposer Jules Verne, vulgarisateur de la science et des voyages, et Driant, simple auteur militaire. Verne a lu et il cite même des auteurs militaires comme Ardant du Picq et il s’est lui-même beaucoup intéressé aux conflits : dans « Nord et Sud » par exemple, où il décrit la guerre de sécession américaine, ou dans « Les 500 millions de la Bégum » où il décrit le militarisme prussien. Plusieurs livres laissent même apparaître en filigrane les révoltes coloniales. Nemo lui-même, victime des Britanniques qui ont massacré sa famille aux Indes, est un héros semi-positif de révolutionnaire romantique. Mais derrière l’humour des premières pages de « De la Terre à la Lune », se cache une violente charge contre la guerre et, au sens propre comme au sens figuré, des marchands de canons. Et puis, dans la dernière partie de sa vie, l’œuvre de Jules Verne se fait plus sombre. Il s’écarte de ce scientisme du Second Empire, sa grande époque et celle de Pasteur, où on croyait au progrès irrémédiable des sociétés et à la science réglant tous les problèmes.
Au début du XXe siècle, l’illusion s’est en partie évaporée et l’irrationnel revient sur le devant de la scène. Freud, Nietzche et Alan Kardec sont passés par là et Claudel a redécouvert la foi derrière son pilier de Notre-Dame. « Le secret de Wilhelm Storitz » de Jules Verne qui est basé sur la possibilité de créer des hologrammes, emprunte ainsi autant aux frères lumières qu’au spiritisme et à une ambiance qui n’est pas sans rappeler Mary Shelley et Frankenstein.
Driant, lui, décrit la chose militaire de l’intérieur et il s’intéresse à la psychologie, la grande découverte du moment, tant ce qui fait agir les individus, que ce qui mobilise les masses. Gustave le Bon et sa « Psychologie des foules »[15] ne sont pas loin et on comprend l’intérêt du député de Nancy pour les phénomènes révolutionnaires

UN ROMANCIER OU UN STRATEGE ?

Emile Driant, alias capitaine Danrit, est-il donc un véritable écrivain ou un politologue, un stratège voire un géo-stratège qui aurait été empêché de s’exprimer et qui aurait trouvé un exutoire dans la fiction ? Certes, à part « Vers un nouveau Sedan », il n’a pas produit d’essais, ni de traités. Mais il prononce de nombreux discours, un peu partout en France, et la presse s’en fait souvent l’écho. Il écrit aussi dans des Revues Militaires et a été instructeur à Saint-Cyr. A l’inverse, reçu haut la main à l’entrée de l’Ecole de Guerre, il n’a pas fini pour une raison non élucidée et n’a donc pas été breveté…
A la même époque, des auteurs civils mais surtout militaires, venus de la géographie ou des sciences politiques, sont en train de fonder en Allemagne la « géopolitique ». Mais à Saint-Cyr où la géographie est pourtant une matière essentielle, on se contente surtout de la géographie physique et dans un but de tactique et non pas de stratégie. Driant y excellait et, lors de sa première affectation à Saint-Mihiel, il a effectué beaucoup de relevés topographiques. Il connaît donc parfaitement le terrain de « La Guerre de Forteresse ».
Toutes les grandes questions du moment sont cependant évoquées à un moment ou à un autre de la série. En empruntant à tous les romans, on peut classer les centres d’intérêts du capitaine Danrit en trois domaines : la géopolitique en tant que telle, le progrès de l’armement et son impact sur la théorie militaire et enfin la question des plans.

La géopolitique.

Le commandant Driant parle avec enthousiasme de l’alliance franco-russe dans « Courriers du Tsar » mais « l’Alerte » montre qu’il n’est pas dupe du rouleau compresseur. Déjà dans la « Guerre de Demain », l’alliance de revers avait uniquement pour but d’empêcher une attaque brusquée de l’Allemagne contre la France et de faciliter la mobilisation de ce côté-ci des Vosges. Le roman s’organise néanmoins autour du thème récurrent de la politique extérieur de l’empire des tsars et plus tard de l’Union Soviétique : l’accès aux mers chaudes. Certes, la Chine est oublié dans le livre mais Driant comprend très bien le rôle que va jouer plus tard le plateau tibétain et il a saisit la fonction charismatique du Dalaï Lama. L’auteur narre par exemple une tentative britannique de contrôler la désignation du souverain de cette grand théocratie himalayenne par la mainmise sur le Pantchen Lama, le deuxième personnage du Tibet[16]. C’est exactement ce que les Chinois ont tenté de faire, d’abord à l’époque de Mao puis plus récemment lors de l’affaire dite des « enfants prisonniers politiques ».
Le livre le plus prophétique de Driant est sans doute « L’Aviateur du Pacifique » (1909) qui commence par une attaque sans déclaration de guerre préalable des Japonais sur Pearl Harbor et qui finit par une bataille navale autour de l’îlot de Midway prélude à un débarquement américain au Japon. L’auteur a bien sûr connaissance de la démonstration militaire que la flotte américaine a conduite dans le Pacifique au début du siècle à la demande de Teddy Roosevelt et des efforts de fortification entreprit à Midway afin d’en faire en centre de stockage de charbon permettant de doubler l’autonomie de ladite flotte. Il insiste en effet fortement sur la fonction maîtresse de la logistique dans les conflits futurs ! Le récit est cependant très proche des évènements de décembre 1941, jusqu’au discours du président des Etats-Unis devant le Congrès : « Et le Président des Etats-Unis, dans un message flétrissant la perfidie et la traitrise japonaise, annonça au peuple américain que l’état de guerre existait entre l’Amérique et le Japon » (Flammarion, 1909, p .388).

« L’Aviateur du Pacifique » (1909)

Cet amoureux du Maghreb ne pouvait pas rester insensible à L’Afrique. Deux romans, « Au dessus du continent noir » en 1912 et surtout « L’invasion noire » en 1894 prennent en 2011 l’allure d’une actualité brulante car, sur un fond de fanatisme religieux, ils racontent la prise en main des peuples sahéliens par le Proche-Orient arabe en vue d’une offensive vers l’Europe.

Armement et théories militaires.

Driant s’est régulièrement tenu au courant de l’évolution des armes mais surtout il en a tiré les conséquences dans le domaine de la théorie militaire.

L’évolution des armes.

Les premiers livres évoquent largement le sujet qui a occupé le devant de l’actualité dans les années 1880-1890, celui de l’artillerie et surtout des obus à la mélinite qui ont rendu obsolète les fortifications construites après 1871[17]. Le feu des batteries de campagne allemandes contre Liouville, narré dans la « Guerre de Forteresse », tient autant compte de ce qui a été vécu durant la guerre de Sécession et la guerre Franco - Prussienne que des expériences conduites depuis par l’armée française. Mais Driant a aussi imaginé l’emploi massif des gaz de combat afin de stopper l’Invasion Noire sous les murs de Paris même si leurs effets s’apparentent davantage à ceux d’une arme atomique. Deux ans avant le début des combats à Vauquois, il décrit également la guerre des mines dans « Les Robinsons Souterrains », en s’inspirant du précédent fameux de Sébastopol, durant la guerre de Crimée, un évènement qu’il avait déjà évoqué dans son premier roman.


« Les Robinsons souterrains » (1913) – Le site de Vauquois (2010)

L’évolution du matériel.

Les conceptions de Driant sont relativement classiques en matière de forteresse même s’il décrit largement les travaux rendus nécessaires par l’évolution des explosifs et des obus torpilles. Les fortifications sont utiles afin de se parer à une attaque brusquée de l’ennemi, le temps nécessaire à la mobilisation, mais il faut que les troupes de couverture viennent boucher les espaces libres entre les forts et qu’elles puissent y manœuvrer. Ces conditions avaient mal été remplies au début de la « Guerre de Forteresse » causant l’isolement du fort.
Driant n’a pas l’a priori de Foch pour qui l’aviation n’avait avant guerre aucun avenir militaire. Il est au contraire fasciné par les ballons, les avions et les sous-marins et sans nul doute aurait-il rêvé d’être le lieutenant des « Robinsons de l’Air ». Les « Robinsons sous-marin » commencent quant à eux par le non respect du règlement militaire lorsque le capitaine du bâtiment autorise son meilleur ami, officier terrien, à monter à bord pour ce qu’ils croient devoir être un court exercice en mer. Driant aurait pu être ce militaire là.

Plaque en l’honneur du capitaine Ferrier à la Tour Eiffel

Plus intéressant est l’intérêt de l’auteur pour la communication entre les armes et les armées, un sujet encore d’actualité une génération plus tard au moment de la rédaction de « Vers l’Armée de Métier » par De Gaulle. C’est une question importante à une époque où la marine et l’armée de terre vivent dans deux mondes séparée. N’oublions pas qu’en 1940, l’Etat Major n’avait jugé nécessaire d’équiper les chars français de radio… Dans « La Guerre Fatale », la victoire finale contre la perfide Albion n’est rendue possible que par une fine coordination de la Marine et de l’Armée de Terre. Mais Danrit évoque aussi la nécessité d’une communication en temps réel entre l’artillerie, l’infanterie et ce qui n’est pas encore l’aviation. Or, il connaît bien les travaux du capitaine Ferrier, promoteur de l’usage de la TSF militaire, auquel il rend hommage dans « L’Aviateur du Pacifique ». Des expériences ont été menées dès 1898 sur la tour Eiffel et un poste permanent y a même été installé par l’Armée. Or, c’est parce que Joffre a été informé par radio des renseignements obtenu par un avion d’observation que la victoire de la Marne a pu être possible en 1914.

L’évolution de la guerre.

Bien avant les généraux promus à l’occasion de l’affaire des fiches et que Joffre devra limoger en masse, Driant s’est rendu compte que l’augmentation massive de la puissance de feu tue… Les pertes effroyables dues en 1914 aux mitrailleuses ennemies dans des rangs français en pantalons rouges chargeant au pas et au sifflet n’ont pas surpris l’auteur de « La Guerre de Demain » qui était quant-à lui très soigneux de ses hommes !
Dans la ligne droite du développement de la TSF militaire et des autres inventions plus ou moins imaginaires en matière de télécommunication, caloriphone ou dirigeable changeant de couleur, Danrit envisage tout naturellement la guerre électronique. Pour couvrir leur invasion des îles Hawaï, les Japonais du roman de Driant avaient prévu un réseau de chalutiers munies d’antennes chargés d’écouter puis de brouiller les communications de la flotte américaine, ce que les marins soviétiques sauront très bien faire durant la Guerre Froide.
Dans « Au dessus du Continent Noir », le commandant écrivain pose le problème du contrôle des armements dans une économie libérale en s’appuyant sur un fait divers réel, la revente par la France d’un stock de fusils obsolètes qui se retrouve quelques temps plus tard dans les mains de tribus africaines révoltées contre elle. A travers « L’Invasion Jaune », il conceptualise aussi l’idée de guerre économique voire d’intelligence économique, des notions qui sont apparues tardivement dans la pensée stratégique française[18].

Les plans chez Driant.

Les conflits racontés par Danrit commencent toujours sans déclaration de guerre par une attaque brusquée, ce qui avait été effectivement le cas en 1905, longtemps avant Pearl Harbor, lors de l’attaque japonaise contre la Russie en Extrême-Orient. La perfidie allemande, japonaise ou britannique est même le thème récurrent des grandes trilogies. Les Prussiens envahissent en une nuit la Lorraine pour venir butter contre les côtes de Meuse, les Japonais attaquent Pearl Harbor au petit matin et les Anglais coulent sans crier gare nos bâtiment en rade de Bizerte, un évènement qui annonce fidèlement Mers-el-Kébir. En revanche, la contre-attaque bleu blanc rouge est méthodique. Les Britanniques ont oublié les sous-marins français comme les Japonais les porte-avions américains en 1941 et ceux-ci détruisent les cuirassés de sa majesté dans la Manche avant que, grâce à une excellente coordination, l’armée de terre ne débarque sur les plages anglaises sous la forme d’une opération Overlord à l’envers.
Le thème de la mobilisation est de la disposition des troupes de couverture est central dans les grands romans. Le plan de mobilisation français, qui avait été désastreux en 1870, mais aussi les avancées imposées par Boulanger dans ce domaine se trouvent donc en arrière plan de « La Guerre de Demain ». « La Mobilisation Sino-Japonaise », le premier volume de « l’Invasion Jaune » est tout entier consacré aussi à ce thème.
Les grandes trilogies mais aussi la série vue dans son ensemble prouvent que Driant a tout de suite envisagé la possibilité d’une guerre mondiale ou la Russie, les Etats-Unis, le Japon, la Chine seraient présents, ce qui ne va pas de soi en ce début de XXe siècle alors que l’Europe, sûre d’elle-même et méprisante, se voit encore pour longtemps au centre du monde. De même, l’accent mis sur l’espace arabo-musulman et sur le Proche-Orient n’aurait sans doute pas, quelques années plus tard, été désavoué par le colonel Lawrence.
« L’Invasion Jaune » est une guerre totale qui ne porte pas son nom, puisque ce terme n’existe pas encore. Le conflit est d’ampleur mondiale, l’Asie déferle comme au Moyen Age sur l’Europe, et les armées déploient des millions d’hommes. Mais la guerre est d’abord économique et financière, elle s’appuie sur l’industrie et sur l’exploitation de peuples entiers, volontaires ou réduits en esclavage. Les opinions sont mobilisées par une propagande habile et le contrôle de l’information est strict. Le commandant en chef japonais n’hésite pas enfin à ordonner des massacres de masse qui annoncent ceux de Nankin. Le système de terreur qu’il institue, l’élimination planifiée des peuples qui se dressent en travers de ses projets, la destruction des religions au profit d’une sorte de culte du chef et jusqu’aux grands rassemblements annoncent même les régimes totalitaires que Driant ne connaîtra pas mais que des auteurs qu’il a sans doute lu, comme Georges Sorel[19], appelaient de leurs vœux.
Dés 1888, au début de la « La Guerre de Demain », le capitaine Danrit raconte l’invasion allemande par la Lorraine où elle bute sur les fortifications et par la Belgique dont la neutralité est violée. Cette attaque vise à gagner le plus vite possible contre la France, en jouant sur la lenteur de la mobilisation russe contre laquelle l’armée du Kaiser compte se retourner une fois la victoire acquise sur le front occidental. Il ne fallait donc pas être grand clair pour inventer le plan Schlieffen. Il n’est pas exclu que Driant, au courant des activités de la section de statistique de l’Etat Major (ancêtre du 2e bureau), ait connu, peut-être dès son passage au cabinet de Boulanger, la teneur des différents plans alors à l’étude à Berlin. Les combats sous les côtes de Meuse et autour de Liouville, sont également très proches de ceux qui vont avoir lieu plus tard au Saillant de Saint-Mihiel.

Conclusion.

Si 1914 finit par donner raison à Driant, celui-ci n’avait aucun don de divination. Il savait juste lire une carte de géographie, tant au plan tactique qu’au plan stratégique, et dans le domaine international, son intérêt pour la géopolitique et sa culture lui a permis de deviner le dessous des cartes, les endroits chauds du siècle à venir. Et en bon militaire, il en a déduit la manière dont les guerres futures seraient conduites.

De Gaulle Jeune (Bronze)
Centre Charles de Gaulle de Nancy

De Gaulle a lu Driant et il s’est souvenu de lui. Adolescent, dans une rédaction, il se voit arrêtant l’invasion japonaise à la tête des armées française. Alors que Driant décrit une défaite, la France est envahie puis occupée dans « L’Invasion jaune », le futur chef de la France Libre n’accepte pas cet état de fait. Le sursaut n’a pas lieu dans le roman mais un petit groupe de patriote s’est replié en Tunisie et là, dans l’Empire Colonial, il continue la lutte… sans l’Angleterre. C’est le 18 juin de Driant.

« L’Invasion Jaune » (1909) - Epilogue

Driant a-t-il eu la préscience de sa mort. Au-delà de l’anecdote du dernier courrier à sa femme, la puissance de feu ennemie de la « Guerre de Forteresse » annonce la préparation d’artillerie au bois des Caures et le camp retranché « d’Au dessus du continent noir », où une compagnie entière isolée du reste de la colonne se sacrifie capitaine en tête, évoque évidemment le dernier combat de l’écrivain combattant[20]. C’était le premier et l’avant dernier roman. On dit souvent que tel ou tel auteur a du choisir entre la vie et l’écriture et bien Driant aura écrit sa vie et il aura vécu ses livres.

Tombe de Driant au bois des Caures (2010)

Principales œuvres du capitaine Danrit.

- La guerre de demain (Flammarion, 1888-1893, 6 volumes, 3 parties: "La guerre de forteresse", "La guerre en rase campagne", "La guerre en ballon")
- La guerre au XXe siècle; L'invasion noire (Flammarion, 1894, 3 parties: "Mobilisation africaine", "Le grand pèlerinage à la Mecque", "Fin de l'Islam devant Paris")
- Jean Tapin (Série "Histoire d'une famille de soldats", I, Delagrave, 1898)
- Filleuls de Napoléon (Série "Histoire d'une famille de soldats", II, Delagrave, 1900)
- Petit Marsouin (Série "Histoire d'une famille de soldats", III, Delagrave, 1901)
- Le drapeau des chasseurs à pied (Matot, 1902)
- La guerre fatale (Flammarion, 1902-1903, 3 volumes, 3 parties: "A Bizerte", "En sous-marin", "En Angleterre")
- Evasion d'empereur (Delagrave, 1904)
- Ordre du Tzar (Lafayette, 1905)
- Vers un nouveau Sedan (Juven, 1906)
- Guerre maritime et sous-marine (Flammarion, 1908, 14 volumes)
- Robinsons de l'air (Flammarion, 1908)
- Robinsons sous-marins (Flammarion, 1908)
- L'aviateur du Pacifique (Flammarion, 1909)
- La grève de demain (Tallandier, 1909)
- L'invasion jaune (Flammarion, 1909, 3 volumes: "La mobilisation sino-japonaise", "Haines de Jaunes", "A travers l'Europe")
- La révolution de demain (avec Arnould Galopin, Tallandier, 1909)
- L'alerte (Flammarion, 1910)
- Un dirigeable au Pôle Nord (Flammarion, 1910)
- Au dessus du continent noir (Flammarion, 1912)
- Robinsons souterrains (Flammarion, 1913, réédité sous le titre La guerre souterraine)
[1] Frédéric Schwindt – Professeur agrégé et docteur en Histoire (Centre Charles de Gaulle de Nancy). Lieutenant (RO) de la Gendarmerie Mobile. Auditeur de l’IHEDN (170e Session / Nancy-Metz 2007). Vice - Président de l’AR13 – Lorraine : FSchiwndt@ac-nancy-metz.fr
[2] Voir l’excellent article : Alain J. Roux, « ‘Guerre future’ et ‘Littérature Populaire’. Autour de Driant et Robida », Institut de Stratégie Comparée – Commission Française d’Histoire Militaire – Institut d’Histoire des Conflits Contemporains : http://www.stratisc.org/RIHM_82_Roux.html
[3] Daniel David, Le colonel Driant. De l’armée à la littérature, le Jules Verne militaire, Editions Gérard Klopp, 2007.
[4] Daniel David, « Le lieutenant-colonel Driant et les Bastions de l’Est » in Alain Larcan & Frédéric Schwindt, Les Bastions de l’Est de Boulanger à De Gaulle, Préface de Philippe Séguin, Editions Gérard Louis, 2010, p.59-70.
[5] Gérald Sawicki, Les services de renseignement à la frontière Franco - Allemande – 1870-1914, Thèse de l’Université de Nancy II sous la direction du professeur François Roth, 2006.
[6] Frédéric Schwindt, « Un stratège français méconnu inspirateur de la doctrine anti-insurrectionnelle de l’armée américaine : L-Cl. David Galula (1919-1968) », accessible sur : www.ihedn-lorraine-art13.org
[7] Pierre Schoendorffer place ces mots dans la bouche de son héros de « L’Honneur d’un Capitaine ».
[8] Si les simples romans comportent de 3 à 400 pages, les trilogies montent fréquemment à plus de 2000.
[9] Jan K. Tannebaum, Général Maurice Sarrail, 1856-1929. The French Army and Left-Wing Politics, The University of North-Carolina Press, 1974.
[10] De Gaulle n’aura voté pour la première fois qu’à la Libération…
[11] A la fin du XIXe siècle, durant sa dernière affectation tunisienne, Driant et sa femme fréquentent beaucoup Mgr de Lavigerie qui encourage alors le ralliement des catholiques français à la République.
[12] Relativement car ce groupe fut aussi rejoints par des parlementaires issus des ligues antisémites.
[13] Alain Larcan, De Gaulle : Inventaire, Editions Christian de Bartillat, 2002.
[14] Retour de l’Histoire, depuis la fin des années 1990, les penseurs anglo-saxons ont eu tendance à retrouver le concept de « petite guerre » ou G4G : William S. Lind (US Marine Corps) & alii, The Changing Face of War: Into the Fourth Generation, Marine Corps Gazette, October 1989, p.22-26. Arnaud de La Grange & Jean-Marc Balencie, Les guerres bâtardes, Perrin, 2009.
[15] Gustave Le Bon, Psychologie des foules, Alcan 1895.
[16] A la mort du Dalaï Lama, le Pantchen Lama joue un rôle essentiel dans la désignation de l’enfant dans lequel le chef spirituel du Tibet est sensé s’être réincarné.
[17] En 1894, l’affaire Dreyfus, avant de devenir l’Affaire, commence en effet par un problème d’espionnage du nouveau canon français.
[18] Voir L’ordonnance sur la Défense Nationale de 1959.
[19] Georges Sorel, Réflexions sur la violence, 1908 : il a été beaucoup lu par Lénine et Mussolini et le grand historien israélien Zeev Sternhell voit en lui un des inspirateurs intellectuels du fascisme.
[20] Plusieurs associations meusiennes entretiennent la mémoire des écrivains combattants tel Maurice Genevoix. On oublie pourtant Driant auteur parce que son œuvre est antérieure au conflit et qu’il n’a pas écrit sur les combats, pas de romans en tout cas. Alain Fournier qui est lui aussi tombé en Meuse est en revanche fréquemment évoqué. Le colonel reste cantonné au bois des Caures et aux chasseurs alors qu’il avait beaucoup écrit sur cette guerre… avant la guerre.