Le
colonel Driant est aujourd’hui
un peu oublié en France. Chaque année, la cérémonie organisée au
nord de Verdun, au bois des Caures, là où il s’est sacrifié avec
ses chasseurs, est d’autant plus émouvante que le calme et la
sérénité de l’endroit font oublier le déluge de fer et de feu
qui s’y est abattu le 21 février 1916. Les nancéens se
souviennent qu’il a été député de la ville car une place porte
encore son nom près de la cathédrale. Comme Balzac avec La
Comédie
Humaine,
Driant avait conçu toute son œuvre sous la forme d’une série
intitulée La
Guerre
de Demain.
Mais l’auteur d’une trentaine de volumes à la façon de Jules
Verne, très populaire avant guerre sous le pseudonyme de Danrit,
s’est également effacé.
De
nombreuses publications lui ont néanmoins été consacrées ces
dernières années dont l’excellente biographie de Daniel David.
Plus récemment, « Les
Bastions de l’Est de Boulanger à De Gaulle »,
préfacé par Philippe Séguin, ont permis de replacer le colonel
Driant au milieu des écrivains et des hommes d’Etats français du
début du XXe
siècle, les Barrès, Poincaré et autres Lyautey, et d’évoquer
leur rapport commun à la frontière.
Plus pointus mais passionnants, les travaux de Gérald Sawicki sur
l’espionnage franco-allemand ainsi que sur l’affaire Schnaebelé,
apportent une pièce important au décor.
Jusqu’ici,
les historiens ou les critiques littéraires ont surtout étudié le
militaire et l’écrivain voire, dans le cas de Daniel David, le
rapport entre les deux. Mais le stratège a peu retenu l’attention
d’autant que comme d’autres personnages ultérieurs, très connus
à l’image De Gaulle ou inconnus du grand public comme David
Galula, il est resté en marge de la réflexion stratégique
dominante.
A la lumière de l’engagement en Afghanistan, on a pourtant
redécouvert, quarante ans après sa mort, la pertinence de la pensée
de Galula sur la contre-insurrection. Il n’est peut-être donc pas
trop tard pour Driant.
En
général, un écrivain utilise sa vie dans ses romans. C’est vrai
pour Driant qui transpose ses souvenirs de jeune lieutenant affecté
au fort de Liouville, en Meuse, dans son premier ouvrage : « La
Guerre de Forteresse ».
C’est à cette occasion qu’il donne vie, pour la première fois,
à son héros récurrent, Danrit. Mais l’inverse est vrai aussi
car, par une suite de hasards, le colonel Driant a aussi vécu ses
livres. Le
20 février 1916,
à la veille du déclenchement de la bataille de Verdun, alors qu’il
vient de recevoir la visite de Joffre, il adresse à sa femme ce
dernier courrier où il se montre résigné quant à son sort. Il
sait ce que lui et surtout ses chasseurs vont subir dans les heures à
venir :
« Je
ne t'écris que quelques lignes hâtives, car je monte là-haut,
encourager tout mon monde, voir les derniers préparatifs ;
l'ordre du général Bapst que je t'envoie, la visite de Joffre,
hier, prouvent que l'heure est proche et au fond, j'éprouve une
satisfaction à voir que je ne me suis pas trompé en annonçant il y
a un mois ce qui arrive, par l'ordre du bataillon que je t'ai envoyé.
A la grâce de Dieu ! Vois-tu, je ferai de mon mieux et je me
sens très calme. J'ai toujours eu une telle chance que j'y crois
encore pour cette fois.
Leur
assaut peut avoir lieu cette nuit comme il peut encore reculer de
plusieurs jours. Mais il est certain. Notre bois aura ses premières
tranchées prises dès les premières minutes, car ils y emploieront
flammes et gaz. Nous le savons, par un prisonnier de ce matin. Mes
pauvres bataillons si épargnés jusqu'ici ! Enfin, eux aussi
ont eu de la chance jusqu'à présent… Qui sait! Mais comme on se
sent peu de choses à ces heures là. »
Driant
écrit avec les mots de La Hire (1390-1443), compagnon fidèle de
Jeanne d’Arc qui, sur son lit de mort, affirmait lui aussi qu’il
avait fait ce qu’il avait pu ! Mais, consciemment ou
inconsciemment, il reprend aussi les premières pages de « La
Guerre de Forteresse »,
où il affirmait déjà qu’il avait toujours eu beaucoup de
chances. En Tunisie, territoire où le jeune officier a servi et
qu’il a tant aimé, on aurait appelé cela la baraka… Tant comme
soldat que comme écrivain, Driant / Danrit se concevait en effet et
d’abord au service de la France.
UNE
VIE AU SERVICE DE LA FRANCE.
Une
vocation militaire.
Emile
Driant est né le 11 septembre 1855 à Neufchâtel-sur-Aisne, en
Champagne, où son père était notaire et juge de paix. S’il
appartient à la petite bourgeoisie de province, il ne dispose pas
d’une énorme fortune. Ecrire sera donc pour lui aussi un métier à
une époque où la solde des officiers était très modeste et ne
suffisait pas, loin s’en faut, à tenir son rang. Les règlements
quant au mariage des officiers étaient donc très précis afin
garantir aux officiers des revenus conséquents grâce à la dot des
heureuses épousées. Après sa démission de 1905, l’écriture
deviendra une profession à plein temps lui permettant de faire vivre
sa famille. Et même devenu député en 1910, il en tirera toujours
l’essentiel de ses revenus, la notion de rémunération des élus
étant encore pour l’essentiel une notion…
Adolescent
en 1870, comme Raymond Poincaré à Bar-le-Duc (né en 1860) ou
Maurice Barrès à Charmes (né en 1862), il a vu passer les troupes
prussiennes et a subit personnellement l’occupation. Tous trois
livrent naturellement des témoignages similaires :
« J’ai
dans la mémoire la vision très nette de bataillons comme ceux qui
passent en ce moment, casque en tête ; ils se succédaient jour
et nuit devant la porte de mes parents. C’était à Neuchâtel, aux
portes de Reims. Ceux-là revenaient de Sedan. J’avais quinze ans
et je comprenais. Aujourd’hui, quand j’entends les jeunes
s’égarer dans les rêveries humanitaristes, je me dis : S’ils
avaient vu cela ! »
On
comprend l’origine de sa vocation militaire et de son amitié
future avec Barrès, son collègue à l’Assemblée Nationale, ou
avec Déroulède, le chantre de la Ligue
des Patriotes.
Cette vision de défaite fait d’ailleurs écho dans son esprit à
un autre évènement issu de la tradition familiale et que Driant
immortalisera dans on œuvre littéraire. En 1814, son grand-père
avait entrevu Napoléon et même touché sa redingote : « Le
vieillard avait vu le Grand Homme passer un jour à cheval, dans la
rue de Vesle, à Reims, calme sur son cheval blanc, alors qu’autour
de lui s’accumulaient les armées prussiennes (…) Tous ces
mystérieux enthousiasmes, qui avaient vibré dans l’âme française
pendant vingt ans, se retrouvaient, sous la forme d’un culte
presque religieux dans son esprit. »
Malgré
ses critiques parfois virulentes de la IIIe
République et du régime parlementaire et comme pour Barrès qui
acceptait l’héritage de la Révolution, cet évènement à lui
seul a suffit à vacciner Emile Driant contre le Nationalisme
Intégral et le combat pour la Monarchie d’un Maurras.
Elève
au lycée de Reims, il obtient un premier prix d’Histoire au
Concours Général. Mais alors que son père aurait aimé le voir lui
succéder dans son étude, il veut être soldat, sans doute une
conséquence des images de 1870 si profondément imprimées dans son
cerveau qu’il y revient constamment dans ses livres, notamment dans
« La
Guerre de Forteresse »,
premier volume de « La
Guerre de Demain »,
son premier ouvrage publié en feuilleton à partir de 1888. C’est
son double Danrit, commandant en second d’une compagnie du 54e
RI chargé de tenir le fort Liouville, qui parle au moment où la
guerre éclate : « Sorti de Saint-Cyr en 1877, j’étais
encore enfant quand les corps d’armée germains étaient passés,
se succédant sans interruption, dans ce petit village de Neufchâtel,
près de Reims, sur la route de Paris. Et je me souvenais qu’alors,
furieux de mon impuissance et de ma jeunesse, je m’étais juré de
grandir bien vite et d’être officier pour le jour de la revanche…
et ce jour était venu. Enfin !
Après
une double licence en lettres et en droit, Driant intègre en effet
Saint-Cyr en 1875 et il en sort dans la botte, 4e
en 1877. Petit mais très doué pour l’équitation, selon ses
instructeurs, il choisit pourtant l’infanterie. Très bien noté,
il est promis aux plus hauts postes de la hiérarchie militaire et,
comme c’est le cas à l’époque, c’est aux colonies, plus
précisément dans le protectorat de Tunisie, qu’il fait ses
premières armes. Aspect moins connu, il passe aussi par la Meuse.
A
l’époque de Boulanger, Driant aurait été chargé de discrètes
missions d’inspection sur la frontière. Mais déjà en début de
carrière, il avait affecté à Saint-Mihiel, alors grosse ville de
garnison et QG de division. Là, il exécute des relevés
topographiques avant de rejoindre le fort de Liouville. Plus tard,
élu député de la Meurthe & Moselle, il s’intéresse beaucoup
au secteur fortifié de Toul qui poursuit au sud-est celui de Verdun.
Constamment, sa carrière ramène donc le soldat-écrivain vers la
Meuse et la Lorraine qui apparaissent naturellement dans ses romans.
C’est entre Saint-Mihiel et Apremont et notamment au fort de
Liouville que se déroule son premier livre. C’est aussi à Verdun
que le héros des « Robinsons
de l’air »
est en poste et c’est en Argonne que commence son périple vers le
pôle narré par Danrit en 1908.
Aspirations
/ Inspirations.
Un
peu comme De Gaulle qui multiplie les publications après son passage
au cabinet du maréchal Pétain, « La
France et son Armée »
par exemple, et au secrétariat général à la guerre, époque où
il rédige « Vers
l’armée de métier »,
l’écriture de la « Guerre
de Demain »
entre 1888 et 1892, traduit toute l’expérience accumulée par
Driant auprès d’un personnage controversé : le général
Boulanger. Comme pour De Gaulle, cette période marque aussi un
brutal arrêt dans sa progression de carrière. En 1884, Emile Driant
est en effet affecté comme officier d’ordonnance auprès du
général Boulanger, alors commandant la division stationnée en
Tunisie, et il le suit à Paris lorsque celui-ci est nommé ministre
de la guerre en 1886. A ce poste, il se limite à des fonctions
exclusivement militaires et ne touche en rien à la politique mais
cela lui sera pourtant plus tard reproché.
La
geste du brav’général Boulanger évoquée dans la chanson
populaire, « En
revenant de la revue »,
est bien connue. Il a d’abord été poussé par les Radicaux dont
Clemenceau avant de devenir le point de ralliement des extrêmes,
l’extrême droite royaliste ou nationaliste et l’extrême gauche
blanquiste. Rappelons que Maurice Barrès qui a été député
boulangiste de Nancy, siégeait à cette époque à l’extrême
gauche de la Chambre des députés et avait un suppléant ancien
blanquiste et dit-on communard.
On
sait aujourd’hui que Boulanger n’a été ni cet idiot décrit par
Clémenceau, ni le va-t-en guerre qu’on a voulu voir en lui au
moment de l’affaire Schnaebelé. Au cabinet du ministre, Driant se
serait intéressé à la question des fortifications mais aussi
peut-être à celle du renseignement et, d’une certaine manière,
« La
Guerre de Demain »
est une défense et illustration des thèses de Boulanger contre
celles des Républicains Opportunistes.
Au
plus près de tout ce qui se fait de mieux…
Dans
le roman, Danrit raconte à la première personne une invasion
allemande. Il montre d’abord qu’une invasion soudaine est
possible et il n’hésite pas à utiliser le terme de « viol »
- nous ne sommes rappelons-le qu’en 1888-1892 - pour décrire le
passage des troupes allemande à travers la Belgique neutre. Comme
toujours en science ou en politique fiction, cette guerre se situe
dans un futur imprécis mais l’auteur évoque fréquemment l’année
1886, justement celle où l’action de Boulanger a été décisive.
Le roman présente même d’une manière concrète les avancées
attribuées au ministre de la guerre : renforcement des
fortifications afin d’abriter les troupes de couverture qui doivent
protéger la mobilisation, accélération de la mise en service du
fusil Lebel ou des obus à la mélinite et, ce qui est moins connu,
financement des recherches sur les ballons que Driant évoque aussi
dans les « Robinsons
de l’air ».
Son passage au ministère lui a en effet permis de nouer des contacts
avec tout ce que l’armée possède de plus avancé en matière de
recherche.
Le
roman nuance fortement l’image d’un Boulanger belliciste et
partisan de l’offensive à outrance. Les dialogues entre les
officiers du fort de Liouville comparent en effet l’avantage des
stratégies qui font alors débat : offensive, défensive,
défensive-offensive avant de conclure que l’important n’est pas
là. En effet, qu’elle que soit l’option retenue, il faut d’abord
réaliser la mobilisation, d’où l’importance des fortifications,
de l’artillerie de forteresse et des troupes de couverture. Or,
Boulanger a été le premier à réaliser et à réussir des
exercices de mobilisation de grande ampleur et c’est justement ce
qui a inquiété Bismarck,
Et
puis la contre attaque vient, celle qui est narrée dans le deuxième
tome de la trilogie, « La
Guerre en rase campagne »,
écrit fictivement par Danrit à partir des notes d’un capitaine du
4e
Spahi. C’est un régiment stationné en Tunisie que Driant connaît
bien pour y avait effectué plusieurs temps de commandant.
Gendre
de Boulanger.
Le
29 octobre 1887, Driant épouse à Paris la fille du général
Boulanger qui venait de quitter le gouvernement et surtout d’être
brutalement mis à la retraite. On ne peut pas qualifier Driant
d’opportuniste car il devient le gendre du « Général
Revanche » au moment même où son l’étoile pâlie. Exilé
en Belgique, celui qui n’avait pas voulu marcher sur l’Elysée se
suicide en 1891 sur la tombe de sa maîtresse. Clémenceau, qui n’est
pas en mal d’un bon mot, dira qu’il est mort comme un
sous-lieutenant. Pour tous, Driant n’en demeure pas moins le gendre
d’un pestiféré. Or, paradoxalement, ce ne sont pas les
Républicains modérés - les Ferry, Freycinet, Poincaré et consorts
- alors au pouvoir, qui vont vouloir se venger de lui mais les
Radicaux qui avaient de prime abord encouragé les premières
initiatives du Général Revanche !!!
UNE
CARRIERE BRISEE : L’ECRITURE ET LA POLITIQUE.
Pendant
dix ans, jusqu’à la fin du siècle, la carrière d’Emile Driant
se poursuit donc normalement. Nommé chef de bataillon en 1896, il
est alors un des officiers les mieux notés de l’Armée Française.
Systématiquement, il a été à chaque fois classé premier au
tableau d’avancement et c’est encore le cas au début du siècle
pour l’accession au grade de lieutenant-colonel et pour l’octroi
d’un commandement. Pourtant, à partir de 1899, il est chaque année
rayé du tableau d’avancement par les ministres successifs de la
guerre et ceci malgré un document de l’Etat Major indiquant que
rien ne s’oppose à sa promotion. Driant ne doit pas passer
lieutenant-colonel, ni commander un régiment afin de ne jamais
devenir général.
Le
1er
bataillon de chasseurs à pied de Troyes (1899-1905).
C’est
pourquoi, il demande un bataillon de chasseurs à pied, unité qui
fait corps mais qui est dirigée par un simple commandant. Il obtient
le 1er
Bataillon de Chasseurs à Pied (BCP) de Troyes, rapidement surnommé
« bataillon Driant » et dont il fait une unité d’élite.
Il va passer six ans à Troyes, une période qui peut paraître fort
longue comparé aux temps de commandement actuels de deux ans. Entre
l’administration de son unité, les manœuvres, les marches de 150
kilomètres en tête de son unité (qui annoncent un Bigeard) et les
mondanités propres à la vie de garnison, le commandant Driant qui
est désormais un peu loin de Paris et des milieux décisionnels de
la guerre, trouve tout naturellement un dérivatif dans l’écriture.
Petite anecdote, Troyes et même Reims qui n’est pas si loin,
jouent alors un rôle important dans la naissance de l’aviation, ce
qui n’a pas pu ne pas exciter l’imagination de Danrit.
Un
dérivatif dans l’écriture.
En
six ans, il livre en effet pas moins de huit volumes.
Il achève d’abord sa seconde trilogie : « Histoire
d’une famille de Soldat ».
« Filleuls
de Napoléon »
en
1900 puis « Petit
Marsouin »
en 1901 viennent compléter « Jean
Tapin »
paru en 1898. En 1902, c’est « Le
drapeau des chasseurs à pied
», un vibrant hommage rendu à son unité. Moins disponibles pour
des recherches, Driant donne donc des ouvrages davantage historiques
et moins lié à l’actualité. En pleine affaire Dreyfus, ils
permettent néanmoins, avec un peu de recul et de précautions,
d’affirmer la place que l’Armée doit jouer selon lui dans la
société.
Dès
1902-1903, il revient pourtant à guerre fiction et notamment à la
guerre sous-marine à l’occasion de sa troisième trilogie :
« La
Guerre Fatale »
qui raconte une guerre franco-britannique. On a en effet largement
oublié, grâce à l’entente cordiale de 1904, que notre plus gros
ennemi potentiel était alors la « perfide Albion » et la
guerre avait même failli éclater après l’affaire de Fachoda en
1898. Seul le renfort de l’alliance russe avait alors pu nous
sortir de l’isolement diplomatique.
Driant
propose en 1904 un roman d’aventure mais aussi de politique fiction
intitulé « Evasion
d'Empereur »,
qui raconte bien entendu comment Napoléon aurait pu quitter
Sainte-Hélène à la barbe des Anglais. Simple parenthèse,
sans doute pas parce Driant, violemment anglophobe, prépare en même
temps un livre bien plus ambitieux et qui sera une de ses meilleures
ventes, un ouvrage remis fréquemment comme prix de fin d’année
dans les lycées.
« Ordre
du Tzar »
relate
la course de vitesse entre deux colonnes russes et britanniques,
parties l’une d’Asie centrale et l’autre des Indes afin de
s’emparer du Tibet. Bien sûr, les sujets du Tsar l’emportent
grâce à un petit groupe de soldat français et leur dirigeable !
L’Affaire
des Fiches.
Driant
est barré pour l’accès aux postes les plus élevés de l’Armée.
En 1892, il a déjà reçu huit jours d’arrêts pour avoir défendu
la mémoire de son beau-père dans les colonnes du Figaro.
A partir de l’arrivée au pouvoir d’une majorité radicale, en
1898, Sarrail qui a seulement un an de moins que lui et qui était
moins bien classé obtient sans problème barrettes et commandements.
Or ce dernier ne cache ni ses sympathies politiques pour la nouvelle
majorité, ni ses amitiés dans le monde franc-maçon.
Avant même que n’éclate officiellement l’affaire des fiches,
elle affecte déjà la carrière de Driant.
Depuis
1899, le gouvernement du petit père Combes et du général André,
ministre de la guerre auprès duquel sert Sarrail, a mis en place un
système de notation parallèle des officiers avec l’aide des loges
maçonniques. Les opinions des militaires - lesquels ne disposent pas
alors du droit de vote
- et notamment leurs opinions religieuses ou prétendues telles sont
prises en comptes pour favoriser les officiers que l’on croit
républicains et bloquer la carrière des autres. Les Etats Majors
sont épurées de même que les grands commandements et les fiches
servent aussi à déterminer le classement de sortie de l’Ecole de
Guerre ou les listes d’aptitude à la fonction de général. De
Castelnau, « le capucin botté », le futur vainqueur du
Grand Couronné en 1914, est ainsi expulsé de son poste de directeur
du premier bureau de l’Etat-Major. Au début de la guerre, Joffre
devra limoger pour incompétence 80 généraux promus à l’époque
des fiches.
L’affaire
éclate en 1904 et André démissionne mais le système continue
néanmoins à fonctionner. Driant manifeste haut et fort son
indignation devant les cadres de son bataillon. Il fait aussitôt
l’objet d’un rappel à l’ordre et est rayé, une fois de plus,
du tableau d’avancement.
En
1905, il prend quinze jours d’arrêts simples pour avoir fait
publier des notes personnelles dans la presse. En plein climat de
Séparation des Eglises et de l’Etat, arrive la dernière affaire,
celle de la célébration de la Sidi Brahim, la fête des chasseurs.
A Troyes, elle commence par une messe à laquelle participe librement
une partie du bataillon. Berteaux, ministre de la guerre, demande des
explications au commandant du XXe
Corps. Les journaux s’emparent de l’évènement et publient la
réponse du chef de corps du 1er
BCP à son supérieur. Bilan : quinze jours d’arrêts de
rigueur supplémentaires.
A
50 ans, le 31 décembre 1905, le chef d’escadron Emile Driant
démissionne et quitte l’armée. Admis dans le cadre de réserve,
il ne reçoit pas de commandant, comme il l’espérait, ni d’une
unité de réserve, ni même d’une unité territoriale.
DEPUTE
DE NANCY (1910-1916).
Driant
devient écrivain à temps plein mais il ne se contente pas de
défendre ses idées par les mots et le papier. Après un premier
échec en région parisienne aux législatives de 1906, il se
présente en 1910 à Nancy. Le choix de l’Est pour ce Champenois
amoureux de la Tunisie pourrait sembler paradoxal mais il est tout à
fait logique.
Au
cœur des « Bastions de l’Est ».
Comme
De Gaulle qui s’installe dans l’entre-deux guerres à Colombey,
afin de demeurer à proximité des Bastions de l’Est et des grandes
villes de garnison de la frontière, il y a chez Driant ce désir de
s’implanter au cœur du dispositif français, à quelques dizaines
de kilomètres seulement des territoires annexés. Dans la « Guerre
de Forteresse »,
la brusque offensive allemande que narre le lieutenant Danrit se
dirige en effet à la fois vers les côtes de Meuse et l’ensemble
Nancy / Toul. En 1888, l’auteur plaçait déjà dans la bouche d’un
vieil officier qui y avait assisté, le récit traumatisant de
l’occupation de la ville en 1870 par un simple lieutenant prussien
et quatre uhlans. Et puis, Driant avait été affecté quelques mois
à Nancy avant de recevoir le commandement de son bataillon, c’est
donc une cité qu’il connaît bien.
Barrès
– Lyautey – Marin.
Il
existe aussi une grande proximité entre Driant et trois personnages
qui marquent alors, chacun à sa manière, la Meurthe & Moselle,
la Lorraine et la France : Barrès, Lyautey et Louis Marin.
D’une
certaine manière, Driant succède à Barrès qui a été au cours
d’un unique mandat député de Nancy. Ce n’est peut-être donc
pas pour rien qu’au début du siècle, notamment dans les
« Robinsons
de l’Air »,
Danrit fasse de multiples références implicites à l’auteur de
« La
Colline inspirée »,
notamment à sa prédilection pour la terre et les morts. Dans « Les
Déracinés »,
Barrès parle lui-même abondamment de Nancy. Le roman commence au
futur lycée « Henri Poincaré » quand le professeur de
philosophie devient député radical alors qu’un de ses élèves,
sous les couleurs de Boulanger, est élu à Bar-le-Duc… On
regrette, en tout cas, ce que Barrès aurait pu écrire pour
accueillir Driant chez les Immortels de l’Académie Française.
Avec
le propriétaire du château de Thorey, la filiation ou le
compagnonnage idéologique est encore plus frappant. Driant et
Lyautey sont de la même génération (1854-1934) puisqu’ils sont
nés puis entré à Saint-Cyr à seulement une année de différence.
Surtout, catholiques ralliés à la République, ils défendent une
même idée du rôle social de l’officier que le « proconsul »
du Maroc théorise dans ses essais et que Danrit diffuse dans ses
romans.
Enfin, ils ont en commun le goût de l’Orient qu’illustrent
magnifiquement les pages de Driant sur la Tunisie, par exemple celles
du début des « Robinsons
sous-marins ».
Le
dernier individu est aujourd’hui moins connu même s’il a été,
en son temps, un personnage considérable de la IIIe
République. Président de l’Alliance
Républicaine
et dirigeant à une époque de tout le centre droit, il fut même un
des rares esprits éclairés, avec Georges Mandel, à voir venir les
périls des années 30. De Gaulle espéra même longtemps le voir
venir à Londres. Et bien, ils sont élus ensemble à Nancy en 1910,
année où quatre députés de droite, ce qui ne s’était jamais vu
depuis 1871, représentent la Meurthe & Moselle à la Chambre.
Là
se trouve, semble-t-il, une raison supplémentaire du choix de l’Est.
L’année 1910 symbolise une évolution politique aujourd’hui bien
connue et qui fut illustrée à l’époque par l’enquête Agathon,
vrai-faux sondage en direction de la jeunesse, due à un journaliste
et à un écrivain en herbe, qui révéla la profonde poussée
nationaliste alors à l’œuvre dans l’opinion. C’est l’époque
de l’engagement d’Ernest Psichari ou de la conversion patriotique
de Charles Péguy.
« Vers
un Nouveau Sedan »
(1906).
Aussi
les adversaires de Driant, les Radicaux notamment, ne voient en lui
qu’un « candidat
exotique »
et donc peu dangereux lorsque la campagne commence. Dans leur presse,
ils tirent à boulet rouge contre lui, ressortent l’épisode
Boulanger et l’accusent – c’est le comble - d’antipatriotisme.
Dès son départ de l’Armée, Driant a en effet entrepris la
rédaction d’un essai, publié en 1906 et qui s’intitule :
« Vers
un nouveau Sedan ».
Il est issu d’une série d’articles qui lui avaient été
commandés à l’occasion des grandes manœuvres de l’armée
allemande, manœuvres que l’ex-commandant était allé voir sur
place. Or, l’ouvrage, très rapidement traduit en allemand, avait
été trouvé « hochinteressant »
par la critique d’outre-Rhin, d’où l’accusation de la presse
nancéenne contre son prétendu défaitisme.
Ce
livre qui se veut une analyse des erreurs commises quant à la
préparation de la guerre future est le pendant direct des romans
dont les dialogues illustrent les polémiques contemporaines. Dans le
prologue de « Vers
un nouveau Sedan »,
Driant explique d’ailleurs que « La
guerre de Demain »,
qu’il rédige depuis dix-huit ans, n’est pas seulement sa
première trilogie mais l’ensemble de son œuvre. L’ouvrage
ressemble néanmoins, par bien des aspects, à « La
discorde chez ennemi »,
essai d’analyse politico-militaire sur les causes de la défaite
allemande de 1918 qui sera, à la génération suivante, le premier
livre du capitaine De Gaulle.
Catholicisme
Social.
Emile
Driant devient donc député en 1910 et, s’il s’inscrit à
droite, c’est finalement dans le groupe relativement modéré de
l’Action Libérale.
C’est alors le principal mouvement d’opposition avec un groupe
parlementaire qui oscille entre 60 et 80 députés. Driant appartient
à la tendance majoritaire qui représente ces catholiques, comme
Jacques Piou ou Albert de Mun, qui se sont ralliés à la République
après les déclarations de Léon XIII et le célèbre « toast »
d’Alger de monseigneur Lavigerie. Comme le père du général De
Gaulle, ancien légitimiste, Driant peut alors passer pour un
Républicain de raison. Comme chez Barrès, son acceptation des
acquis de la Révolution et surtout de l’Empire (voir ses romans)
le sépare irrémédiablement de l’Action
Française
et de Maurras. S’il n’est pas à proprement parlé démocrate
chrétien, le mot n’existe pas encore, il fréquente néanmoins au
sein de l’Action Libérale des émules de Marc Sangnier qui ont
participé à l’aventure du Sillon. La somme d’Alain Larcan sur
les origines intellectuelles du chef de la France Libre souligne
aussi abondamment cette parenté.
Au début du siècle, Driant s’est beaucoup intéressé aux
différents mouvements qui voulaient rapprocher l’Eglise et le
monde ouvrier ou associer le capital et le travail, lointaine
annonciation de la notion de participation chère au fondateur de la
Ve
République, et il a voté toutes les lois sociales importantes.
C’est d’ailleurs son principal centre d’intérêt à la Chambre
après les questions militaires.
De
L’Alerte à l’Alarme.
A
la suite de la vague anarchiste qui a frappé la France à la fin du
siècle précédent, de la Révolution ratée de 1905 en Russie et du
développement du syndicalisme révolutionnaire, Driant commence à
exploiter la veine de la politique fiction. Au moment même où il se
lance en politique, il livre une série de romans qu’il désavouera
d’ailleurs au début de la guerre, dans la fièvre de l’Union
Sacrée, un peu comme le fera Barrès regrettant ses propos
antisémites dans « Les
différentes familles spirituelles de la France ».
Dans
« La
Grève de demain »
ou « La
Révolution de demain »
en 1909 et
« L'Alerte »
en
1910, Emile Driant croît en la possibilité de la grève générale
et d’un possible coup de force révolutionnaire, aidé ou pas d’une
cinquième colonne ennemie. Le député Driant s’est en effet
beaucoup documenté sur la question et il a suivi le développement
des syndicats jaunes liés au patronat qui tentaient alors de briser
l’élan du syndicalisme révolutionnaire.
Lieu
commun de ce début de siècle, il fait des instituteurs - évidemment
tous républicains, laïcs, francs-maçons, socialistes et pacifistes
- les principaux fauteurs de troubles, une position qu’il révisera
dans les tous derniers jours de sa vie lorsque, dans les tranchées
du bois des Caures, au milieu de ses chasseurs, il corrigera les
épreuves de la réédition des « Robinsons
Souterrains ».
Dans l’édition de 1913, le rôle du traitre était joué par un
instituteur mais, témoin du sacrifice de nombreux enseignants en
1914, Driant fit disparaître le personnage. Au-delà de l’anecdote,
ce fait démontre que la gauche comme la droite partageaient alors
les mêmes mythes, pour les souhaiter ou pour les craindre :
celui de la grève générale ou du pacifisme et ceux relatifs aux
hussards noirs de la République…
Sans
aller jusqu’à Galula, l’intérêt pour l’insurrection et la
contre insurrection est logique chez un officier qui, dans sa
carrière opérationnelle en Tunisie, a été affecté à des tâches
de pacification. Il s’est sans aucun doute tenu informé de la
révolte des Boxers en Chine ou de la guerre contre les Boers en
Afrique du Sud voire des campagnes moins connues menées par les
Britanniques en Asie du sud-est qui préfigurent les luttes de contre
insurrection de la Guerre Froide. Même si la Revanche est centrale
chez Danrit, les derniers romans laissent de plus en plus de place
aux « petites guerres »
et au fanatisme religieux évoqué dès 1894
dans
« l’Invasion
Noire ».
Pourtant, avec Foch comme professeur de stratégie à l’Ecole de
Guerre, l’Etat-Major s’intéresse alors surtout au théâtre
européen, à la guerre classique et aux campagnes napoléoniennes.
Et puis l’offensive à outrance, « la seule stratégie qui
soit vraiment française », est érigée, elle aussi, en
véritable mythe national. La position de Driant est donc assez
originale au sein de la pensée militaire de ce début du siècle.
Et
puis arrive juin 1914, Sarajevo, déjà, et la mobilisation. Son âge,
59 ans, et son mandat parlementaire auraient pu lui permettre
d’éviter un conflit qu’il avait tant de fois pressenti et
annoncé. Il aurait aussi pu intégrer les rouages administratifs
voire profiter de l’Union Sacré pour entrer au gouvernement. La
guerre lève de toute façon l’interdit qui le frappait. Comme
André Maginot et Abel Ferry, il fait aussitôt acte de volontariat
et reçoit le commandement d’abord d’un bataillon de chasseurs
puis de deux. Il obtient enfin la 5e
barrette de lieutenant-colonel. Ce n’est plus du roman, c’est la
guerre !
UN
JULES VERNE MILITAIRE.
Le
surnom de « Jules Verne militaire » est emprunté à
Daniel David. Jules Verne qui a connu son premier succès, « Cinq
semaines en ballon »
en 1862, est mort à Amiens en 1904 mais son œuvre est poursuivi par
de nombreux successeurs comme Paul d’Ivois ou Danrit. Comme à son
époque, les ouvrages sont d’abord publiés en feuilletons dans un
journal ou une revue avant de sortir en grands formats. Les amateurs
trouvent chez Flammarion la belle édition à reliure rouge qui
rappelle effectivement les « Voyages
Extraordinaires ».
Très illustrée, en général par Dutriac, ces volumes sont très
recherchés aujourd’hui par les collectionneurs. Une version avec
une reliure unie moins coûteuse, fréquemment remise comme prix de
fin d’année dans les lycées, était aussi proposée. Mais le
lecteur pouvait aussi faire relier la publication en fascicule. Après
la guerre, la plupart des romans sortiront enfin en poche.
Des
romans au schéma classique.
Les
romans de Danrit possèdent pour la plupart un schéma classique.
Prenons l’exemple des « Robinsons
de l’Air ».
Apparemment, ces livres s’adressent comme chez Jules Verne, à un
jeune public. D’ailleurs, dans la préface de ses romans, Driant ne
cache pas son désir de mobiliser la jeunesse et il en est remercié
par l’Académie Française lorsque celle-ci lui remet un prix pour
« La
Guerre de Forteresse ».
Il s’agit bien sûr de vulgariser les dernières découvertes de la
science ou de la géographie et de traiter des thèmes d’actualité.
« Au
dessus du continent noir »,
en 1912, constitue ainsi une relecture de l’aventure de la colonne
Marchand en 1898 mais avec les acquis plus récents de l’aviation.
Les
livres reposent toujours sur un personnage central, jeune officier ou
ingénieur, généralement d’extraction modeste, arrivé par
l’étude et le travail et habité par le sens du service. Placé
devant des circonstances extraordinaires, il va devoir s’interroger
sur ce que commande son devoir. Et il va rencontrer une jolie
personne, plutôt de belle naissance et donc au départ inaccessible
mais qu’il va conquérir par ses vertus. La trame sentimentale
demeure donc très conventionnelle et conforme aux normes morales de
la Belle Epoque.
Une
même veine : les romans synoptiques.
La
filiation avec Jules Verne est tellement évidente que les thèmes de
plusieurs romans sont identiques : « Robur-le-Conquérant »
et « Robinsons
de l’Air »
ou « Michel
Strogoff
» et « Courrier
du Tzar ».
On retrouve de la même manière la conquête coloniale ou les
explorations polaires dans de nombreux ouvrages des deux auteurs mais
il s’agit là de sujets d’actualité communs à l’époque.
Certaines scènes sont enfin très voisines, ainsi « L’Aviateur
du pacifique »
débute par le torpillage du cargo du héros, lequel dérive sur un
radeau avant d’être recueilli comme au début de « 20000
lieues sous les mers ».
Lien
à l’actualité.
Mais
comme c’est le cas très souvent en Science Fiction, l’anticipation
n’est qu’un moyen détourner de parler du présent, ce qui peut
être utile pour un officier soumis au devoir de réserve et à
l’imprimatur de ses supérieurs. Dans « Le
meilleur des monde »,
roman des années 1930, Aldous Huxley ne parle pas du futur mais,
après un voyage dans la Russie stalinienne, de la montée des
totalitarismes. Driant est donc pleinement dans le présent.
Plusieurs de ses romans sont écrits d’ailleurs à chaud, dans
l’évènement.
Il
rédige « Courrier
du Tsar »
pendant la révolution ratée de 1905 et embraye sur « L’Invasion
jaune »
alors que la défaite russe contre les Japonais est encore un sujet
brulant. Plusieurs ouvrages sont enfin dédiés à des officiers ou à
des ingénieurs, voire à des équipages entiers qui sont se
sacrifiés en expérimentant un sous-marin ou un ballon. La série
des Robinsons arrivent ainsi juste après des catastrophes aériennes
ou des naufrages qui ont fait polémique au point que des campagnes
de presse ont été menées contre les gouvernements qui avaient pu
dépenser de telles sommes pour rien… On voit bien où allait
l’argumentation de Driant.
La
science et la technique.
C’est
que Driant, depuis son passage au cabinet de Boulanger, était en
contact avec tout ce qui se faisait de mieux dans l’Armée en
matière de « nouvelles technologies ». En 1887,
Boulanger avait par exemple donné un sérieux coup de fouet et
surtout un budget à l’établissement aéronautique de l’armée à
Meudon ou furent ensuite essayés les dirigeables « France »
et « République » dont Danrit parle avec emphase. Le
héros des « Robinsons
de l’air »
est ainsi un jeune lieutenant polytechnicien formé à Meudon qui
vient d’être affecté à Verdun. Cela n’empêche pourtant pas
Driant d’imaginer des machines futuristes comme ce dirigeable
hybride de ballon et d’avion de « Courrier
du Tsar »
ou le caloriphone, un téléphone fonctionnant sur la base de la
transmission de chaleur de la « Guerre
de forteresse »,
qui n’a pas de réalité en 1888 mais qui annonce la fibre optique
et le laser.
Mais
même le plus « imaginatif » des récits de Danrit, les
« Robinsons
de l’Air »,
a trouvé un aboutissement dans les années 1920 avec la première
traversée aérienne du pôle nord réalisée par Umberto Nobile et
Roald Amundsen, quasiment sur la route prévue dans le livre. Chose
amusante, Driant prévoyait une expédition commune franco –
Américano - Norvégienne, la France fut juste dans les faits
remplacée par l’Italie.
Le
propre de Driant.
Les
préoccupations politiques ne sont pas absentes des livres de Jules
Verne. « Les
naufragés du Jonathan »
aborde le thème du socialisme utopique, « Un
drame en Livonie »
celle de la Russification et de l’autodétermination mais il
demeure un doute profond sur ses intentions parce que les romans de
la fin de sa vie ont été profondément remaniés par son fils
Pierre. Et si les deux auteurs sont attirés par la Russie, ils sont
opposés sur la question de l’Angleterre et de l’Allemagne. Verne
déteste l’Allemagne qu’il a combattu en 1870 comme garde côte
et l’Autriche-Hongrie qui persécute Mathias Sandorf, son Monte
Christo dalmate. Mais il admire le Royaume Uni de Phileas Fogg.
Question d’époque sans doute car, au début du XXe
siècle, la question de la Revanche s’est provisoirement assoupie
alors que l’affaire de Fachoda a sérieusement compliqué les
relations franco-britannique. Celles-ci avaient pourtant été
excellentes au début de la carrière de Verne, lorsque l’empereur
Napoléon III avait signé un accord de libre échange avec Victoria.
L’alliance franco-russe a encore accru la tension, du moins au
début, car l’Empire du Tsar et celui de Victoria, impératrice des
Indes en Asie Centrale et en Perse.
Il
serait caricatural d’opposer Jules Verne, vulgarisateur de la
science et des voyages, et Driant, simple auteur militaire. Verne a
lu et il cite même des auteurs militaires comme Ardant du Picq et il
s’est lui-même beaucoup intéressé aux conflits : dans
« Nord
et Sud »
par exemple, où il décrit la guerre de sécession américaine, ou
dans « Les
500 millions de la Bégum »
où il traite du militarisme prussien. Plusieurs livres laissent même
apparaître en filigrane les révoltes coloniales. Nemo lui-même,
victime des Britanniques qui ont massacré sa famille aux Indes, est
un héros semi-positif de révolutionnaire romantique. Mais derrière
l’humour des premières pages de « De
la Terre à la Lune »,
se cache une violente charge contre la guerre et, au sens propre
comme au sens figuré, des marchands de canons. Et puis, dans la
dernière partie de sa vie, l’œuvre de Jules Verne se fait plus
sombre. Il s’écarte de ce scientisme du Second Empire, sa grande
époque et celle de Pasteur, où on croyait au progrès irrémédiable
des sociétés et à la science réglant tous les problèmes.
Au
début du XXe
siècle, cette illusion s’est en partie évaporée et l’irrationnel
revient sur le devant de la scène. Freud, Nietzche et Alan Kardec
sont passés par là et Claudel a redécouvert la foi derrière son
pilier de Notre-Dame. « Le
secret de Wilhelm Storitz »
de Jules Verne qui est basé sur la possibilité de créer des
hologrammes, emprunte ainsi autant aux frères Lumières qu’au
spiritisme et à une ambiance qui n’est pas sans rappeler Mary
Shelley et Frankenstein.
Driant,
lui, décrit la chose militaire de l’intérieur et il s’intéresse
à la psychologie, la grande découverte du moment, tant ce qui fait
agir les individus, que ce qui mobilise les masses. Gustave le Bon et
sa « Psychologie
des foules »
ne sont pas loin et on comprend l’intérêt du député de Nancy
pour les phénomènes révolutionnaires
UN
ROMANCIER OU UN STRATEGE ?
Emile
Driant, alias capitaine Danrit, est-il donc un véritable écrivain
ou un politologue, un stratège voire un géo-stratège qui aurait
été empêché de s’exprimer et qui aurait trouvé un
exutoire dans la fiction ? Certes, à part « Vers
un nouveau Sedan »,
il n’a pas produit d’essais, ni de traités. Mais il prononce de
nombreux discours, un peu partout en France, et la presse s’en fait
souvent l’écho. Il écrit aussi dans des Revues
Militaires et
a été instructeur à Saint-Cyr. A l’inverse, reçu haut la main à
l’entrée de l’Ecole de Guerre, il n’a pas fini pour une raison
non élucidée et n’a donc pas été breveté…
A
la même époque, des auteurs civils mais surtout militaires, venus
de la géographie ou des sciences politiques, sont en train de fonder
en Allemagne la « géopolitique ». Mais à Saint-Cyr où
la géographie est pourtant une matière essentielle, on se contente
surtout de la géographie physique et dans un but de tactique et non
pas de stratégie. Driant y excellait et, lors de sa première
affectation à Saint-Mihiel, il a effectué beaucoup de relevés
topographiques. Il connaît donc parfaitement le terrain de « La
Guerre de Forteresse ».
Toutes
les grandes questions du moment sont cependant évoquées à un
moment ou à un autre de la série. En empruntant à tous les romans,
on peut classer les centres d’intérêts du capitaine Danrit en
trois domaines : la géopolitique en tant que telle, le progrès
de l’armement et son impact sur la théorie militaire et enfin la
question des plans.
La
géopolitique.
Le
commandant Driant parle avec enthousiasme de l’alliance
franco-russe dans « Courriers
du Tsar »
mais « l’Alerte »
montre qu’il n’est pas dupe du rouleau compresseur. Déjà dans
la « Guerre
de Demain »,
l’alliance de revers avait uniquement pour but d’empêcher une
attaque brusquée de l’Allemagne contre la France et de faciliter
la mobilisation de ce côté-ci des Vosges. Le roman s’organise
néanmoins autour du thème récurrent de la politique extérieur de
l’empire des tsars et plus tard de l’Union Soviétique :
l’accès aux mers chaudes. Certes, la Chine est oubliée dans le
livre mais Driant comprend très bien le rôle que va jouer plus tard
le plateau tibétain et il a saisit la fonction charismatique du
Dalaï Lama. L’auteur narre par exemple une tentative britannique
de contrôler la désignation du souverain de cette grand théocratie
himalayenne par la mainmise sur le Pantchen Lama, le deuxième
personnage du Tibet.
C’est exactement ce que les Chinois ont tenté de faire, d’abord
à l’époque de Mao puis plus récemment lors de l’affaire dite
des « enfants prisonniers politiques ».
Le
livre le plus prophétique de Driant est sans doute « L’Aviateur
du Pacifique »
(1909) qui commence par une attaque sans déclaration de guerre
préalable des Japonais sur Pearl Harbor et qui finit par une
bataille navale autour de l’îlot de Midway prélude à un
débarquement américain au Japon. L’auteur a bien sûr
connaissance de la démonstration militaire que la flotte américaine
a conduite dans le Pacifique au début du siècle à la demande de
Teddy Roosevelt et des efforts de fortification entreprit à Midway
afin d’en faire en centre de stockage de charbon permettant de
doubler l’autonomie de ladite flotte. Il insiste en effet fortement
sur la fonction maîtresse de la logistique dans les conflits
futurs ! Le récit est cependant très proche des évènements
de décembre 1941, jusqu’au discours du président des Etats-Unis
devant le Congrès : « Et
le Président des Etats-Unis, dans un message flétrissant la
perfidie et la traitrise japonaise, annonça au peuple américain que
l’état de guerre existait entre l’Amérique et le Japon ».
Cet
amoureux du Maghreb ne pouvait pas rester insensible à L’Afrique.
Deux romans, « Au
dessus du continent noir »
en 1912 et surtout « L’invasion
noire »
en 1894 prennent en 2011 l’allure d’une actualité brulante car,
sur un fond de fanatisme religieux, ils racontent la prise en main
des peuples sahéliens par le Proche-Orient arabe en vue d’une
offensive vers l’Europe…
Armement
et théories militaires.
Driant
s’est régulièrement tenu au courant de l’évolution des armes
mais surtout il en a tiré les conséquences dans le domaine de la
théorie militaire.
Il
évoque d’abord l’évolution des armes. Les premiers livres
évoquent largement le sujet qui a occupé le devant de l’actualité
dans les années 1880-1890, celui de l’artillerie et surtout des
obus à la mélinite qui ont rendu obsolète les fortifications
construites après 1871.
Le feu des batteries de campagne allemandes contre Liouville, narré
dans la « Guerre
de Forteresse »,
tient autant compte de ce qui a été vécu durant la guerre de
Sécession et la guerre Franco - Prussienne que des expériences
conduites depuis par l’armée française. Mais Driant a aussi
imaginé l’emploi massif des gaz de combat afin de stopper
l’Invasion
Noire
sous les murs de Paris même si leurs effets s’apparentent
davantage à ceux d’une arme atomique. Deux ans avant le début
des combats à Vauquois, il décrit également la guerre des mines
dans « Les
Robinsons Souterrains »,
en s’inspirant du précédent fameux de Sébastopol, durant la
guerre de Crimée, un évènement qu’il avait déjà évoqué dans
son premier roman.
Il
s’intéresse aussi très largement aux matériels militaires. Les
conceptions de Driant sont relativement classiques en matière de
forteresse même s’il décrit largement les travaux rendus
nécessaires par l’évolution des explosifs et des obus torpilles.
Les fortifications sont utiles afin de se parer à une attaque
brusquée de l’ennemi, le temps nécessaire à la mobilisation,
mais il faut que les troupes de couverture viennent boucher les
espaces libres entre les forts et qu’elles puissent y manœuvrer.
Ces conditions avaient mal été remplies au début de la « Guerre
de Forteresse »
causant l’isolement du fort.
Driant
n’a pas l’a priori de Foch pour qui l’aviation n’avait avant
guerre aucun avenir militaire. Il est au contraire fasciné par les
ballons, les avions et les sous-marins et sans nul doute aurait-il
rêvé d’être le lieutenant des « Robinsons
de l’Air ».
Les « Robinsons
sous-marin »
commencent quant à eux par le non respect du règlement militaire
lorsque le capitaine du bâtiment autorise son meilleur ami, officier
terrien, à monter à bord pour ce qu’ils croient devoir être un
court exercice en mer. Driant aurait pu être ce militaire là.
Plus
intéressant est l’intérêt de l’auteur pour la communication
entre les armes et les armées, un sujet encore d’actualité une
génération plus tard au moment de la rédaction de « Vers
l’Armée de Métier »
par De Gaulle. C’est une question importante à une époque où la
marine et l’armée de terre vivent dans deux mondes séparés.
N’oublions pas qu’en 1940 encore, l’Etat Major n’avait pas
jugé nécessaire d’équiper les chars français de radio… Dans
« La
Guerre Fatale »,
la victoire finale contre la perfide Albion n’est rendue possible
que par une fine coordination de la Marine et de l’Armée de Terre.
Mais Danrit évoque aussi la nécessité d’une communication en
temps réel entre l’artillerie, l’infanterie et ce qui n’est
pas encore l’aviation. Or, il connaît bien les travaux du
capitaine Ferrier, promoteur de l’usage de la TSF militaire, auquel
il rend hommage dans « L’Aviateur
du Pacifique ».
Des expériences ont été menées dès 1898 sur la tour Eiffel et
un poste permanent y a même été installé par l’Armée. Or,
c’est parce que Joffre a été informé par radio des
renseignements obtenus par un avion d’observation que la victoire
de la Marne a pu être possible en 1914.
Bien
avant les généraux promus à l’occasion de l’affaire des fiches
et que Joffre devra limoger en masse, Driant s’est rendu compte que
l’augmentation massive de la puissance de feu tue… Les pertes
effroyables dues en 1914 aux mitrailleuses ennemies dans des rangs
français en pantalons rouges chargeant au pas et au sifflet n’ont
pas surpris l’auteur de « La
Guerre de Demain » qui
était quant-à lui très soigneux de ses hommes ! Dans la ligne
droite du développement de la TSF militaire et des autres inventions
plus ou moins imaginaires en matière de télécommunication,
caloriphone ou dirigeable changeant de couleur, Danrit envisage tout
naturellement la guerre électronique. Pour couvrir leur invasion des
îles Hawaï, les Japonais du roman de Driant avaient prévu un
réseau de chalutiers munies d’antennes chargés d’écouter puis
de brouiller les communications de la flotte américaine, ce que les
marins soviétiques sauront très bien faire durant la Guerre Froide.
Dans
« Au
dessus du Continent Noir »,
le commandant écrivain pose le problème du contrôle des armements
dans une économie libérale en s’appuyant sur un fait divers réel,
la revente par la France d’un stock de fusils obsolètes qui se
retrouve quelques temps plus tard dans les mains de tribus africaines
révoltées contre elle. A travers « L’Invasion
Jaune »,
il conceptualise aussi l’idée de guerre économique voire
d’intelligence économique, des notions qui sont apparues
tardivement dans la pensée stratégique française.
Les
plans chez Driant.
Les
conflits racontés par Danrit commencent toujours sans déclaration
de guerre par une attaque brusquée, ce qui avait été effectivement
le cas en 1905, longtemps avant Pearl Harbor, lors de l’attaque
japonaise contre la Russie en Extrême-Orient. La perfidie allemande,
japonaise ou britannique est même le thème récurrent des grandes
trilogies. Les Prussiens envahissent en une nuit la Lorraine pour
venir butter contre les côtes de Meuse, les Japonais attaquent Pearl
Harbor au petit matin et les Anglais coulent sans crier gare nos
bâtiment en rade de Bizerte, un évènement qui annonce fidèlement
Mers-el-Kébir. En revanche, la contre-attaque bleu blanc rouge est
méthodique. Les Britanniques ont oublié les sous-marins français
comme les Japonais les porte-avions américains en 1941 et ceux-ci
détruisent les cuirassés de sa majesté dans la Manche avant que,
grâce à une excellente coordination, l’armée de terre ne
débarque sur les plages anglaises sous la forme d’une opération
Overlord à l’envers.
Le
thème de la mobilisation est de la disposition des troupes de
couverture est central dans les grands romans. Le plan de
mobilisation français, qui avait été désastreux en 1870, mais
aussi les avancées imposées par Boulanger dans ce domaine se
trouvent donc en arrière plan de « La
Guerre de Demain ».
« La
Mobilisation Sino-Japonaise »,
le premier volume de « l’Invasion
Jaune »
est aussi tout entier consacré à ce thème.
Les
grandes trilogies mais aussi la série vue dans son ensemble prouvent
que Driant a tout de suite envisagé la possibilité d’une guerre
mondiale ou la Russie, les Etats-Unis, le Japon, la Chine seraient
présents, ce qui ne va pas de soi en ce début de XXe
siècle alors que l’Europe, sûre d’elle-même et méprisante, se
voit encore pour longtemps au centre du monde. De même, l’accent
mis sur l’espace arabo-musulman et sur le Proche-Orient n’aurait
sans doute pas, quelques années plus tard, été désavoué par le
colonel Lawrence.
« L’Invasion
Jaune »
est une guerre totale qui ne porte pas son nom, puisque ce terme
n’existe pas encore. Le conflit est d’ampleur mondiale, l’Asie
déferle comme au Moyen Age sur l’Europe, et les armées déploient
des millions d’hommes. Mais la guerre est d’abord économique et
financière, elle s’appuie sur l’industrie et sur l’exploitation
de peuples entiers, volontaires ou réduits en esclavage. Les
opinions sont mobilisées par une propagande habile et le contrôle
de l’information est strict. Le commandant en chef japonais
n’hésite pas enfin à ordonner des massacres de masse qui
annoncent ceux de Nankin. Le système de terreur qu’il institue,
l’élimination planifiée des peuples qui se dressent en travers de
ses projets, la destruction des religions au profit d’une sorte de
culte du chef et jusqu’aux grands rassemblements annoncent même
les régimes totalitaires que Driant ne connaîtra pas mais que des
auteurs qu’il a sans doute lu, comme Georges Sorel,
appelaient de leurs vœux.
Dés
1888, au début de la « La
Guerre de Demain »,
le capitaine Danrit raconte l’invasion allemande par la Lorraine où
elle bute sur les fortifications et par la Belgique dont la
neutralité est violée. Cette attaque vise à gagner le plus vite
possible contre la France, en jouant sur la lenteur de la
mobilisation russe contre laquelle l’armée du Kaiser compte se
retourner une fois la victoire acquise sur le front occidental. Il ne
fallait donc pas être grand clair pour inventer le plan Schlieffen.
Il n’est pas exclu que Driant, au courant des activités de la
section de statistique de l’Etat Major (ancêtre du 2e
bureau), ait connu, peut-être dès son passage au cabinet de
Boulanger, la teneur des différents plans alors à l’étude à
Berlin. Les combats sous les côtes de Meuse et autour de Liouville,
sont également très proches de ceux qui vont avoir lieu plus tard
au Saillant de Saint-Mihiel.
Conclusion.
Si
1914 finit par donner raison à Driant, celui-ci n’avait aucun don
de divination. Il savait juste lire une carte de géographie, tant au
plan tactique qu’au plan stratégique, et dans le domaine
international, son intérêt pour la géopolitique et sa culture lui
a permis de deviner le dessous des cartes, les endroits chauds du
siècle à venir. Et en bon militaire, il en a déduit la manière
dont les guerres futures seraient conduites.
De
Gaulle a lu Driant et il s’est souvenu de lui. Adolescent, dans une
rédaction, il se voit arrêtant l’invasion japonaise à la tête
des armées française. Alors que Driant décrit une défaite, la
France est envahie puis occupée dans « L’Invasion
jaune »,
le futur chef de la France Libre n’accepte pas cet état de fait.
Le sursaut n’a pas lieu dans le roman mais un petit groupe de
patriote s’est replié en Tunisie et là, dans l’Empire Colonial,
il continue la lutte… sans l’Angleterre. C’est le 18 juin de
Driant.
Driant
a-t-il eu la préscience de sa mort. Au-delà de l’anecdote du
dernier courrier à sa femme, la puissance de feu ennemie de la
« Guerre
de Forteresse »
annonce la préparation d’artillerie au bois des Caures et le camp
retranché « d’Au
dessus du continent noir »,
où une compagnie entière isolée du reste de la colonne se sacrifie
capitaine en tête, évoque évidemment le dernier combat de
l’écrivain combattant.
C’était le premier et l’avant dernier roman.
On dit
souvent que tel ou tel auteur a du choisir entre la vie et l’écriture
et bien Driant aura écrit sa vie et il aura vécu ses livres.
Principales
œuvres du capitaine Danrit.
-
La
guerre de demain (Flammarion,
1888-1893, 6 volumes, 3 parties: "La guerre de forteresse",
"La guerre en rase campagne", "La guerre en ballon")
-
La
guerre au XXe
siècle; L'invasion noire
(Flammarion, 1894, 3 parties: "Mobilisation africaine", "Le
grand pèlerinage à la Mecque", "Fin de l'Islam devant
Paris")
-
Jean
Tapin
(Série "Histoire d'une famille de soldats", I, Delagrave,
1898)
-
Filleuls
de Napoléon
(Série "Histoire d'une famille de soldats", II, Delagrave,
1900)
-
Petit
Marsouin
(Série "Histoire d'une famille de soldats", III,
Delagrave, 1901)
-
Le
drapeau des chasseurs à pied
(Matot, 1902)
-
La
guerre fatale
(Flammarion, 1902-1903, 3 volumes, 3 parties: "A Bizerte",
"En sous-marin", "En Angleterre")
-
Evasion
d'empereur (Delagrave,
1904)
-
Ordre
du Tzar (Lafayette,
1905)
-
Vers
un nouveau Sedan (Juven,
1906)
-
Guerre
maritime et sous-marine (Flammarion,
1908, 14 volumes)
-
Robinsons
de l'air (Flammarion,
1908)
-
Robinsons
sous-marins (Flammarion,
1908)
-
L'aviateur
du Pacifique (Flammarion,
1909)
-
La
grève de demain (Tallandier,
1909)
-
L'invasion
jaune (Flammarion,
1909, 3 volumes: "La mobilisation sino-japonaise", "Haines
de Jaunes", "A travers l'Europe")
-
L'alerte
(Flammarion,
1910)
-
Un
dirigeable au Pôle Nord (Flammarion,
1910)
-
Au
dessus du continent noir (Flammarion,
1912)
-
Robinsons
souterrains (Flammarion,
1913, réédité sous le titre La
guerre souterraine)
Frédéric
Schwindt