mardi 2 février 2016

Raymond Meunier (1923-2016)



          Depuis quelques années, Raymond Meunier intervenait dans les établissements scolaires et auprès des jeunes engagés du centre de formation initiale militaire de Verdun. Il ne racontait pas la guerre, ni ses combats mais son engagement. C’était très important pour lui. En effet, pourquoi un jeune homme de 20 ans décide-t-il un matin de 1943 de tout quitter pour rejoindre la France Libre ?
          Raymond Meunier est né à Ecrouves en 1923 mais sa famille est venue en Meuse dès 1936. Son père travaillait comme cheminot, chemin de fer qu’il rejoint lui-même en 1939.
Mais la défaite de 1940 le touche profondément. Il avoue lui-même avoir pleuré. Avec ses deux copains, Gilbert Hénain et Marcel Urbain, il décide de rejoindre la France Libre. Après plusieurs tentatives, vers la Suisse et dans le Sud, il arrive à passer à pied en Espagne le 18 février 1943. Arrêté par la police, il n’est heureusement pas remis aux allemands et il connait les geôles  franquistes. Très pudiquement, il reconnaissait avoir été un peu maltraité…



Il arrive néanmoins par une filière diplomatique à rejoindre le Portugal, territoire neutre, et à gagner l’Afrique du Nord ou fait rage l’opposition entre Giraud et De Gaulle. Il ne veut pas s’engager dans l’Armée d’Afrique, il veut aller en Angleterre. Finalement, les trois copains arrivent à trouver un transport  pour le Royaume Uni en passant par Gilbraltar. C’est là qu’advient un des grands moments de sa vie, un moment qui, lorsqu’il le racontait, provoquait toujours chez lui et chez le public une grande émotion. C’est la rencontre avec le Général. Ce grand général sur le pont du bateau, le discours d’accueil dans la France Libre et le chant de la Marseillaise.



Le 16 juin 1943, Raymond Meunier s’engage dans le 2e Régiment de parachutiste. La brigade SAS, Special Air Service, est alors constituée de 4 régiments, deux britanniques et deux français. Avec les commandos marines du commandant Kieffer, ce sont les ancêtres directs des forces spéciales françaises. L’entraînement à Hardwick et à Ringway est très rude. Il impressionnait toujours les jeunes militaires à qui il racontait les épreuves physiques endurées lors de cette formation, entraînement qui avait pour de lui permettre de survivre au front. Dès le 15 août 43, il est breveté para. Jusqu’à récemment, il était resté un grand sportif.
Moins d’un an plus tard, le 11 juin 1944, Raymond Meunier est parachuté en Bretagne sur le maquis de Saint-Marcel. Il s’agit de retenir les allemands afin de soutenir le débarquement. C’est une chose de quitter un avion qui vole bien, qui n’a pas de problème, à 1500 mètres pour un saut sportif. S’en est déjà une autre d’effectuer un saut opérationnel à 300 mètres. Mais sauront nous jamais ce qu’a ressenti Raymond Meunier au moment où la porte s’est ouverte, cette nuit-là, avec l’ennemi en dessous.
Pendant quelques jours, il participe à la formation militaire des résistants mais après l’investissement du maquis par l’ennemi, il mène isolément une guerre de guérillas dans le secteur, combats au cours desquels nombre de ses camarades trouvent la mort d’une manière atroce.
Regroupé, les survivants sont ramenés en Angleterre puis renvoyés en jeeps sur la Loire pour contribuer à la Libération. C’est alors qu’il bénéficie d’une courte permission à Paris, que commence la contre-offensive allemande des Ardennes. Les SAS sont rapidement envoyés sur le secteur de Bertrix, le 24 décembre, en renfort pour conduire des actions sur les arrières de l’ennemi et pour guider les colonnes de blindés américains.



          Retenu un temps pour la mission en Norvège dite de l’Eau-Lourde, Raymond Meunier est finalement parachuté le 7 avril 1945 en Hollande afin d’y tenir les ponts et d’empêcher une destruction complète des infrastructures par les armées allemandes en retraite. Il sera décoré par la reine des Pays-Bas pour ce fait d’arme.
Entre le débarquement en Normandie et le 8 mai 1945, le 4e régiment SAS (en France le 2e RCP) aura perdu 23 officiers et 195 hommes sur 50 officiers et 500 hommes dont 77 en Bretagne.
Comme eux, Raymond Meunier a fait son devoir. Très discret, il n’en faisait pas état. Il est revenu à Mussey et a repris sa vie et notamment une carrière professionnelle dans la banque. C’est donc très tardivement que la Nation a entrepris d’honorer son engagement.
Mais heureusement, le passage de témoin a été effectué. Tous les jeunes, lycéens et militaires, qui l’ont entendu ses dernières années, ont été marqués par sa personnalité et nul doute que son engagement sera, comme disait le Général de Gaulle, source d’ardeur nouvelle.


 Frédéric Schwindt – 2 février 2016

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