lundi 4 février 2013


L'intervention au Mali, la visite du président de la République sur le théâtre d'opération et les félicitations adressées aux troupes semblent ouvrir une période de grâce dans les relations entre le gouvernement et son armée. Pourtant, il n'en ait rien !
 
Cette intervention a montré les capacités de la France à obtenir du renseignement et à conduire seule une opération combinée demandant une grande diversité de moyens. Elle a prouvé ce que j'écrivais il y a quelques mois, c'est-à-dire que la défense européenne n'existe pas et n'existera pas ! Pire, la France et le Royaume Uni (le seul état de l'Union a nous aider concrètement alors même qu'il prépare sa sortie de l'UE) assument seuls les frais de la mission  et les risques... (Clemenceau aurait qu'ils gaspillent leur or et le sang de leurs soldats). Pendant ce temps madame Merkel organise un forum regroupant les industriels allemands et les ambassadeurs africains.
 
Pourquoi ne dit-on pas que ce sont les états laxistes de l'Europe, la France, l'Italie, l'Espagne qui, au large de la Somalie, protègent les pétroliers et les porte-conteneurs qui permettent aux états dits sérieux de profiter des acquis de la mondialisation et... de baisser à rien leur effort de défense ? La France doit en tirer les conséquences et facturer à l'Europe sa contribution ou renoncer à la règle d'or.
 
Dans le domaine intérieur, les félicitations cachent mal les conclusions du Livre Blanc qui vont conduire à une formidable baisse de capacité de nos armées. Dans quelques mois, une opération comme Serval deviendra impossible !  Pendant ce temps, le ministre de la défense s'attaque au chef d'Etat Major des Armées et à ses compétences en matière de ressources humaines et de relations étrangères. Demain l'EMA pourra-t-il simplement planifier Serval ? Il veut aussi donner le pouvoir aux bons militaires, les militaires propres, les gestionnaires, ceux qui ne portent pas d'armes et ne font pas la guerre... Encore ne parle-t-on pas des bruits qui circulent dans les couloirs de l'Elysée ou du cabinet du ministre de la défense, sur la volonté de rendre les militaires (ces tueurs qui ont du sang sur les mains) aussi invisibles que possible ou des paroles scandaleuses des propres conseillers du ministre. Trouver encore en 2013 un tel antimilitarisme chez les responsables de l'Etat chargés justement de la sécurité de nos concitoyens est au mieux surprenante !
 
Frédéric Schwindt

A LIRE : Une histoire des légionnaires allemands d'une guerre mondiale à l'autre

 


Alexis Neviaski, Képi blanc, casque d’acier et croix gammée – Subversion et contre-espionnage au cœur de la Légion étrangère, Ouvrage édité sous la direction de Fabrice d’Almeida, Fayard, 2012, 394 pages.

Ancien officier de la Légion étrangère, Alexis Neviaski a été le directeur du musée de la Légion avant de diriger la Division histoire et patrimoine de cette même arme. Il est aujourd’hui conservateur du patrimoine à la D.M.P.A. (Direction de la mémoire, du patrimoine et des archives du ministère de la Défense). Ce livre est une adaptation de sa thèse de doctorat en histoire.

Le titre pourrait laisser croire à un contenu sulfureux, la conquête des esprits et des cœurs de la Légion par les nazis mais c’est justement plutôt le contraire que raconte Alexis Neviaski, une forme de résistance avant l’heure. En fait, l’ouvrage est une histoire des légionnaires allemands entre la victoire de 1918 et la défaite de 1940 : le légionnaire avant son engagement, au moment de son entrée dans l’institution, à son retour en Allemagne après un premier contrat voire lorsqu’il revient pour rempiler. C’est aussi l’histoire d’une souffrance, celle d’hommes rejetés par leur pays d’origine parce qu’ils ont servi la Légion et qui subissent le renforcement continuel de la propagande et de la législation répressive de celui-ci. Dans ce domaine, l’Empire, la République de Weimar et le nazisme se trouvent en parfaite solution de continuité, juste séparés par une question de gradient. En 1933, un camp de concentration destiné spécialement aux légionnaires ouvre d’ailleurs à Kislau, dans le pays de Bade. Les consuls de France s’en inquiètent car de nombreux anciens disparaissent dramatiquement dans toute l’Allemagne.

Durant vingt ans, la Légion est le théâtre d’une « guerre froide » avant l’heure entre l’Allemagne et la France. Les services d’espionnage germaniques se sont noyés dans le réseau associatif des expatriés allemands et une de leurs missions principales en Afrique du Nord et au Levant est de provoquer agitation et désertions dans les rangs français. Berlin fait s’engager certains de ses anciens agents ou des policiers et téléguide en sous-main, parfois à leur insu, des associations confessionnelles allemandes et même françaises. Celles-ci s’approchent des légionnaires, entretiennent avec eux une correspondance abondante, mise à l’abri du contrôle postal grâce à des boîtes aux lettres complices, et tentent d’imposer des aumôniers protestants dans les unités chargés de faire rentrer les soldats au pays.

En échange, Paris sait très bien utiliser ses anciens légionnaires pour se fournir en renseignements Outre-Rhin. La mise en place progressive d’un S.R. Légion, la centralisation des candidats allemands sur le centre d’engagement de Toul et la création à Marseille d’un bureau unique qui filtre à la fois les entrées et les sorties de l’institution permirent cependant de contrecarrer bien des actions subversives ennemies. Il n’en reste pas moins qu’un noyau francophobe, parfois ouvertement pronazi, a pu de constituer au sein de certaines unités, surtout lorsque des sous-officiers sympathisants arrivaient à se faire muter dans les services administratifs d’où ils pouvaient repérer et orienter les nouveaux engagés. En 1940, la convention d’armistice prévoyait que le gouvernement français livre tout ressortissant réclamé par les autorités allemandes. Une fois n’est pas coutume, Vichy ne s’est pas exécuté et a essayé de protéger les légionnaires allemand, en les envoyant en Extrême-Orient ou en leur fournissant des identités d’emprunt.

L’institution a le plus souvent réussi à repérer les individus dangereux et à empêcher qu’ils ne recrutent trop large grâce à l’esprit légion et en fournissant à ses soldats et à ses anciens une famille. La devise « Legio Patria Nostra » n’est en effet pas qu’une formule. L’auteur de ces lignes, dont le grand-père était un légionnaire allemand engagé de 1919 à 1940 et un résistant, peut en témoigner. Intellectuellement intéressé et sentimentalement touché par l’ouvrage d’Alexis Neviaski, on attend avec empressement une suite.
 
Frédéric Schwindt
Docteur en Histoire
170e SR (Nancy – Metz 2007)