dimanche 25 octobre 2009

La mort de Pierre Chaunu (17 août 1923 – 22 octobre 2009)


Pierre Chaunu, un des plus grands historiens français, est décédé des suites d’une mauvaise chute le 22 octobre dernier, à l’âge de 86 ans. La Meuse avait joué un grand rôle à plusieurs moments de son existence.

Meusien, il était né le 17 août 1923 à Belleville-sur-Meuse, selon ses propres mots « à la lisière du champ de bataille » et avait été très marqué dans son enfance par un père ancien combattant et donc par la mémoire de la guerre. Après l’agrégation d’Histoire, en 1947, Pierre Chaunu était venu enseigner au lycée Poincaré de Bar-le-Duc avant de rejoindre l’Ecoles des Hautes Etudes Hispaniques et de séjourner à Madrid et à Séville entre 1948 et 1951. Sa thèse de doctorat porte d’ailleurs sur Séville et l’Atlantique (1954). Très influencé par le groupe d’Historiens qui entourent la Revue des Annales, il rencontre un autre meusien, Fernand Braudel (1902-1986) qui oriente ses recherches vers l’histoire économique et sociale. Il appartient donc à se courant historique qui visait, dans les années 50 et 60, à faire de l’Histoire une science sociale (Histoire, science sociale en 1974) d’où l’intérêt pour les méthodes quantitatives qui devaient donner à l’histoire des fondements scientifiques.

Professeur au lycée de Vanves (1951-1956), chargé de cours à la faculté de Paris (1956), attaché de recherche au CNRS (1956-1959), Pierre Chaunu devient maître de conférence puis professeur à l’université de Caen, ville où il demeurait encore au moment de son décès. Il y fonde un centre de recherches en Histoire quantitative en 1966 (Histoire Quantitative. Histoire sérielle en 1978). Elu professeur à l’université de Paris IV – Sorbonne en 1970, il était également entré à l’Académie des Sciences Morales et Politiques en 1982.

Ses travaux sont représentatifs des historiens de sa génération qui, à l’image de Georges Duby ou d’Emmanuel Le Roy Ladurie (dont le père était meusien), sont partis de l’Histoire économique pour remonter, comme l’écrit Michel Vovelle, « de la cave au grenier », c’est-à-dire vers l’Histoire des mentalités. Dans le cas de Pierre Chaunu, par ailleurs prédicateur laïque de l’Eglise réformée de France, cette évolution s’est également traduite par un grand intérêt pour l’Histoire religieuse. Dès 1975 (Le temps des Réformes), il minimisait ainsi les différences entre Réformes (protestante) et Contre-Réforme (Catholique) pour les intégrer à un même courant historique dans la longue durée (autre leçon reçue de Braudel). Pierre Chaunu était surtout un des grands spécialistes français de la démographie historique (La mort à Paris – XVIe-XVIIe siècle en 1978) mais selon une approche qui ne se contente pas de mesurer les faits (les naissances, les mariages, les décès) mais qui tente de les interpréter à l’aune des autres disciplines (économie, sociologie, sciences religieuses). Grand spécialiste de l’Amérique Latine et de son catastrophique déclin démographique au moment de la conquête espagnole (passage de 80 à 10 millions d’habitants en moins de 50 ans), Pierre Chaunu s’était tourné ces dernières années vers le problème démographique de l’Europe.

Il est le père du dessinateur Emmanuel Chaunu.

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