mercredi 25 novembre 2009

Nicolas Sarkozy et le syndrome Daladier

Nicolas Sarkozy et le syndrome Daladier
Par Frédéric Schwindt

La Réforme des armées lancée par le Président de la République Nicolas Sarkozy n’est finalement qu’un volet parmi d’autres de la RGPP (Réforme générale des politiques publiques). Les 54000 suppressions de postes font écho aux 16000, rien que cette année, dans l’Education Nationale, les 4000 dans la Police ou les 3800 dans la Gendarmerie (5 % des effectifs dans ces deux derniers cas). Chaque fois, la volonté de « modernisation » est mise en avant mais les mêmes éléments de langage sont utilisés quelques soient l’administration en cause.

Dans le cas des armées, on invoque la nécessité de transférer des budgets du personnel sur l’équipement. Le modèle proposé et celui d’une armée High Tech appuyée sur le renseignement qu’on imagine devoir être l’armée du futur… puisqu’il s’agit de l’armée américaine actuelle ! Or, tout tend à montrer que ce concept est dépassé. La réforme actuelle de notre défense aurait donc encore une fois une guerre de retard.

L’expérience actuelle en Irak et en Afghanistan, l’échec israélien face au Hezbollah, notre propre intervention en Côte d’Ivoire confirment les prédictions de Martin Van Creveld, du colonel (Marines) William S. Lindt ou de John Robb sur le retour des « petites guerres » et la notion de G4G – Guerres de 4e génération (ou 4GW en anglais : Fourth Generation Warfare). L’asymétrie, le contournement de la puissance, l’insurgé innovant avaient été conceptualisés avant la première guerre du Golfe par ses auteurs, soit bien avant l’expérience pratique imposées aux forces coalisées par le Mollah Omar ou Musab al-Suri dans son manuel de guerre insurrectionnelle l’Appel à la résistance islamique.

Aussi l’évolution actuelle de l’armée française apparaît se faire à contretemps. Elle tend même à détruire un potentiel humain adapté pourtant aux nouveaux types de conflits auquel le pays se trouve aujourd’hui confronté. Plutôt qu’une armée technologique et logistique dans laquelle il faut compter 1 combattant sur le terrain pour 9 en appui (ce qui explique que les troupes américaines sortent si peu en Afghanistan), des petits groupes noyés dans les bataillons réguliers de l’armée afghane (ce que le général David Petraëus, le spécialiste US de la contre-insurrection préconisait en Irak) voire fondus dans la population et liées entre eux par une hiérarchie souple seraient bien plus efficaces. L’armée française, de par son expérience, sait faire cela pas l’armée américaine qui a longtemps parié sur le feu et sur la technologie plutôt que sur la connaissance de la culture locale. La question est néanmoins de savoir si une armée occidentale peut « régresser » afin d’adopter comme l’ennemi une structure Web, une organisation en réseau. La rusticité de certaines de nos troupes permet de le croire mais la réforme actuelle ira à l’encontre de cette qualité.

Daladier, président du conseil et ministre de la guerre radical-socialiste à la fin des années 1930 et au début de la drôle de guerre a mauvaise presse pour avoir signé l’accord de Munich en 1938. On oublie un peu qu’il n’était pas dupe (arrivé au Bourget, il craint d’être écharpé par la foule qui l’attend et devant l’enthousiasme populaire lâche ce mot célèbre : « Les cons ! ») et qu’il a poursuivit le réarmement du pays entamé par le Front Populaire. Contrairement aux idées reçues, la France attend par exemple en 1940 l’attaque allemande avec autant de chars que la Wehrmacht et des blindés parfois de meilleure qualité. Mais Daladier resta victime de la réflexion stratégique dominante, celle des Pétain, des Gamelin et des Weygand qui dominaient le conseil supérieur de la guerre depuis 1918.

Le Président de la rupture, comme dans beaucoup de domaines, à commencer par l’Education Nationale où le combat contre l’esprit de 68 vire aujourd’hui à un soutien, voir le projet de Réforme du Lycée, a fait sienne la pensée unique. Aveuglé par le modèle militaire américain, le Président et le ministre Morin engagent la réforme de notre armée vers un modèle qui n’est plus en phase avec les besoins. Il a été frappé par le syndrome Daladier.

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