Alexis Neviaski, Képi blanc, casque d’acier et croix gammée –
Subversion et contre-espionnage au cœur de la Légion étrangère, Ouvrage
édité sous la direction de Fabrice d’Almeida, Fayard, 2012, 394 pages.
Ancien
officier de la Légion étrangère, Alexis Neviaski a été le directeur du musée de la Légion avant de diriger la Division histoire et patrimoine de cette
même arme. Il est aujourd’hui conservateur du patrimoine à la D.M.P.A. (Direction de la mémoire, du patrimoine et
des archives du ministère de la Défense). Ce livre est une adaptation de sa
thèse de doctorat en histoire.
Le
titre pourrait laisser croire à un contenu sulfureux, la conquête des esprits
et des cœurs de la Légion par les nazis mais c’est justement plutôt le
contraire que raconte Alexis Neviaski, une forme de résistance avant l’heure.
En fait, l’ouvrage est une histoire des légionnaires allemands entre la
victoire de 1918 et la défaite de 1940 : le légionnaire avant son
engagement, au moment de son entrée dans l’institution, à son retour en
Allemagne après un premier contrat voire lorsqu’il revient pour rempiler. C’est
aussi l’histoire d’une souffrance, celle d’hommes rejetés par leur pays
d’origine parce qu’ils ont servi la Légion et qui subissent le renforcement continuel
de la propagande et de la législation répressive de celui-ci. Dans ce domaine,
l’Empire, la République de Weimar et le nazisme se trouvent en parfaite solution
de continuité, juste séparés par une question de gradient. En 1933, un camp de
concentration destiné spécialement aux légionnaires ouvre d’ailleurs à Kislau,
dans le pays de Bade. Les consuls de France s’en inquiètent car de nombreux
anciens disparaissent dramatiquement dans toute l’Allemagne.
Durant
vingt ans, la Légion est le théâtre d’une « guerre froide » avant
l’heure entre l’Allemagne et la France. Les services d’espionnage germaniques
se sont noyés dans le réseau associatif des expatriés allemands et une de leurs
missions principales en Afrique du Nord et au Levant est de provoquer agitation
et désertions dans les rangs français. Berlin fait s’engager certains de ses
anciens agents ou des policiers et téléguide en sous-main, parfois à leur insu,
des associations confessionnelles allemandes et même françaises. Celles-ci s’approchent
des légionnaires, entretiennent avec eux une correspondance abondante, mise à
l’abri du contrôle postal grâce à des boîtes aux lettres complices, et tentent
d’imposer des aumôniers protestants dans les unités chargés de faire rentrer
les soldats au pays.
En
échange, Paris sait très bien utiliser ses anciens légionnaires pour se fournir
en renseignements Outre-Rhin. La mise en place progressive d’un S.R. Légion, la
centralisation des candidats allemands sur le centre d’engagement de Toul et la
création à Marseille d’un bureau unique qui filtre à la fois les entrées et les
sorties de l’institution permirent cependant de contrecarrer bien des actions
subversives ennemies. Il n’en reste pas moins qu’un noyau francophobe, parfois
ouvertement pronazi, a pu de constituer au sein de certaines unités, surtout
lorsque des sous-officiers sympathisants arrivaient à se faire muter dans les
services administratifs d’où ils pouvaient repérer et orienter les nouveaux
engagés. En 1940, la convention d’armistice prévoyait que le gouvernement
français livre tout ressortissant réclamé par les autorités allemandes. Une
fois n’est pas coutume, Vichy ne s’est pas exécuté et a essayé de protéger les
légionnaires allemand, en les envoyant en Extrême-Orient ou en leur fournissant
des identités d’emprunt.
L’institution
a le plus souvent réussi à repérer les individus dangereux et à empêcher qu’ils
ne recrutent trop large grâce à l’esprit légion et en fournissant à ses soldats
et à ses anciens une famille. La devise « Legio Patria Nostra » n’est en effet pas qu’une formule. L’auteur
de ces lignes, dont le grand-père était un légionnaire allemand engagé de 1919
à 1940 et un résistant, peut en témoigner. Intellectuellement intéressé et
sentimentalement touché par l’ouvrage d’Alexis Neviaski, on attend avec empressement
une suite.
Frédéric
Schwindt
Docteur en
Histoire
170e
SR (Nancy – Metz 2007)
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