lundi 8 juin 2009

3eme colloque international de pathographie, Bourges – 3 au 5 avril 2009
sous la direction du docteur Philippe Charlier.

Le corps des pauvres
Une affaire de résurrectionnistes en Lorraine à l’époque de Louis XIV
Par Frédéric Schwindt

Le Transis de Ligier Richier (Bar-le-Duc – XVIe siècle)

Michel Vovelle racontait qu’étant en train d’achever un ouvrage sur l’histoire de la mort, il était tombé il y a quelques années sur les jeux vidéo de son petit-fils ou de son petit-neveu et qu’il y avait décelé de nombreuses similitudes avec l’époque moderne. A l’inverse de Philippe Ariès qui voyait dans l’histoire du rapport à la mort une évolution linéaire, Michel Vovelle en a tiré une vision cyclique. Les écorchés de l’exposition à scandales de Gunther von Hagen[1] ressemblent ainsi beaucoup aux productions en cire du jésuite italien Gaetano Zumbo (1656-1701). Aujourd’hui se fermerait la boucle commencée au XVIIe siècle.

En contrepoint des exemples fameux de la pathographie qui étudie le corps des personnages célèbres parce qu’ils sont bien documentés, d’autres sources traitent des gens ordinaires. Bien sûr, on connaît l’exemple du Grand Châtelet et de son recueil de 1500 expertises répartie entre le XVIIe et le XVIIIe siècle qui a inspiré Jean-François Parot et permis à trois historiens de rédiger une véritable anthropologie de la violence par arme blanche à Paris[2]. Mais en Province, les fonds des prévôtés[3], des bailliages mais aussi des simples justices seigneuriales regorgent de procès verbaux. Il s’agit en général de simples comptes rendus des levées de corps mais on y trouve aussi de réelles autopsies réalisées à la demande des juges, des procureurs voire des familles. A la limite de la Lorraine et de la Champagne, à fin du règne de Louis XIV, la petite seigneurie de Couvonges, propriété de la famille de Choiseul-Stainville livre ainsi, parmi d’autres et dans le désordre, la visite du corps d’un manouvrier tombé d’une échelle et celle très émouvante de l’enfant battu âgé de dix ans d’un vagabond[4].
Un père, visiblement sans autre famille, travaille de manière itinérante et passe de village en village. C’est l’hiver, il fait froid - nous sommes en 1694 en plein dans le petit âge glaciaire de la fin du règne de Louis XIV. L’homme et son fils marchent dans la campagne. Arrivé à l’étape, il confie le garçonnet à des particuliers qui le veillent pendant plusieurs jours mais ne peuvent empêcher son décès. Ils contactent alors la justice, émus par les souffrances de l’enfant mais aussi pour ne pas être éventuellement accusés d’une quelconque responsabilité. Un médecin constate bien des marques de coups mais il impute le décès à l’état général de l’enfant qui souffrait de fièvre, peut-être de tuberculose, et surtout visiblement de la faim. Interrogé par le juge, le père dément toute violence si ce n’est quelques légers soufflets sur la joue afin de leur faire avancer. La comparaison des résultats de l’autopsie et des déclarations du père semble lui donner raison et aucune procédure n’est engagée contre lui.
Les hasards de la conservation des archives ont surtout conduit jusqu’à nous un dossier complet, celui d’une affaire de résurrectionnistes qui a elle seule montre l’intérêt des sources locales.

Le lieu : un espace doublement ou triplement de frontière.


L’époque de cette affaire, l’hiver 1704 en pleine guerre de succession d’Espagne, et le lieu ne sont sans doute pas anodins. Il s’agit d’un espace qui est à plusieurs titres frontalier. L’Histoire commence à la limite du royaume de France, province de Champagne, et de la Lorraine. Les duchés qui ont été à plusieurs reprises occupés depuis la guerre de Trente ans ont retrouvé depuis peu (1697) leur autonomie et surtout leur famille régnante avec le retour du duc Léopold.


Mais le Barrois dit mouvant, parce qu’il relève en droit féodal de la couronne, reste largement dans l’orbite française, notamment sur le plan judiciaire puisqu’il relève en justice du parlement de Paris.


La région est en réalité un imbroglio de territoires où se mêle limites politiques, limites administratives et limites religieuses. Le crime dont on va parler ici relève en effet aussi des tribunaux religieux, les officialités.


Couvonges, le lieu du drame, Revigny, Mogneville et Mussey, où habitent les protagonistes sont dans le diocèse de Toul mais très près de ceux de Reims, Châlons et Verdun. En cas de fuite, comme dans les séries télévisées américaines, la frontière n’est pas loin et s’il y a des experts, nous le verrons, il n’y a pas de FBI.
Eglise Saint-Brice de Couvonges – Façade sud (Source : Mairie de Couvonges – Photo. Pierre Rozès).

Un corps a disparu[5].

Le samedi 22 février 1704, le procureur fiscal de la Justice de Couvonges se rend chez son collègue, Claude Thomas, lieutenant en la Haute Justice, habilité à décider les poursuites en matière criminelle, afin de lui rapporter la plainte d’une certaine Marguerite Baudesson[6]. Celle-ci est la veuve de Jean Pierson, un habitant de Couvonges, qui a été alertée par la rumeur publique selon laquelle la terre de la tombe de son mari aurait été remuée. Les passants constatant que « la fosse ou est enterré ledit Pierson estant beaucoup avallée », cela donne l’idée à la veuve de la faire sonder avec un bâton ferré afin de voir si on n’avait pas exhumé le corps[7]. Or, c’est bien ce qui est constaté. Sur ce, Marguerite Baudesson affirme être déjà au courant de la rumeur qui circule sur le nommé Flisse[8], un chirurgien de Revigny qui aurait « travaillé depuis peu de temps à faire une anatomie et dissection sur un cadavre humain ce qui donne lieu de croire que se peut estre ledit deffunt son mary ».

Extrait de la carte de Cassini (Carton de Toul – 1750)

L’information circule vite, il n’y a que 7 kilomètres, moins de deux lieux entre les deux localités. La veuve demande donc au procureur fiscal de faire ouvrir la fosse afin de procéder aux constatations légales qui seules permettront d’agir. Celui-ci s’exécute en présence du curé Foureaulx, qui désormais est au courant de l’affaire[9], de son greffier Mourot[10] et de plusieurs particuliers de Couvonges. Deux fossoyeurs, Pierre Cousin et François Regnard, se chargent de la tâche pour la somme de 18 gros. Le corps est bien porté manquant dans le cimetière qui entoure l’église : « Il ne restoit que les planches du cerceüil. » Surprise ! Marguerite Baudesson « ne veut se rendre partye faisant seulement dénonciation audit procureur auqel avoit permis de se pourvoir comme il trouvera à faire ». La veuve adopte donc une attitude ambiguë face à la justice. Elle souhaite récupérer le corps de son époux mais ne paraît pas choquée par l’exhumation elle-même. Mais méfions nous, la source que nous suivons est judiciaire et elle laisse peu de place aux sentiments. Mais reprenons la suite des investigations en suivant pas à pas le procureur.

Le mort et les débuts de l’enquête[11].

Entre le 22 et le 26 mars 1704, Claude Thomas informe à nouveau le lieutenant de l’état de ses recherches. Jean Pierson dit Vivant (surnom qui prend ici une connotation toute particulière), manouvrier de son état (un élément à prendre en considération, il ne s’agit pas d’un notable loin s’en faut) est mort le 27 février précédent « d’une fièvre continue après 6 jours de maladie, a recu les sacrements et a été inhumé dans le cimetière de Couvonges le lendemain de son décès »[12]. Trois jours après, il a été exhumé et emporté par des inconnus, ce qui doit nous amener au 2 ou 3 mars. L’inspection de la fosse en présence du procureur a lieu le 22, comme mentionné plus haut[13], mais avec l’indication supplémentaire que s’il ne reste que les planches du cercueil, le « linseuille » lui a bien disparu.

Cimetière autours de l’Eglise Saint-Brice de Couvonges (photo F.S.).

Pour la seule fois de l’enquête, le curé n’ayant pas même protesté devant le sacrilège, le procureur fiscal Lierret se laisse aller contre les profanateurs. Alors qu’il n’y a « rien de plus sacré qu’un cimetière », il qualifie d’action criminelle les faits qui « attentent à l’autorité ecclésiastique et séculière ». Il faudra rapprocher cette déclaration du résultat final de l’affaire. Le juge titulaire, Claude Vigoureux (autre patronyme connoté) décide donc de convoquer les témoins pour le samedi 29 mars à 9 heures du matin. Il confie l’information lancée contre le chirurgien Flisse, Nolin, fils du sieur Nolin médecin, et Edme Herque, tous demeurant à Revigny (le dernier au domicile de Flisse), à César Serre, avocat ès sièges de Bar[14].
Juste une petite parenthèse pour rappeler qu’il n’y a alors pas de croix plantées dans les cimetières, encore mois de monument sur la tombe des humbles qui n’ont pas l’honneur d’être inhumés ad sanctos, c’est-à-dire dans l’église. Mais des inscriptions, des noms, des signes gravés sur le mur extérieur, et c’est le cas à Couvonges, permettent aux initiés et aux fossoyeurs de retrouver l’emplacement de telle ou telle famille. C’est le patois des croix jadis étudié par Serge Bonnet.

Enquête de voisinage[15].

Le sergent de le Haute Justice de Couvonges est donc venu prévenir plusieurs habitants qu’ils allaient devoir déposer et, chaque fois, il justifie cette convocation : Christophe Gibrat, pour s’être confié à sa mère, Nicolas Gaviot, qui a parlé à sa femme, Nicolas Lallemant, on ne sait hélas pourquoi, Jean Saintot, qui a discuté avec sa fille, et enfin Claude Toussaint et sa femme, qui se sont livrés devant leur garçon (lequel ne doit pas avoir plus de 4 ou 5 ans). Une enquête de voisinage a donc précédé le lancement de l’information et on peut retracer en partie la manière dont l’information a circulé et comment elle est revenue au procureur fiscal. Cependant, la liste des témoins qui déposent effectivement est un peu différente. Nicolas Lallemant ne se présente pas et nous n’avons aucun élément pour l’identifier. En revanche, Cesar Serre fait citer Nicolas Moat qui habite chez Flisse. Les recherches se sont donc poursuivies depuis le 26 mars. L’interrogatoire s’achève sur la mention d’un 8e témoin, le maître d’école Jean Mairot que l’avocat aurait voulu faire parler, mais aucune note n’a été prise. Sans doute, attendait-on une nouvelle occasion de le questionner mais l’entretien n’aura jamais lieu. En revanche, la volonté de l’enquêteur de l’entendre est sans doute à l’origine d’un rebondissement dans l’affaire. Mais patience.

Une charrette et un homme en noir.

Christophe Gibrat dépose le premier. Âgé de 25 ans, laboureur de son état à Revigny, il possède des chevaux et une charrette et assure de ce fait des transports pour des particuliers. Le lundi 3 mars (rappelons que Jean Pierson a été exhumé le 2 ou le 3), Louis Flisse, chirurgien, « fit marché avec lui de venir chercher un balot au bourg de Mognéville au domicile de Jean Bouquet, cabaretier, pour 4 francs barrois ». Arrivé sur les lieux, il trouve Bouquet avec un jeune homme habillé de noir qui le fait entrer dans la deuxième cour découverte du logis. On lui desselle ses chevaux avant de les conduire à une première écurie. Gibrat y retrouve le sieur Flisse qui lui demande de pousser sa charrette près d’une autre écurie, celle à main gauche, avant de lui dire d’aller au logis où on va lui servir à déjeuner et quelques verres de vin. Pourquoi attendre ? Pourquoi détacher les chevaux alors que la distance n’est pas si grande pour retourner à Mognéville ? Pourquoi écarter Christophe Gibrat de l’écurie ?

Maison ancienne – Rue principale de Mognéville (photo F.S.).

Lorsque celui-ci revient vers midi, la charrette est déjà chargée d’un ballot d’environ 3 pieds et demi de long enfermé dans un sac[16]. En bon enquêteur, Cesar Serre cherchera l’origine du sac. Louis Flisse se met à l’avant, le jeune homme en noir « a lui inconnu » à l’arrière et, de retour à Revigny, le jeune laboureur aide à décharger sans toujours remarquer quoi que ce soit ! Il est vrai que reconnaître un doute pourrait l’amener à se retrouver complice.

Une chaudière et un corps bouilli.

Un vigneron de 38 ans, Nicolas Moat, semble plus perspicace. Il habite, il est vrai, dans une chambre du corps de logis de Flisse et il n’est ni sourd, ni aveugle[17]. Selon ses dires : « On travailloit la nuit à la chambre haute dudit Flisse, on jetoit de l’eau dans la cour et on en portoit de l’autre dans ladite chambre. » Mieux, Moat confirme que le « bruit commun audit Revigny » est que le chirurgien faisait une anatomie d’un corps mort. Après la veuve Baudesson, femme de manouvrier, le vigneron est le deuxième à utiliser ce mot. Est-il de lui ? S’agit-il d’une traduction effectuée par l’avocat ou le greffier ? Peut-être le terme s’est-il répandu en même temps que la rumeur dans le pays de Revigny.
C’est uniquement suite à ces bruits qu’un deuxième vigneron de 50 ans, ou environ, Claude Toussaint, peut confirmer les informations du précédent. « Il a oüy dire depuis trois semaines en ce que ledit Flisse avoit fait plusieurs anatomies a paris et que recemment il avoit fait bouillir un corps mort dans une grosse chaudière laquelle il avoit empruntée a mademoiselle de Mussey qui gouverne la maison de monsieur de Longeville. » Comme le cabaretier de Mognéville, Mlle de Mussey ne sera pas interrogée. Néanmoins, le témoignage nous renseigne sur le sens du mot anatomie. Il ne s’agit pas d’une autopsie sauvage ou d’une simple dissection. Une chaudière (une grande lessiveuse sans doute) a été utilisé pour détacher les chairs (par ébullition) afin de confectionner un squelette (une anatomie humaine). Le mobile du crime apparaît plus clairement d’autant que Louis Flisse serait un habitué de ce genre de travaux. Peut-être est-ce tout simplement une commande en provenance de Paris, d’un particulier ou d’une faculté de médecine. A moins que ce ne soit pour son usage privé ou celui d’un de ses co-accusé : Nolin, fils de médecin (est-ce lui le jeune homme en noir, peut-être un étudiant en médecine) ou Edme Herque. L’épouse de Claude Toussaint, Madelaine Leclerc, 42 ans, répète les propos de son mari, notamment sur la rumeur qui court au Bourg de Revigny, mais elle ajoute avoir entendu Jeanne Saintot dire « que leurs cochons avoient mangé de la viande quils avoient trouvés dans un fumier ». Logiquement, Cesar Serre se tourne alors vers la famille Gaviot-Saintot qui est voisine des Flisse.

Un témoin nouveau : le cochon de Jeanne Saintot.

Nicolas Gaviot, 25 ans, lui aussi vigneron à Revigny, affirme que trois semaines auparavant, étant voisin de Flisse, « il a un petit port qui a détéré des ossements humains, des costes avec encore de la chair, ce qui l’obligea d’y accourir, le fit quitter et comme le bruit courrait quez Flisse a fait une anatomie d’un corps humain, il prit les dites costes fit un trou au devant du jardin dudit Flisse et les entera ». Après les signatures, le greffier a écrit une information supplémentaire : « A ajouté que la femme dudit Flisse le pria de luy montrer l’endroit, lui fit détérer, les met dans son tablier et indiqua qu’elle va les faire porter en terre sainte. » L’épouse du chirurgien a vu son voisin s’activer ou bien le fait lui est revenu aux oreilles. En tout cas, elle est au courant des activités de son époux. Soit celui-ci est négligent et il a oublié certaines parties du squelette à livrer, soit c’est une erreur au moment où « on jetoit de l’eau » dans la cour, soit, avec le développement de la rumeur, il entendait faire disparaître des preuves compromettantes.
C’est manqué car Jeanne Saintot, âgée de 21 ans, en a vu plus que mari Nicolas Gaviot. Elle a aperçu le porc traînant non seulement des côtes mais aussi « un gosier » trouvé dans « un fumier de Flisse » qui est placé dans leur propre cour. Le tout était enveloppé d’un linge, ce qui obligea son époux à courir après l’animal pour le lui arracher. Elle est au courant de la rumeur et a entendu les propos de la femme Flisse. Mieux, son père, Jean Saintot, un marchand de 48 ans qui est interrogé de concert, ajoute que celle-ci est venue le voir, parce qu’il avait été cherché des sacs à Villers-au-Vent, pour lui demander de lui en prêter un susceptible de contenir 6 minottes. Suite à la rumeur, le marchand s’est plaint au chirurgien en lui disant de garder le sac et de lui rendre simplement de la toile pour en faire confectionner un autre.
L’interrogatoire s’arrête là, sur la mention d’une 8e personne, le maître d’école Jean Mairot qui n’est pas présent et que personne ne met encore en cause. Les juges détiennent donc des informations qui ne sont pas inscrites au dossier mais il ne sera jamais questionné sur le fond. Flisse, Nolin, Herque, le cabaretier Bouquet[18], c’est-à-dire les accusés et leur complice ne sont pas entendus, la procédure n’est pas allée assez loin, et on ne recherche pas ce Nicolas Lallemant qui avait été convoqué.

Coup de théâtre : le corps réapparaît[19].

Le 1er avril, en d’autres circonstances la date pourrait être humoristique, le procureur fiscal doit prévenir le lieutenant qu’un fait nouveau s’est produit. Il a été averti que des quidams ont jeté par dessus la muraille du derrière de la cour du curé Foureaulx un sac lié avec une corde. Le prêtre y a trouvé des ossements humains et a fait appeler le procureur. Les deux officiers se rendent aussitôt au presbytère de Couvonges et ils désignent deux habitants, Jean Estienne et Jean Petion, afin d’expertiser le contenu du sac après avoir prêté serment. Pourquoi deux particuliers ? Peut-être ceux-ci ont-ils quelques compétences mais c’est dans doute parce que les juges n’ont pas confiance dans les médecins et chirurgiens du voisinage. Le procureur fait également appeler Marguerite Baudesson pour « estre présente a la recognoissance desdits ossements ».
Devant la veuve, le curé, les deux officiers et plusieurs autres personnes, les deux « experts » examinent le sac, le vident et confirment qu’il s’agit bien d’ossements humains. Aussitôt, le lieutenant assermente le prêtre qui jure n’être au courant de rien, ni comment et par qui le sac a bien pu arriver là. Il était au lit mais croit avoir entendu des bruits à minuit passé en direction de la porte de sa cour (dans ce cas la porte a été ouverte et cela incriminerait un de ses familiers). Le matin, c’est son neveu Nicolas Delabas qui ouvre la porte, oh surprise, au maître d’école Jean-Guillaume Mairot, lequel aperçoit immédiatement le sac.
Candide, Delabas lui demande d’ailleurs si c’est lui qui l’a déposé et, devant la dénégation du recteur, il décide d’aller chercher le curé. Celui-ci prévient alors le procureur sans en parler, précise-t-il, à personne. Mais tout le monde est bien sûr au courant !
Attardons-nous un peu sur le maître d’école, lui que l’on veut interroger et qui deux jours après est présent fortuitement lors de la découverte du corps. Dans un petit village de l’époque moderne, un recteur d’école n’est pas seulement un instituteur, c’est aussi l’homme de confiance du curé et de la communauté. Il organise les cérémonies, tient à jour les registres et les comptes de la fabrique ou des confréries et gère parfois le cimetière quant il ne sert pas de fossoyeur. Il pouvait facilement identifier un corps utilisable. Les silences du curé et l’attitude sommes toutes bizarre du maître laissent à penser qu’il n’est peut-être pas étranger à l’affaire, sinon à son commencement ou moins à son dénouement (et dans ce cas peut-être à la demande du curé).
Les deux experts tirent les os du sac et, à la demande de l’assistance, ils « composent » un corps constitué de « tête, bras, jambes, dos, costes et autres os... ». Le greffier rappelle que sur la plainte de la veuve Baudesson, dont le mari était décédé depuis un mois et dont le corps avait été exhumé par des particuliers inconnus « a quelque dessein quelle ignoroit », le procureur fiscal avait été obligé de commencer une procédure extraordinaire pour découvrir les auteurs des faits et les punir.
Mais un nouveau retournement se produit. La veuve venue pour la reconnaissance indique alors que « les ossements ayant été rapportés, elle se déporte de sa plainte estant persuadée que ceux qui l’avoient exhumé de l’avoit pas fait a mauvaise fin consentant a cet egard quil en soit prononcé la décharge »[20]. Elle demande néanmoins que l’on procède immédiatement à la lecture publique d’une missive trouvée dans le sac en même temps que les ossements et que celle-ci soit jointe au procès-verbal déposé au greffe. Le greffier arrange t-il ses mots ou bien tient-elle réellement ces paroles ? Voilà en effet un langage bien juridique dans la bouche d’une femme de manouvrier[21]. Serait-elle déjà, avant tout le monde, au courant de la teneur de la lettre ? C’est possible car celle-ci est libellée en des termes très voisins.

Les excuses d’un des auteurs ou un enlèvement fait à bonnes fins[22].

La lettre est en fait une feuille pliée à la façon d’une enveloppe, cachetée de cire rouge, et écrite en grosses minuscules de façon peut-être à cacher l’écriture réelle de son auteur. Si on l’a compare aux autres pièces du dossier, elle compte de nombreuses fautes d’orthographes, même pour l’époque :

« A monsieur
Monsieur Fourot très
digne prestre et curé
de Couvonges à Couvonges

Monsieur,

Ces lignes sont pour vous assurer de mes tres humbles respects
et vous vous dire quil ma esté ordonne et confesse de remettre
les os du sujet qui a esté enlevé du Semetier de
couvonges vostre paroisse audit Semetier, lesquels je vous prie
de vouloir bien les faire remettre dans le tombeau avec
les ceremonies de leglise conformement a ce qui avoit esté
fait auparavant je ne manquerés pas de vous faire paier et
rembourcer de tous les frais ensemble de vos honnoraires. Quant
aux chaires je vous jurre quelles ont estée remises dans un lieu Saint,
je vous assure que cet enlevement na esté fait qua bonne fins et
la veuve ne doit nulement sans chagriner dautant que lon a
fait dire plusieurs messes pour le repos de son ame ce que l’on
fera encore. je part pour aller en Savoie ou jespere
passer la Campagne. Quant je seré de retourd je ne
manquerés pas davoir lhonneur de vous veoir pour vous
esclaircir de tout afin de vous faire Connoistre la raison
pourquouy cette entreprise a esté faite et pour quelles raisons
qui ne tendent a aucuns mal au contraire pour un
bien util au publique Cest la grace qui espere celuy qui
ose prendre la liberté de le dire encore quil ait assé
de malheur de ne pas estre connu de vous.

monsieur

a chaâlons ce dernier
mars 1704
Votre tres humble
et tres obeissant serviteur
edme de herque »

Enterrement de l’affaire et de Jean Pierson.

Le départ de Herque pour une cause extérieure, s’il est bien parti pour la Savoie, arrive bien à propos pour défausser Flisse et consorts. Le lieutenant ordonne donc la réinhumation immédiate des restes de Jean Pierson dans sa fosse du cimetière de l’église de Couvonges, avec la pompe requise par la qualité du défunt. Le curé y procède en présence des officiers et du maître d’école avant que ne soit décidée le principe d'une messe haute de requiem le lendemain même, 2 avril 1704, pour le repos du défunt (lequel a en effet mérité un peu de tranquillité). Le procureur fiscal avancera les frais. Tous signent le procès-verbal sauf la veuve qui ne sait pas écrire mais, après la lecture de l’acte, le procureur pris d’un remord fait jurer au maître d’école qu’il n’est pour rien dans l’affaire et qu’il n’est au courant de rien d’autre : « s’y ce nest pas de son fait ou par quelques autres voyes quil cognoisse que ledit sac a esté mis dans la cour du Sr Fouraulx ». La procédure s’arrête là.
Même si Jean-Guillaume Mairot et Nicolas Delabas sont effectivement innocents de tout, on peut imaginer une sorte d’accommodement dans lequel le curé aurait pu jouer un rôle : une remise discrète des restes de Jean Pierson, des excuses, le départ inopiné d’un des protagonistes, le refus de la veuve de porter plainte. Ce serait un scénario plausible. Peut-être même cette dernière a-t-elle reçue un dédommagement ou était-elle dés le départ au courant et fut simplement obligée, devant la rumeur publique, de se porter devant le procureur. On ne recherche pas non plus Edme Herque parti suivre la campagne en Savoie, sans doute des combats consécutifs à la guerre de succession d’Espagne. Malgré son orthographe approximative, il se pourrait qu’il s’agisse d’un médecin ou d’un chirurgien militaire. On sait que d’importants régiments sont stationnés dans région (Bar, Beauzée, Saint-Mihiel) et que les compagnies sont réparties dans les villages au grand dam des habitants qui se plaignent pour leurs filles d’un trop grand nombre de naissances illégitimes[23].

Conclusion : Interprétations d’une exhumation au début du siècle des Lumières.

La mort ne s’estompe pas au XVIIIe siècle. Le Barrois de 1704 où est localisé Couvonges n’est pas encore remis de la saignée à blanc de la guerre de Trente ans et il a seulement commencé, voilà une génération, une lente reconstruction qui ne s’achèvera que dans les années 1720-1730. La croissance agricole que l’on observe ensuite n’a pas encore pu allonger l’espérance de vie, deux tendances positives remises en cause par les guerres de la fin du règne de louis XIV, la difficile année 1696, ici très nette, et bientôt le grand hiver 1709. Nous sommes encore à l’âge classique et au cours du siècle à venir, la raison conquérante ne va pas faire disparaître le thème macabre. De nombreux auteurs ont en effet souligné que, par bien des aspects, le XVIIIe siècle prépare dans ce domaine Mary Shelley puis l’âge romantique. On remarque même le développement d’une angoisse nouvelle[24]. L’ouest de la Lorraine n’a d’ailleurs jamais connu autant de fondations de confréries des morts qu’à cette époque[25].
En revanche, l’évolution du rapport au « corps mort », selon la terminologie utilisée à de nombreuses reprises dans le dossier judiciaire présenté plus haut, demeure ambivalente. A l’exception du procureur, garant de l’ordre public, personne ne paraît vraiment choqué de l’exhumation sauvage de Jean Pierson, pas même sa femme. Lui seul, et non pas le curé, invoque une atteinte à l’autorité ecclésiastique. L’officialité ne semble pas avoir été prévenue. Il s’agirait, pour paraphraser le droit canon, d’un problème de discipline et non purement de religion. Il suffit de remettre les choses en place, le corps dans sa fosse, d’assister à quelques messes (autre manière de remettre symboliquement tout en ordre) et le problème est réglé. D’ailleurs, la vue d’un cadavre ou des ossements ne choque pas au XVIIe siècle et encore au XVIIIe comme l’on rappelé de nombreux auteurs à commencer par Philippe Ariès[26]. Leur exposition ne provoque pas scandale. Ainsi, les Meusiens d’aujourd’hui peuvent toujours admirer le célèbre ossuaire de Marville[27]. De même, leur destruction ne provoque pas de réaction. A l’époque de Louis XVI, on pourra faire raser le cimetière des Innocent à Paris, pourtant utilisé depuis cinq siècles, et reconstruire dessus sans affronter aucune émotion. Il en aurait été tout autrement quelques décennies plus tard. Mais déjà au XVIe siècle et au début du XVIIe, on notait dans la Bretagne d’Alain Croix une certaine désinvolture vis-à-vis des tombes, des restes et des ossements. Les habitants n’hésitaient pas à relever des corps auxquels de la chair restait attachée[28]. Ariès compare d’ailleurs cette attitude au retournement des morts à Madagascar.

La Peste de Zumbo (fin du XVIIe siècle)

Dans les dernières années du XVIIe siècle, Paris connu d’ailleurs les productions d’un prêtre italien dénommé Zumbo (mort à Paris en 1701) qui était l’auteur de célèbres « théâtres de corruption en cire ». Dès 1695, Zumbo travaillait d’ailleurs à la conservation des têtes et des corps, notamment celui d’une femme enceinte destinée à de prestigieux commanditaires. Mais son œuvre la plus célèbre, mentionnée par Sade, reste La Peste :

« On peut y voir un sépulcre empli de cadavres à divers stades de la putréfaction, de l’instant de la mort jusqu’à la destruction totale de l’individu. Cette œuvre sombre a été exécutée en cire colorée imitant si bien le naturel que la nature ne saurait être plus expressive ni plus vraie. L’impression est si forte face à ce chef-d’œuvre que les sens semblent se donner l’alarme l’un l’autre : sans le vouloir on porte la main à son nez. » - Sade, Juliette.

Le chirurgien Flisse et ses collègues ne paraissent d’ailleurs pas s’être beaucoup cachés. On connaît sa réputation « à Paris » et la rumeur va bon train. On observe au passage très bien comment circule l’information, faite de constatation de visu, de propos entendus et de suppositions du mari vers la femme, des parents vers les enfants, de la fille vers le père ou entre voisins. L’enquêteur n’a qu’à remonter le fil de la transmission pour boucler son dossier. Assez vite les on dits circulaient d’un village à l’autre et sont revenus aux oreilles de la veuve.
Mais à qui profite le crime ou tout du moins quel était le mobile ? Ecartons l’occultisme au risque de voir assez vite intervenir la franc-maçonnerie, les templiers et bientôt Léonard de Vinci ou plutôt Ligier Richier et son Transis. Il semblerait que Flisse travaille à la production de squelettes, « d’anatomies », pour des clients extérieurs. Mais on s’interroge sur les « costes » qui ont échappé à son attention. L’ouvrage devait donc être incomplet. Si l’hypothèse est juste, il faudra expliquer l’intérêt de venir chercher un cadavre à la campagne et non pas dans une grande ville qui ne manque pas de corps disponibles, de condamnés ou d’inconnus. A l’époque cependant, la dissection était largement pratiquée en dehors des amphithéâtres[29]. Des amateurs entretenaient des cabinets d’anatomie où ils collectionnaient « des hommes en veines, en muscles ». A partir d’un fait divers, le marquis de Sade raconte d’ailleurs comment la marquise de Grange, séquestrée dans un château, parvint à s’évader et tomba par hasard sur un tel cabinet et un homme ouvert. Au temps de Diderot, l’Encyclopédie se plaignait qu’il n’y avait plus de cadavres disponibles pour la médecine et son enseignement, tant ils étaient accaparés par de riches amateurs. Cependant, nous ne sommes encore qu’au tout début du XVIIIe siècle. Si l’on suit l’enseignement d’Ariès, la fascination du corps mort « si frappante au XVIe siècle, puis à l’âge baroque, plus discrète à la fin du XVIIe » recommence « à s’exprimer avec l’insistance d’une obsession »[30]. Nous serions au moment où se produit justement le balancement.
On sait en tout cas que les vols de cadavres par les étudiants en médecine étaient fréquents. Les exemples semblent même se multiplier depuis la Renaissance, au point que des incunables comportent des illustrations montrant explicitement des ouvertures de tombes à la sauvette. Ceci dura très longtemps. Pendant 40 ans, de 1843 à 1880, une loi interdisant l’utilisation « des cadavres trouvés sur la voie publique ou d’individus décédés dans une institution subventionnée et non réclamés » aux fins d’enseignement causa une véritable épidémie de vols de corps dans les cimetières du Québec[31]. En 1878, le Granby Gazette et le Waterloo Advertiser rapportent ainsi une affaire d’exhumation similaire en tout point à celle de Couvonges.
Malgré les maladresses de nos comploteurs, ceci expliquerait l’existence d’un réseau et d’une logistique. Pratiquer à Revigny devait au moins avoir un avantage, celui d’une localisation à la frontière, à la limite des duchés et de la France et juste entre les diocèses de Châlons et de Toul. En cas de poursuites judiciaires et de fuite, le prévenu pouvait facilement passer d’un lieu à l’autre[32].
De Herque invoque de bonnes fins, une raison utile au public qu’il ne peut hélas détailler avant son retour. Sans doute s’agit-il seulement d’une excuse fallacieuse arrangée avec la veuve. Mais on devine l’existence d’un cénacle, disons un groupe de professionnels de la médecine qui a peut-être voulu tromper l’ennui de la Province (et pour l’un d’entre eux de la vie de garnison) par une autopsie. Jean Pierson est mort « d’une fievre continue ». Flisse, Nolin fils (et père ?), de Herque ont-ils voulu faire oeuvre de recherche expérimentale. Un demi-siècle après la mort de Molière, alors même que la Sorbonne n’accepte pas la théorie de la circulation sanguine de Harvey, l’argument serait intéressant mais le dossier est mince. Toutes ces questions demeurent donc sans réponses.
Le procureur fiscal est d’ailleurs insatisfait du résultat de l’enquête. Il n’a pu entendre les accusés, lui qui fut le seul à se dire scandalisé. A quelques jours de là, le 4 avril 1704, il instruit une affaire contre la même Marguerite Baudesson pour la curatelle de ses enfants mineurs, ce qui est l’occasion de dresser l’inventaire après décès de Jean Pierson, mort à présent depuis plus d’un mois[33]. Ce n’est peut-être qu’un hasard mais, à peine quelques jours plus tard, c’est au tour du cabaretier de Mognéville Jean Bouquet d’être visé par le procureur fiscal de la Justice de Couvonges. Mademoiselle de Mussey ne sera en revanche jamais interrogée sur ses liens avec le chirurgien Flisse et sur cette affaire de chaudière. Les sources judiciaires locales ne permettent pas d’aller plus loin. L’Histoire s’arrête.









La chronologie : Du 27 février (mort de Jean Pierson) au 1er avril 1704 (réinhumation du corps).

27 février : Mort de Jean Pierson.
28 février : Inhumation.
2 ou 3 mars : Exhumation clandestine.
Lundi 3 mars : Transport du ballot par Christophe Gibrat.
S’écoulent un peu moins de trois semaines pendant lesquelles la rumeur enfle.
Vers le 20 mars : Plainte de Marguerite Baudesson au procureur fiscal.
Samedi 22 mars : Rapport du procureur fiscal au lieutenant.
Entre le 22 et le 26 mars : Second rapport du procureur fiscal au lieutenant.
Mercredi 26 mars : Lancement par le juge de la convocation des témoins pour le samedi 29 mars à 9 heures.
Samedi 29 mars / 9 heures : Dépositions des témoins.
Dimanche 30 mars : Lettre de Edme Herque revendiquant les faits.
Mardi 1er avril : Découverte du sac et fin de la procédure.

Les protagonistes :

Marguerite BAUDESSON : Veuve du mort.
Jean BOUQUET : Cabaretier à Mognéville.
Pierre COUSIN : Fossoyeur. Vide la fosse du cimetière à la demande du procureur fiscal.
Nicolas DELABAS : Neveu du curé FOUREAULX.
Jean ESTIENNE : Habitant de Couvonges qui expertise les ossements.
Louis FLISSE : Chirurgien demeurant à Revigny accusé par la rumeur publique.
Femme FLISSE : Fait déterrer les côtes pour les porter en terre sainte.
Jean FOUREAULX : Curé de Couvonges.
Nicolas GAVIOT et ses cochons : Vigneron. Demeure à Revigny. 25 ans. Témoin N°5. A arraché quelque chose à ses cochons et l’a enterré.
Christophe GIBRAT : Laboureur à Revigny. 25 ans. Témoin N°1. A transporté le ballot de Mognéville à Revigny.
Edme de HERQUE : Habite chez le chirurgien Flisse. Mis en cause. Auteur de la lettre de revendication.
Nicolas LALLEMANT : Le témoin manquant.
Madelaine LECLERC : Femme à Claude Toussaint. 42 ans. Témoin N°4. A entendu dire.
LIERRET : ¨Procureur fiscal en la Haute Justice de Couvonges.
Jean-Guillaume MAIROT : Maître d’école de Couvonges. Témoin N°8 mais non interrogé. Soupçonné. Découvre opportunément le sac.
Nicolas MOAT : Vigneron à Revigny. 38 ans. Témoin N°2. Habite chez Flisse.
J. MOUROT : Le greffier de la Haute Justice.
Mme de MUSSEY : Gouverne la maison de Mr. de Longeville. A prêté la chaudière.
NOLIN : Fils du docteur Nolin médecin.
Jean PETION : Habitant de Couvonges qui expertise les ossements.
Jean PIERSON : Le mort.
François REGNARD : Fossoyeur. Vide la fosse du cimetière à la demande du procureur fiscal.
Jean SAINTOT : Père à Jeanne. 48 ans. Marchand. Demeure à Revigny. Témoin N°7. A prêté un sac à Flisse.
Jeanne SAINTOT : Femme à Nicolas Gaviot et fille à Jean Saintot. 21 ans. Témoin N°6. A vu ses cochons trouver quelque chose et a entendu dire.
César SERRE : Avocat ès sièges de Bar. Chargé de l’enquête.
Claude THOMAS (signe THOMMA) : Lieutenant en la Haute Justice de Couvonges.
Claude TOUSSAINT : Vigneron. Demeure à Revigny. 50 ans. Témoin N°3. A entendu dire.
Claude VIGOUREUX : Juge en la Haute Justice de Couvonges.
et le jeune homme en noir (Nolin, Herque ?).



[1] Exposition « choc » intitulée Körpenwelten (Univers des corps) qui présente une cinquantaine de cadavres écorchés conservés selon la technique dite de la « plastination » et qui a fait scandale au japon et en Allemagne. L’auteur qui se présente comme professeur aux Beaux Arts de Berlin est en réalité professeur à l’université de médecine légale d’Heildelberg.
[2] Pascal Briost, Hervé Drévillon & Pierre Serna, Croiser le fer. Violence et culture de l’épée dans la France moderne (XVIe – XVIIIe siècles), Seyssel, Champs Vallon, 2002.
[3] Hervé Piant, XXX.
[4] A.D. Meuse B 57.
[5] Archives départementales de la Meuse - Haute Justice de Couvonges - B 206.
[6] Pièce N°5.
[7] De manière exceptionnelle, l’ancien cimetière qui entoure l’église, construite sur une petite butte, a été conservé même s’il ne possède plus de tombe de l’époque de l’affaire.
[8] Les registres B.M.S. de Revigny ne commencent qu’en 1756 et l’essentiel des archives de la ville ou de la paroisse a disparu ce qui rend difficile l’identification du chirurgien Flisse. Dans la deuxième moitié du XVIIIe, au XIXe et au XXe siècle, on trouve néanmoins des Flize à Revigny (l’un d’entre eux, un notable décédé en 1959, fit les honneurs de la presse). Les archives de Meurthe & Moselle livrent également toute une dynastie de médecins et de chirurgiens (B 10489, D 45 & 85, 87 et G 265) présente à Toul ou à Nancy dans les années 1750-1780 et dont l’un enseigna la chirurgie à Nancy.
[9] Mais le cimetière entoure l’église où le prêtre doit officier plusieurs fois par jour. N’a-t-il pas été un des premiers informés ?
[10] Un homonyme du greffier se trouve être maître chirurgien à Couvonges mais il n’apparaît jamais au cours de l’affaire. A.D.Meuse – 19 E 140 – Fond du notaire Collot de Revigny (1704-1709) : en novembre 1704, celui-ci vend des biens à Jacques Michalot procureur postulant de Mognéville et à sa femme Marie Mourot.
[11] Pièces N°4.
[12] Les registres B.M.S. de Couvonges ne commencent qu’en 1756.
[13] Le dossier écrase un peu la chronologie car la veuve Baudesson ne se présente devant le procureur fiscal qu’au bout d’une quinzaine de jours, le temps nécessaire à la diffusion de la rumeur.
[14] Pièce N°4 bis. Bar = Bar-le-Duc (capitale du duché de Bar et du baillage du même nom).
[15] Pièce N°3.
[16] S’il s’agit du corps, rappelons que nous sommes encore en hiver, fin mars, et que les témoignages font état de températures assez rigoureuses (la petite ère glacière de la fin du règne de Louis XIV) ce qui ralentirait la putréfaction et expliquerait que Gibrat ne remarque rien. En revanche, la taille est inférieure à celle d’un corps, mais peut-être celui-ci a-t-il été replié sur lui-même.
[17] Un vigneron est un ouvrier agricole, un manouvrier, d’où la faiblesse des moyens dont il dispose.
[18] La justice n’aime pourtant pas les tenanciers de maisons de boisson accusés, souvent avec raison, d’accueillir tous les vices dans leurs établissements.
[19] Pièce N°2.
[20] Même si son époux était encore un jeune cadavre lors de son exhumation, c’est encore, et de manière classique, les os seuls qui comptent. De Herque dit, dans la lettre citée plus loin, pourtant que les chairs ont été inhumées !
[21] Cependant, comme plusieurs auteurs l’ont montré, à l’exemple d’Hervé Piant en Lorraine (voir plus bas), les pauvres hésitent à aller en justice.
[22] Pièce N°1.
[23] Jean-Paul Streiff, Les déclarations de grossesses illégitimes au bailliage de Bar-le-Duc (1718-1790), 107e Congrès national des Sociétés savantes, Brest, 1982, histoire moderne et contemporaine, Tome I, pp.91-100.
[24] Jacques Berchtold & Michel Porret, La peur au XVIIIe siècle, Genève, Droz, 1992. Claudio Milavesi, Mort apparente, mort imparfaite. Médecine et mentalités au XVIIIe siècle, Payot, 1985. Michel Delon, Les terreurs des Lumières, Le Magazine littéraire, N°422 - Juill./Août 2003, pp.46-48.
[25] Frédéric Schwindt, La communauté et la foi - Confréries et société à l’ouest de l’espace lorrain (XIIIe - XXe siècles), Thèse de l’université de Nancy II sous la direction du professeur Louis Châtellier, 2004, Tome 3, pp.307-322.
[26] Philippe Ariès, Essais sur l’histoire de la mort en Occident du Moyen Age à nos jours, Point-Seuil, 1977, p.33-35.
[27] Jean Michel Lang, Ossuaires de Lorraine - Un aspect oublié du culte des morts, Editions Serpenoises, 1998.
[28] Alain Croix, Cultures et religion en Bretagne aux XVIe et XVIIe siècles, Apogée, P.U.Rennes, 1995, p.137 et svtes.
[29] Philippe Ariès, Op. cit, p.114.
[30] Idem.
[31] L’Historien régional, Volume 4, N°4 – Automne 2004. XXX, Histoire de Granby, 512 pages.
[32] Dans sa thèse de doctorat, Hervé Piant nous montre parfaitement comment les justiciable profitaient habilement des frontières pour échapper aux poursuites ou bien lorsqu’ils étaient condamnés (dans le cadre des villages mi-parties) à l’exil « de l’autre coté de rue ». Hervé Piant, Le tribunal de l’ordinaire – Justice et société dans la prévôté de Vaucouleurs sous l’Ancien Régime – Vers 1670-1790, Thèse de l’Université de Bourgogne sous la direction du professeur Benoît Garnot, 2001, à paraître aux Presses universitaires de Rennes.
[33] Archives départementales de la Meuse - Justice de Couvonges - Bp 5395.

Aucun commentaire: